Marine Le Pen, la candidate à l’élection présidentielle du Front National, a suscité une vaste polémique en déclarant samedi 18 février que la viande « distribuée en Ile-de-France » était « exclusivement » halal, à l’insu du consommateur, et que « tous les abattoirs d’Ile-de-France vendent du halal, sans exception ». Elle s’est appuyée sur un reportage d’Envoyé Spécial diffusé jeudi 16 février sur France 2 (voir vidéo ci-dessous) dans lequel François Hallepée, le directeur de la Maison de l’Elevage d’Ile-de-France, avait déclaré que les abattoirs régionaux « abattent tous selon le rite musulman, donc 100% de l’abattage est halal en Ile-de-France ».
Pour Claude Guéant, le ministre de l’Intérieur, l’assertion de Marine Le Pen, « c’est absolument faux ». S’ « il y a en Ile-de-France des abattoirs qui sont habilités à faire des abattages selon le rite », les viandes qui en sont issues sont destinées « à une consommation spécifique », et bien « identifiée comme telle ». Il a ajouté : « les services vétérinaires veillent à ce que les abattoirs acheminent leur production halal vers le public qui souhaite consommer halal ». Il a également évoqué les « contrôles fréquents pour éviter qu’il y ait tromperie sur la marchandise ».
Même son de cloche du côté des industriels de la viande et notamment du Sniv-Sncp, dont le directeur général, Pierre Halliez, a affirmé : « prétendre qu’en Ile-de-France on mange halal, c’est totalement absurde ». En effet, selon lui les tonnages abattus dans la région « sont minimes », et de fait ne fournissent que de « manière extrêmement minoritaire, voire insignifiante », les magasins locaux. Car si en effet trois abattoirs de mammifères sur quatre en Ile-de-France pratiquent l’abattage rituel sans étourdissement préalable, ce sont majoritairement les viandes issues des grandes régions d’élevage que les consommateurs franciliens retrouvent dans leurs assiettes, via le marché d’intérêt national de Rungis. Interbev a réagi dans le même sens que le Sniv-Sncp.
Cependant, il y a véritablement une problématique autour de l’acheminement des viandes halal vers les circuits traditionnels. En effet, six associations de défense des animaux avaient dénoncé l’année dernière la part grandissante d’animaux abattus sans étourdissement préalable, étant donné que ce type d’abattage est loin d’être sans souffrance pour l’animal. Selon Frédéric Freund, le directeur de l’œuvre d’Assistance aux Bêtes d’Abattoir (OABA), « le problème, c’est que ces viandes (halal) ne se retrouvent pas toutes dans les circuits de distribution halal. Du coup, le consommateur mange à son insu des viandes issues de l’abattage rituel juif ou musulman ». Or, si ces viandes ne présentent aucun risque sanitaire, elles ne correspondent pas toujours à l’éthique des consommateurs.
De plus, nombre d’abattoirs pratiquent ce type d’abattage car la valorisation économique des viandes halal est plus importante que celle des viandes traditionnelles. Pour lutter contre ce fait, un décret datant du 29 décembre 2011 oblige les abattoirs à demander une autorisation préfectorale pour pratiquer des abattages halal ou kasher et à démontrer que cela répond à une commande.
Marine Le Pen a déclaré vouloir engager une procédure judiciaire contre « quelques grandes enseignes de la grande distribution en Ile-de-France » pour « tromperie sur la marchandise ». Elle pourrait déposer une plainte avec constitution de partie civile afin qu’un juge d’instruction soit saisi et qu’une enquête soit menée.
Source : agro-media.fr avec AFP, Le Figaro (Benjamin Ferran), Slate (Cécile Dehesdin) et France Soir.