Bruno Le Maire a réuni hier les principaux acteurs de la filière fruits et légumes, grandement menacée par la conjoncture actuelle. Le fruit issu de cette réflexion est un plan d’action en cinq points :
- Des mesures conjoncturelles immédiates évaluées à 15 M€ afin d’alléger les charges financières et sociales des exploitants. Elles pourront prendre la forme d’une prise en charge des intérêts des prêts à long et moyen terme, bonifiés ou non, des prêts de consolidation de prise en charge de cotisations sociales, ainsi que la mise en place d’un comité départemental chargé de discuter de l’application locale du plan. Les producteurs de tomates, concombres et pêches-nectarines sont les premiers concernés par cette mesure. La MSA a en outre annoncé que 20M€ seront mobilisés pour accorder des échéanciers de paiement de cotisations.
- Des mesures structurelles afin d’accompagner les producteurs les plus en difficulté à restructurer leurs exploitations ou à cesser leur activité, évaluées à 10 M€. Le ministre a ainsi déclaré souhaiter que les entreprises de commercialisation soient « plus fortes » pour pouvoir « négocier un meilleur prix pour les producteurs ». 1M€ sera destiné à moderniser les serres, un autre million servira à rénover les vergers de pêches et nectarines, et 2M€ financeront la formation des salariés. De plus, 4M€ seront débloqués concernant les dispositifs « Agriculteurs en difficulté » (Agridiff) et « Aide à la Reconversion Professionnelle » (ARP).
- Les relations commerciales entre producteurs et distributeurs ont également été abordées dans le plan, afin de rééquilibrer la donne.
- La gouvernance de la filière est également un point mis en avant par le ministre.
- Enfin, une meilleure régulation européenne du marché des fruits et légumes, élaborée en collaboration avec Rosa Aguilar, la ministre de l’agriculture espagnole.
Bruno Le Maire s’est également fixé comme objectif de diminuer le coût du travail permanent pour les producteurs « de l’ordre d’un euro par heure travaillée au 1er janvier 2012 ». Un médiateur sera en outre nommé afin de « régler les difficultés qui sont apparues au sein de l’interprofession ». Le ministre a fait le souhait « qu’un dialogue soit ouvert avec la grande distribution » pour que « les produits français soient plus valorisés que les autres ».
Le fait que les fruits et légumes ne bénéficient pas de bons de commandes a également été évoqué, et Bruno Le Maire a promis des sanctions contre ce type de pratiques qui « revient à faire du dumping ». Ainsi, un dispositif administratif sera mis en place d’ici la fin du mois et visera à appliquer une sanction « financière », « immédiate » et « lourde ».
Le député UMP Bernard Reynès, qu’agro-media.fr avait interviewé en exclusivité pour vous sur la délicate question de la taxe soda, s’est également adressé à Bruno Le Maire dans une question au gouvernement. L’échange détaillé est disponible sur le site du Ministère de l’Agriculture, de la même façon que le communiqué de presse présentant le plan d’action dans son intégralité.
Le ministre a enfin déclaré lors de la présentation du plan d’action la taxation des fruits et légumes en provenance de pays tiers. Un dispositif européen existe en effet à ce propos et vise à taxer les produits en provenance de pays n’appliquant pas les mêmes règles que l’Union Européenne : « il existe un dispositif européen, dit du “prix d’entrée”, qui prévoit de taxer davantage les fruits et légumes en provenance de pays extra-communautaires pour compenser des règles moins strictes en matière sociale ou environnementale en vigueur dans ce pays », a déclaré le ministre. Il a également déploré que ce système « qui figure dans le droit européen et qui a été validé par l’OMC est largement inappliqué ».
Malgré les efforts réalisés par Bruno Le Maire, son plan est loin de convaincre les producteurs. Jacques Rouchaussé, producteur de fruits et légumes dans la Marne, a ainsi déclaré considérer ce « plan minable ». « Déjà au niveau de la crise Escherichia coli, quand on prend le concombre et la tomate, on a déjà perdu sur un mois 30 millions d’euros. Et ça, c’est seulement sur un mois. On voit que ça a duré depuis le mois de mai. Ce n’est pas à la hauteur des besoins. Elles vont mettre la clé sous la porte des entreprises. Sachez que ça va faire au maximum 7 500 € par exploitation. Un hectare de tomates, de serre, coût un million d’euros d’investissement. Vous croyez qu’avec 7 500€, on va s’en sortir ? », s’est-il insurgé. Qui dit mieux ?