Le contexte international est très difficile pour les professionnels de l’industrie agroalimentaire européens. Ainsi, la compétition avec les pays émergents est de plus en plus pesante et les gouvernements ont du mal à jongler entre mesures protectionnistes, libéralisation des échanges et amélioration de la compétitivité de leurs entreprises.
Ainsi, pour prendre un exemple, comme l’expliquent nos confrères de La Tribune, Nestlé est le leader mondial de l’agroalimentaire. Pourtant, il pèse finalement assez peu dans la balance commerciale de son pays d’origine, la Suisse. Comment cela se fait-il ?
- Déjà, principalement parce qu’à part une usine qui produit des capsules Nespresso dans le canton de Vaud, les 280 000 emplois créés par le géant bénéficient peu aux suisses.
- Le groupe a préféré privilégier une production locale pour chaque pays. Il vient également d’investir dans ses usines et centres de recherche en Inde et en Hongrie, et prévoit de passer de 25% à 70% de production locale en Afrique subsaharienne d’ici 2016.
- Nestlé est pourtant très compétitif : il possède l’une des meilleures croissances organiques continues du secteur agroalimentaire.
Laurent Dussolier, partner chez Roland Berger, explique : « là est tout le paradoxe de l’agroalimentaire, où compétitivité ne rime pas forcément avec balance commerciale excédentaire ». Ainsi, à part des aliments bien spécifiques comme le vin, la viande surgelée, les céréales ou les fruits et légumes, la grande majorité des denrées est produite localement. La part des exportations dans la production nationale reste donc faible : 6% en Europe, 7% aux Etats-Unis, 4% en Chine, de la même façon que les importations (respectivement 9%, 8% et 3%).
Pourtant, alors que l’Europe voit l’équilibre de sa balance commerciale se détériorer, pour le Brésil, l’Argentine ou encore l’Australie elle est au beau fixe. Il faut dire que les stratégies sont différentes :
- mise en avant des produits AOC ou de terroir pour l’Europe
- contre élevages intensifs ou cultures céréalières immenses pour ces pays émergents.
Ces derniers voient également l’émergence de grands leaders nationaux qui se hissent très rapidement dans le top 50 des champions mondiaux, à l’instar de JBS ou Brasil Foods pour le Brésil, ou encore Wahaha et Mengniu pour la Chine. « Leur performance est liée à la croissance organique plus élevée de leurs pays et à une politique d’acquisition plus agressive que dans le Vieux Monde », selon Jean-Daniel Pick du cabinet de conseil OC&C.
Ces nouveaux géants prennent également des mesures protectionnistes bien qu’officiellement les barrières douanières ne cessent de s’affaiblir comme le souhaite l’OMC : exemption de taxe sur la viande au Brésil, hausse des contraintes sanitaires sur les produits japonais en Australie, droits de douane sur certains additifs alimentaires thaïlandais et indonésiens en Chine… Les européens ne sont pas en reste, et tentent de mettre en avant la provenance de leurs produits nationaux pour inciter leurs consommateurs à se tourner davantage vers les productions nationales.
Pourtant, une seule règle devrait primer : l’union fait la force. C’est par la concentration des leaders européens que la compétitivité de nos entreprises peut s’améliorer. Ainsi, Lactalis a bien compris cet adage en rachetant Parmalat. Les champagnes français bénéficient d’excellents débouches internationaux grâce aux géants comme LVMH ou Pernod Ricard. L’ensemble de la filière agroalimentaire française est pénalisé par cet éparpillement des entreprises. Par exemple, pour la volaille, 90% des entreprises emploient moins de 20 salariés et génèrent plus de 50% du chiffre d’affaires du secteur. A méditer ?