L’essor du bio est un des phénomènes les plus marquants de la grande distribution depuis plusieurs années ; en 2019, les produits bio étaient encore responsables de 93% de la croissance des produits de grande consommation en France et voyaient leur chiffre d’affaires progresser de 19%.
La période du nouveau coronavirus (COVID-19) que nous connaissons depuis fin février aurait pu marquer un coup d’arrêt au profit des produits conventionnels dans un contexte de recentrage sur les biens de première nécessité.
Mais cette hypothèse ne résiste pas à l’épreuve des faits. Pour preuve, la dernière étude de Nielsen, société internationale de mesure et analyse des données, vient de publier une étude sur le bio en cette période de crise sanitaire.
Un contexte favorable au bio
En réalité, le constat est tout autre. Depuis le début de la séquence COVID-19, les produits bio sont non seulement en très forte croissance en grandes surfaces mais en plus l’écart de croissance avec les produits conventionnels se creuse : d’environ 14 points début février, cet écart a parfois dépassé les 20 points depuis selon l’étude de Nielsen.
A cette croissance en grandes surfaces, s’ajoute le développement des achats en magasins bio spécialisés (Biocoop, Naturalia, La Vie Claire, Bio C’ Bon, Naturéo…) qui connaissent également une forte croissance en cette période de confinement.
“La valeur du panier moyen y a augmenté de 48%, passant d’environ 40€ à 59€ depuis la mi-mars” nous explique Alexandre Fantuz, Directeur Marketing de Biotopia, panéliste en magasins bio. Sur cette période “Covid-19”, l’ensemble des circuits de grande distribution participent à la croissance du bio – en particulier ceux qui tirent leur épingle du jeu en ce moment : les supermarchés, les magasins de proximité et le drive. Le drive voit aussi les produits conventionnels connaître un dynamisme important, dynamisme qui est finalement le reflet de l’attractivité sans précédent de ce circuit qui a converti 500 000 foyers supplémentaires en à peine 1 mois !
Antoine Lecoq, consultant analytique chez Nielsen, explique que “plusieurs phénomènes peuvent expliquer cette tendance du bio depuis quelques semaines. Tout d’abord les produits bio, perçus comme plus naturels que les autres, restent recherchés par les consommateurs, surtout dans une période de doute, où les produits vus comme globalisés sont sous le feu des critiques. Ensuite, en moyenne, et même s’il peut y avoir des différences d’une catégorie de produits à l’autre, le bio est un peu moins “rupturiste” que le conventionnel, ce qui signifie que quand les rayons sont vides, il y a plus de chances de pouvoir encore trouver des produits bio en rayon. Enfin, le recentrage sur le commerce en ligne ou de proximité, où le poids du bio est structurellement plus important, joue mécaniquement en faveur de la croissance de ces produits”.
Le bio plus dynamique
Sur certaines catégories alimentaires de base comme le riz, les pâtes, le sucre, la farine ou les oeufs, on pourrait penser que les Français aient favorisé les produits les plus élémentaires au détriment du bio, tandis que celui-ci poursuivrait sa croissance sur d’autres catégories.
«Pourtant, à y regarder de plus près, il s’avère que, pour la plupart de ces catégories, les ventes de bio restent plus dynamiques, parfois nettement, que celles des produits conventionnels… signe que les consommateurs ont continué à privilégier ces produits vus comme plus qualitatifs» analyse Nielsen.
Comme le précise Emmanuel Fournet, Directeur Insights et Analytics chez Nielsen, “il ne faut pas oublier que le bio représentait déjà une part importante des ventes de ces catégories avant la période de crise. Et puis ce sont des produits de base, fortement consommés par les familles qui sont aussi de grandes consommatrices du bio, et en prenant plus de repas à domicile que d’habitude, elles amplifient naturellement la consommation de ces produits.”
La croissance du bio en France répond à une logique
Enfin, la croissance du bio, bien que visible sur l’ensemble du territoire français, répond aussi à une logique géographique liée à la localisation de sa clientèle. En effet, les départements où la croissance du bio est la plus forte lors de la dernière semaine du mois de mars se situent dans le nord et le nord-ouest, ainsi que dans l’est et le sud-ouest.
Cette carte de France de la croissance du bio est à la fois le reflet du poids important du bio dans ces zones, mais aussi, plus généralement, du fait que les familles sont plus représentées dans ces départements, ce qui se répercute naturellement sur la consommation de produits bio. Il est également intéressant de noter que c’est souvent dans ces mêmes départements que l’écart de croissance entre produits bio et des produits conventionnels est le plus fort.
En revanche, le dynamisme des produits bio est plus limité en région parisienne, à Paris en particulier, ce qui peut en partie s’expliquer par “l’exode” vers la province d’une population qui sur-consomme du bio habituellement.
Les aliments de demain
Pour l’avenir, les implications ne se limiteront sans doute pas au bio, c’est l’ensemble des produits aux promesses alternatives (végétaux, écologiques, locaux…) qui tireront probablement leur épingle du jeu en sortie de crise. Ainsi, on constate également que les produits de papier et d’entretien écologiques, par exemple, sont en très nette croissance (+62% contre “seulement” +25% pour les produits conventionnels de ces mêmes rayons) depuis un mois.
De la même manière que la crise actuelle pourrait avoir comme conséquence l’accélération de l’adoption du e-commerce, le bio, et les promesses alternatives dans leur ensemble, pourraient convaincre de nouvelles cibles, conquérir de nouveaux territoires et à terme encourager leur développement et leur présence dans le panier post-Covid des Français.
Daniel Ducrocq, Directeur des Services à la Distribution chez Nielsen, anticipe d’ailleurs les conséquences pour le magasin de demain : “La crise sanitaire que nous traversons va remettre un fort focus sur les produits santé, comme on le constate déjà dans l’opinion publique en Asie, et pousser les distributeurs à aller encore plus loin dans l’assortiment de produits frais, pour répondre à une consommation accrue à domicile (moins de voyages, plus de télétravail, moindre fréquentation des restaurants). Deux phénomènes qui pourraient bien profiter au bio, sur les catégories où il est encore à développer.” Cette possibilité sera l’un des phénomènes majeurs à suivre quand cette période, si particulière, sera derrière nous.