La taxe soda, dont la mise en place a été annoncée par le premier ministre François Fillon, a bien entendu suscité la grogne des industriels. En chef de file, Coca-Cola a été le premier à se plaindre de cette mesure, considérant l’objectif annoncé de cette taxe de réduire l’obésité en France comme un prétexte. Le géant du soda avait alors décidé d’agir pour montrer son mécontentement en remettant en question un investissement de 17 M€ prévu sur un site français, celui de Pennes-Mirabeau (13). L’investissement en question concerne la rénovation d’une ligne de remplissage de canettes et était originellement prévu pour 2012. Alors que le délégué syndical du groupe pour la zone sud expliquait que « les salariés sont inquiets car ils sentent que ce n’est pas bon pour l’avenir du site », Coca-Cola affichait sa détermination : « Nous entendons ainsi protester symboliquement contre une taxe qui sanctionne notre entreprise et stigmatise nos produits ». Le leader des sodas a ainsi réaffirmé « son opposition vigoureuse à toute forme de stigmatisation des boissons sucrées et à leur assimilation à d’autres catégories de produits tels que le tabac ». Pourtant, Coca-Cola a bien précisé que l’investissement « n’est pas annulé, mais il doit être réévalué dans le contexte d’incertitude créé par la taxe ». Autrement dit la décision serait prise dès que le Parlement se serait prononcé.
Les réactions n’ont pas tardé quant à cette déclaration :
- la députée UMP des Bouches-du-Rhône, Valérie Boyer, s’est aussitôt dite « absolument choquée et scandalisée » par « le chantage » de Coca-Cola. Elle a déclaré : « Rien n’empêche cette entreprise de faire des efforts sur des boissons non sucrées qui font aussi partie de ses ventes ».
- Bercy a également regretté qu’une telle décision soit prise : « c’est une décision regrettable en termes économiques, mais qui ne peut pas être liée à l’augmentation d’un centime d’euro sur les sodas à sucres ajoutés, qui est motivée par un objectif de santé publique ».
- Xavier Bertrand a aussi immédiatement pris position et a décidé d’intervenir : « j’ai appelé moi-même le PDG de Coca-Cola en France pour lui dire qu’on était sidérés par la décision prise, que je trouve incompréhensible ».
- Au contraire, les autres industriels, par le biais de l’Association Nationale des Industries Alimentaires (Ania), se sont rangés du côté du leader des sodas. Ainsi, Jean-René Buisson, le président de l’Ania, a déclaré « comprendre » cette décision. Il a également tenu à rappeler que Coca-Cola, de la même façon qu’Orangina, « fait partie des sociétés qui ont signé des chartes avec les pouvoirs publics sur la réduction du sucre et sur des politiques d’éducation nutritionnelle ».
- Une enquête réalisée par Harris Interactive du 31 août au 5 septembre 2011 sur 1044 personnes a par ailleurs révélé que 58% des français désapprouvaient la taxe soda et considéraient que le véritable objectif du gouvernement en l’instaurant n’était absolument pas une question de santé publique. Ainsi, 92% des français pensent qu’elle servira davantage à augmenter les recettes de l’Etat. Seuls 28% considèrent qu’un véritable enjeu de santé publique existe. Le Syndicat National des Boissons Rafraîchissantes (SNBR) a commenté : « Les français jugent la taxe sur les boissons sucrées inefficace pour lutter contre l’obésité, et 81% des français estiment que l’augmentation du prix des boissons à sucre ajouté n’aurait pas d’effet pour réduire l’obésité en France. Ceci va dans le sens des études scientifiques publiées en France à ce jour qui ne montrent pas de lien direct entre la consommation de boissons rafraîchissantes et l’obésité ».
Coca-Cola a aussi mis en place une véritable campagne anti-taxe soda. Ainsi, un compte Twitter a été créé et baptisé @AntiTaxeSoda. Sur le site internet du géant, une page a aussi été mise en ligne sur le sujet et affirme que le consommateur devra payer « 3,5% » plus cher sa boisson : « à l’arrivée, c’est le consommateur qui va payer, pas le politique ». Il est accompagné dans son combat par son concurrent Orangina, qui a prévenu qu’il « se battra jusqu’au bout ».
Pourtant, ô stupeur, malgré ces belles intentions et les conséquences qui en ont découlé, Coca-Cola a fait machine arrière hier soir. Ainsi, le président Europe du groupe, Hubert Patricot, a regretté ce qu’il appelle « une erreur de communication ». Il a ajouté que cette erreur « a semé la confusion sur l’engagement de Coca-Cola en France ». « Nous sommes une entreprise responsable, nous continuerons à investir en France », telle a été sa déclaration. Finalement, le président Europe s’est justifié sur la réaction de la filiale française du groupe en parlant de l’émotion provoquée par cette décision du gouvernement. Il a d’ailleurs réaffirmé sa position contre cette taxe soda. Il a précisé que le 40ème anniversaire de l’usine de Pennes-Mirabeau serait maintenu, de même que la venue du président de Coca-Cola Entreprises, John Brock, contrairement à ce qui avait été annoncé. Alors, fin de la polémique ? Probablement pas.