Food truck : le business du prêt-à-manger qui fait de l’ombre à la restauration traditionnelle
La version haut de gamme de la traditionnelle baraque à frites ou du camion à pizza, c’est indéniablement ce qu’on appelle le food truck. En français cela donne le camion-cantine ou le restaurant ambulant, tendance, pratique et bon, le concept est directement importé des États-Unis. Focus sur cette mode du prêt-à-manger qui explose et menace de tout emporter sur …
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La version haut de gamme de la traditionnelle baraque à frites ou du camion à pizza, c’est indéniablement ce qu’on appelle le food truck. En français cela donne le camion-cantine ou le restaurant ambulant, tendance, pratique et bon, le concept est directement importé des États-Unis. Focus sur cette mode du prêt-à-manger qui explose et menace de tout emporter sur sa route, y compris le business de la restauration traditionnelle.
De Wall Street à la Défense, les Food trucks débarquent en France et ça plaît ! Une matinée harassante au bureau, pas le temps de manger dans la petite brasserie du coin mais quand même, cela serait plutôt sympathique de déjeuner avec un bon petit repas ? Compromis entre le club sandwich du distributeur et l’assiette de bavette-frites, le hamburger maison du camion-cantine ou le plat de pâtes al dente du restaurant ambulant trouve toujours preneur.
Aux abords des bureaux d’affaires, vous pouvez les voir pousser comme des pissenlits. Belle journée de septembre, c’est la rentrée, du côté du site d’excellence numérique nordiste d’Euratechnologies, à Lille, deux camions stationnent et laissent échapper des effluves de grillades et de frites. Battle de hamburgers maison en vue. Damien, ingénieur de 27 ans, est un inconditionnel. « Je n’ai pas souvent le temps de prendre le métro, de rejoindre le centre-ville et de me poser pour prendre un vrai repas. C’est parfait ! J’aime ce qui est consistant et ce n’est pas très cher finalement. ».
Dans son camion, c’est presque l’heure du coup de feu pour lui mais Patrick prend encore le temps de saluer les passants qui ont l’habitude de s’arrêter chez lui. Cela fait 4 ans qu’il s’est lancé. Reconversion professionnelle. Son histoire ressemble à celle de plusieurs autres collègues stationnés à travers le monde. « J’étais coach sportif. Je travaillais à mon compte, ça marchait bien mais je m’ennuyais, j’ai eu envie de découvrir le monde. Deux ans plus tard, j’étais presque américain et j’étais fasciné par ces vans qui vous proposaient des petits plats pour 10 dollars. Je suis rentré en 2012 et j’ai acheté un camion. » Encore une mode américaine ?
De Washington à Paris : la folie des Food truck
Le concept remonte au 19ème siècle. Et il vient bien des Etats-Unis. C’est pendant la Guerre de Sécession qu’il a été imaginé par Charles Goodnight, initialement baptisé le « chuckwagon », il s’agissait d’un wagon de transport de bétail, transformé en cuisine mobile et qui parcourait le pays du Texas vers le nord des États-Unis afin de restaurer les migrants. Un carton !
Les premiers « lunch wagons » post-war apparaissent dans le paysage américain au début du 20ème siècle. Les ouvriers de chantier et les travailleurs de nuit font tourner ce commerce qui finit par séduire le consommateur lambda. Et le monde.
Les Food trucks tels que nous connaissons aujourd’hui, débarquent en France en 2011. C’est encore une américaine qui lance le concept chez nous. Kristin Frederick pose ses bagages à Paris, à la Madeleine précisément : le 29 novembre. Sa cantine ambulante s’appelle alors « Le Camion qui fume », rapidement suivi de « Cantine California » lancé par Jordan Feilders. Et là encore, c’est carton plein pour Kristin Frederick. En 2012, « Le Camion qui fume » a reçu la palme d’or du concept le plus innovant de l’année.
Les Food trucks : un business lucratif ?
