agro-media.fr donne la parole au CEDUS qui, suite à la parution cette semaine de l’article de Jean-Didier Vincent, dans l’Express, souhaitait dénoncer cette “guerre du sucre” dont il est question.
“Le CEDUS, centre d’Etudes et de Documentation du Sucre (filière betterave, canne, sucre en France), souhaite réagir à la chronique très alarmiste de Jean-Didier Vincent, parue dans l’Express du 4 avril 2012. Comme d’autres chroniqueurs dans les médias français, le professeur Vincent a repris et fait siens les arguments et la terminologie anxiogène de l’article de 3 chercheurs américains paru dans la revue Nature en février dernier.
Rappelons que l’article de Nature n’était pas une nouvelle étude scientifique mais une simple tribune où les chercheurs appelaient à des mesures de taxation et d’interdiction vis-à-vis des produits sucrés aux Etats-Unis, ciblant en particulier les boissons rafraîchissantes et faisant d’un des sucres apportés par l’alimentation, le fructose, un toxique aussi dangereux que l’alcool.
Notre propos n’est pas de nier, ni même de réduire l’importance des questions de santé publique liées à l’alimentation, mais d’appeler à plus de mesure sur ces questions complexes. Les aliments ou les nutriments qui les composent ne doivent pas être assimilés à des toxiques comme le tabac ou l’alcool. Non, l’alimentation n’est ni une drogue ni un poison, fût-elle sucrée.
Nous ne pouvons pas laisser dire que le sucre est « le véritable responsable [d’une] hécatombe » chiffrée à 2,8 millions de décès par an, voire la cause principale du « milliard de sujets en surcharge pondérale » dans le monde. C’est un raccourci inacceptable entre le sucre, l’alimentation et ses effets sur la santé et, surtout, une contre-vérité scientifique.
En France, nos consommations en sucre (majoritairement sous forme de sucre de betterave ou de canne) sont remarquablement stables depuis plus de 40 ans. Aux États-Unis, les consommations de sucres (sucre + sirops de fructose-glucose) ont augmenté et sont en moyenne 2 fois plus élevées qu’en France, avec des consommations de boissons 2 à 4 fois supérieures aux nôtres. La question des calories apportées par les boissons (sodas, jus de fruits) ainsi que le seuil au-delà duquel les consommations de fructose posent un problème de santé sont aujourd’hui encore à l’étude mais non consensuelles au plan scientifique. Mais aucune étude sérieuse ne permet aujourd’hui de déduire une causalité directe et spécifique entre consommation de sucre et obésité ou syndrome métabolique.
Sur l’addiction, le professeur Jean-Didier Vincent indique que « le glucose », parce qu’il intervient dans la régulation de la faim via des glucorécepteurs dans le cerveau, « peut donc provoquer une véritable addiction ». On peut s’étonner qu’un scientifique de renom fasse un tel raccourci pour servir son propos ; un besoin nutritionnel ou la présence de récepteurs au glucose n’est évidemment pas la preuve, ni la cause d’une dépendance. Chez l’homme, on ne constate pas de syndrome de manque ou de sevrage pour la consommation des produits sucrés, d’où l’absence d’une addiction au sucre avérée.
Les problèmes de santé engendrés par des excès de consommation (prolongés) de produits gras et sucrés sont bien connus et constituent un enjeu majeur de santé publique. Il est choquant et simpliste de réduire la question comme le fait Jean-Didier Vincent à une problématique de guerre contre « le lobby du sucre et l’omniprésence des fast-foods ».
Associer le sucre à un modèle américain, qui se caractérise par la consommation de boissons sucrées et la fréquentation de fast-foods, n’est pas acceptable. En France, notre modèle alimentaire repose sur une alimentation diversifiée et des repas à table, structurés et réguliers. Un modèle dans lequel les produits sucrés ont toute leur place, pâtisseries (faites maison ou artisanales), confitures, biscuits, bonbons, desserts,…C’est dans ce contexte que le repas gastronomique des Français a été inscrit au patrimoine immatériel de l’Unesco.
Jean-Didier Vincent qualifie en termes peu amènes la filière sucre. Rappelons qu’en France, nous rassemblons des planteurs de canne réunionnais et antillais, des planteurs de betteraves métropolitains et des producteurs de sucre. Nous défendons légitimement notre image et nos productions en France mais en toute transparence et avec responsabilité.
Il faut sans doute demeurer vigilants et résister à certains excès du modèle alimentaire américain. Nous restons persuadés qu’éduquer, valoriser la cuisine, les bonnes habitudes alimentaires qui sont les composantes de notre modèle français, c’est sans doute plus profitable que d’entrer « en guerre » contre les aliments.”
Source : Philippe Reiser, Directeur des Affaires Scientifiques du CEDUS*
A propos du CEDUS : Depuis 1932, la filière sucre s’est dotée d’un organisme interprofessionnel pour assurer l’information et la documentation sur un produit agroalimentaire essentiel, le sucre. De la recherche à l’enseignement en passant par l’information, le Centre d’Études et de Documentation du Sucre (CEDUS) est toujours au service du consommateur .
Le Cedus a pour mission de répondre aux attentes de tous les publics concernés par la consommation et l’utilisation du sucre extrait de la betterave et de la canne à sucre :
- faire avancer les connaissances sur tous les aspects nutritionnels auprès du milieu médical ou paramédical,
- informer le grand public,
- enfin être un centre de ressources pour les professionnels, les enseignants, leurs élèves et les médias, sur tous les aspects du sucre : culinaire, technique, économique, gastronomique…