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Fipronil : Jean-Philippe Puig, patron de la SCA Avril dénonce « le dogme des prix bas »

Oeufs

La crise du Fipronil a défrayé la chronique cet été, mettant à mal l'industrie agroalimentaire. Le patron de la SCA Avril dénonce dans une tribune « le dogme des prix bas » et pointe sa responsabilité.

A l’heure où démarrent les Etats généraux de l’alimentation – au sujet desquels les filières agricoles nourrissent à juste titre de fortes attentes, en particulier s’agissant de la répartition de la valeur entre les différents maillons (producteurs, transformateurs, distributeurs) de la chaîne agroalimentaire – Jean-Philippe Puig revient sur la récente crise du Fipronil, qui a défrayé la chronique depuis le début du mois d’août. Parmi les leçons à en tirer : en finir avec le dogme des prix toujours plus bas.

« Le 20 juillet, les autorités belges ont informé la Commission européenne que des taux élevés de Fipronil avaient été mis en évidence dans des œufs conventionnels et bio produits sur leur territoire et aux Pays-Bas. Les enquêtes ont montré que cette contamination provenait d’un produit antiparasitaire falsifié, commercialisé sous les appellations DEGA 16 et Copperboost par une start-up néerlandaise ChickFriend, et utilisé dans des élevages de volailles attirés par le faible coût du traitement. Rappelons aussi – et surtout – que l’agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a rapidement indiqué que le risque pour la santé humaine lié à l’ingestion d’œufs ou de produits contaminés était très faible au vu des niveaux de Fipronil constatés. Soulignons enfin que le produit de traitement frauduleux concerné n’est pas distribué en France et qu’aucun œuf produit en France et mis sur le marché n’est concerné par cette contamination.

Au sein du groupe Avril, nous ne sommes donc pas touchés par cette fraude et par ses conséquences sanitaires. Notre activité Matines, leader de l’œuf coquille en France s’approvisionne en effet exclusivement auprès de producteurs français tandis qu’Ovoteam (ovoproduits) transforme des œufs provenant à 96 % de la filière française tout en continuant à travailler sa supply chain pour atteindre les 100 %. Sans cesse, nous renforçons nos cahiers des charges auprès de nos fournisseurs et exigeons une traçabilité fine pour sélectionner nos achats en fonction des producteurs.

Les consommateurs peuvent facilement identifier l’origine française des œufs qu’ils achètent grâce à l’indication de l’origine sur la boîte, au logo « Pondus en France » et au marquage des initiales « FR » sur la coquille de chaque œuf. Les œufs pondus en France font l’objet d’une traçabilité extrêmement rigoureuse : chaque œuf pondu en France et proposé dans le commerce est marqué d’un code permettant d’identifier l’élevage dont il est issu. Chaque centre de conditionnement dispose d’un registre permettant de connaître l’origine de chaque producteur ainsi que la destination des œufs. Sur l’œuf est inscrit le code producteur de la façon suivante : « 3 FR AAA 01 », avec indication du mode d’élevage des poules d’où il est issu (0 pour bio, 1 pour plein air, 2 pour sol, et 3 pour cage), du code indiquant le pays d’origine (FR pour France), des 3 lettres permettant d’identifier l’élevage, et enfin des 2 numéros donnant la référence du bâtiment d’élevage.

Ce que je veux dire ici avant tout aux consommateurs – qui ne disposent pas toujours des clés de lecture pour comprendre cette crise et force est de constater que rien n’est fait pour les aider à y parvenir – c’est que la qualité et les garanties de sécurité alimentaire offerts par la filière de production française ne sont pas dues au hasard. Elles ont aussi inévitablement un coût, qui se traduit trop souvent par une perte de compétitivité de nos filières nationales vis-à-vis de la concurrence étrangère.

L’épisode du Fipronil est pourtant là pour nous rappeler – quoique certains cherchent à lui faire dire – que l’excellence de l’agro-alimentaire français est aussi la garante de notre sécurité alimentaire. Sécurité dont a coutume de dire qu’elle n’a pas de prix…

Si les transformateurs et les distributeurs, prompts à donner des leçons en matière de traçabilité, jouaient eux aussi davantage le jeu des filières françaises plutôt que de privilégier les importations de produits moins chers, alors un cercle vertueux pourrait s’amorcer !

Miser sur cette excellence française et les savoir-faire des filières est la voie qu’il nous faut emprunter pour sortir de la spirale mortifère des prix toujours plus bas, diktat qui n’a cessé d’être imposé par les commerçants et répercuté sur les maillons amont, jusqu’à mettre en péril aujourd’hui les producteurs.

Les produits alimentaires ne sont pas des produits comme les autres : achetons en France des produits français obéissant à des règles et des cahiers des charges stricts ! Cessons de parler à la place de nos consommateurs et concitoyens, légitimement en recherche de plus de sens dans leurs actes de consommation alimentaire, et laissons-les choisir et nous dire ce qu’ils veulent : il y a fort à parier – et à gagner – de les voir privilégier la qualité et la sécurité, en même temps qu’ils soutiendront nos filières agricoles nationales, donc nos emplois. Charge à nous de les aider à discerner les produits français de qualité et de savoir les leur proposer !

C’est uniquement de cette manière que nous, industriels de l’agroalimentaire – qui avons souvent fait office de coupables idéaux accusés de tous les maux – pourront regagner leur confiance. »

Jean-Philippe PUIG

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