Ils se développent de plus en plus et partout. En 2013, on dénombre entre 30 et 40 camions-cantine qui sillonnent les grandes villes de France.
Même s’il s’agit encore d’un commerce naissant et difficile à estimé, le succès semble déjà inévitable. Pour que cela marche, il faut évidemment réunir plusieurs facteurs. Le plus stratégique étant celui de l’emplacement. A proximité des bureaux d’affaires, dans un endroit où il y a du passage : premier point.
L’activité peut rapporter gros si l’offre est variée et se démarque du classique « burger-frites ». Evidemment, le dernier facteur-clé ne peut être calculé finalement puisqu’il s’agit de la météo. Plus il fait beau, plus cela fonctionnera.
Combien ça coûte et combien ça rapporte surtout ? Selon une étude approfondie d’Alternatives Economiques l’investissement initial est inférieur à 100 000 euros et le chiffre d’affaires d’un camion peut atteindre 70 000 euros par mois. Un investissement de départ vite amorti.
Marc Mousli pose encore une question intéressante : « est-il nécessaire de préciser que ce commerce embryonnaire a dès sa naissance mobilisé contre lui des restaurateurs qui voient d’un mauvais œil ces nouveaux concurrents ? ». Début de réponse : non.
Restaurants traditionnels vs Food truck
Voir ses clients filer faire la queue devant un camion-cantine stationné devant le bureau ? La pilule a du mal à passer pour les restaurateurs traditionnels.
Le même burger ou presque pour 20% moins cher, on reconnaît facilement que le choix est parfois vite fait. Avec de véritables cartes et des produits de qualité, les Food trucks trustent littéralement le business de la restauration classique.
Retour à Madeleine, le « ground zero » du Foodtruck à la française, au coin de la rue s’affrontent presque le camion-restaurant et la brasserie de Pierrot. Lui l’a mauvaise. « Je suis ici depuis 1982. Je fais mon marché tous les matins, mes clients sont reçus comme des amis et ma carte change à chaque saison. Alors quand je vois une queue interminable devant la roulotte à burgers, ça me fait mal. » Cash. Amer.
Autre point qui ne fait pas décolérer notre Pierrot : les charges. Et oui, les Food trucks ne paient pas de loyer et peu de charges. « Ils peuvent s’amuser, se développer, changer de quartier quand ça leur chante, c’est déloyal comme business ! » Pour Patrick notre chef ambulant, c’est plus compliqué que ça. Des taxes, des autorisations multiples, des désagréments techniques coûteux : pour lui, « c’est aussi difficile que pour un restaurateur classique mais à une autre échelle. »
La même question obsède cependant les deux hommes : engouement passager ou véritable niche ? Le Foodtruck passionne. Jusqu’aux industriels de l’agroalimentaire.
Les Food trucks : culte du « fait-maison » ou « sur le pouce industriel » ?
Là encore, le business pourrait s’avérer juteux. Ce qui semble confirmer le succès des food trucks, c’est encore le fait-maison. Des frites mal taillées, du pain à burger pétri à la main, un steak mariné avec amour : autant d’éléments qui font pencher la balance en faveur du Foodtruck mais là encore, tout cela a un coût.
Qui dit coût, dit économie pour les plus verreux. Là encore, ils existent. Gain d’argent : 30% pour celui qui fera le choix du réchauffé, du produit industriel. Le filon est bon pour les professionnels de l’agroalimentaire qui trouvent de nouveaux clients et qui peuvent leur proposer des tarifs préférentiels.
Patrick nous l’assure : chez lui c’est fait-maison ! « Mes hamburgers cartonnent parce que de ‘A à Z’, c’est artisanal. Le pain, la viande et les pommes-frites. » On est presque rassuré pour lui parce que l’aficionado de Food truck, Julien est catégorique : « Si c’est pour manger des frites surgelées et des pasta-box, autant le faire devant mon écran au bureau. Moi je veux du frais, tout juste préparé. » Vous êtes prévenus.
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