Le 22 mars dernier, à l’occasion de son Assemblée Générale, la Fédération des Entreprises et Entrepreneurs de France (FEEF) a élu son nouveau président, M. Dominique Amirault. Il succède ainsi à Gilles Charpentier à la tête de ce club de dirigeants.
Quel est son parcours ? Pourquoi a-t-il brigué ce mandat ? Quels grands chantiers compte-t-il reprendre ou créer ?
Dominique Amirault a répondu aux questions d’agro-media.fr.
Pourriez-vous nous présenter votre parcours ?
« Ma double formation privée/public m’a permis de débuter ma carrière dans les ministères. Ensuite, j’ai été dirigeant d’entreprises au sein de groupes financiers comme le groupe Suez (Salins du Midi/Listel), puis dans des entreprises familiales. Il y a une dizaine d’années, j’ai réalisé que j’avais été serviteur de l’Etat puis mandataire social dans des sociétés. J’ai alors décidé de m’engager moi-même dans l’aventure de l’entrepreneur indépendant et c’est ainsi que j’ai repris Soléou. C’est ma vocation et je me suis rendu compte que ceux qui prenaient de vrais initiatives comme ça n’étaient pas encouragés. Il faut se battre, car jamais rien n’est acquis définitivement, d’autant plus que souvent nous n’avons pas la taille par rapport à nos interlocuteurs habituels.
- D’une part, les entrepreneurs sont ceux qui apportent de la vigueur et de la richesse au tissu économique, ce ne sont pas les gens qui sont bien rangés dans des sociétés ou des administrations comme je l’ai été, ce sont bien ceux qui prennent des risques, qui s’engagent en misant sur leurs deniers personnels. Je crois au droit d’entreprendre mais aussi au devoir d’entreprendre pour que l’économie soit vigoureuse.
- D’autre part, le fait d’être tous ensemble, dans le cadre d’un club, nous permet de partager nos expériences et d’engager des démarches collaboratives avec nos clients, notamment avec la grande distribution, mais aussi le Cash&Carry ou la RHF. Nous avons une démarche axée très business et fondée véritablement sur la collaboration, à la façon des Anglo-saxons ou des Allemands, plutôt que sur la confrontation politique, comme souvent en France. Notre fonds de commerce est d’abord de faire du business grâce à la mutualisation et de défendre ceux qui prennent des risques car nous sommes dans un pays tellement assisté que nous finissons par les oublier. Dans la campagne électorale actuelle, on parle beaucoup de la PME mais on ne lui donne pas toujours les moyens qu’il faudrait pour qu’elle puisse se développer. Si l’on veut avoir des grandes entreprises demain, il faut d’abord avoir des jeunes entreprises, c’est du bon sens mais je pense que le bon sens politique n’existe pas. Voilà pourquoi je me suis engagé.
J’étais dans l’équipe de Gilles Charpentier, qui a impulsé une dynamique très claire. Nous étions un bureau très uni et il m’a demandé de poursuivre son travail car il ne souhaitait pas se présenter à nouveau. C’est pourquoi mon élection à la présidence de la FEEF est dans la continuité du travail que nous faisions déjà, il n’y aura pas de rupture. L’idée est d’aller plus loin par rapport à ce que nous avons déjà effectué. »
Pourriez-vous nous présenter la FEEF ?
« La FEEF est la Fédération des Entrepreneurs et Entreprises indépendantes de France, elle rassemble tous ceux qui s’engagent à titre individuel, mais aussi les entreprises familiales, patrimoniales, très liées à leur région d’origine… Par nature, ce ne sont pas des gens qui ont tendance à délocaliser, au contraire ils sont à l’origine de la création de richesses et d’emplois en France. Au sein de ce club, nous sommes à peu près 600 entreprises, ce qui représente une dizaine de milliards d’euros environ et 60 000 emplois. Il n’y a pas que des entreprises agroalimentaires, même si l’agroalimentaire est majoritaire. Il y a aussi des entreprises des secteurs du textile, de la cosmétique, de la décoration… Enfin, nous avons une relation très privilégiée avec le grand commerce (grande distribution, Cash&Carry, RHF, circuits spécialisés…). »
Quels sont les « grands chantiers » en cours de la FEEF que vous comptez reprendre, ou créer ?
- « Nous avons d’abord un travail très pratique avec chacune des enseignes du grand commerce voire d’autres types de distribution comme le e-commerce. Notre objectif est de proposer une offre de produits à nos adhérents pour faciliter leurs relations avec ces clients-là. C’est ce que l’on appelle « la boîte à outils ». Nous la perfectionnons constamment afin de leur permettre de faire du business et ainsi leur faciliter la vie. En effet, ces entreprises indépendantes sont un peu isolées, elles n’ont pas de siège social qui leur donne la manière de procéder, c’est donc le rôle de la FEEF.
Nous créons aussi des événements pour pouvoir nouer des contacts entre les gens car nous sommes des entreprises à dimension humaine. Nous avons créé des petits-déjeuners, des Grés d’Or… C’est le fonds de commerce de la FEEF. - A côté de cela, il y a l’aspect plus politique qui consiste à émettre des propositions (qui peuvent être reprises par les politiques et qui visent essentiellement à prendre en compte la spécificité des PME par rapport aux grands groupes). Je reprendrai ainsi une idée de Nicolas Sarkozy, qu’il avait lancée avant d’être président : la discrimination positive. Nous ne pouvons pas devant une même loi traiter les gens de la même manière, nous ne sommes pas tous égaux devant la loi. Une grande entreprise a plus de poids, bien évidemment, mais une entreprise plus jeune, plus petite, et qui a du potentiel, a besoin de conditions un peu particulières pour se développer. Je considère que les grandes entreprises sont plutôt des entreprises adultes et que les PME sont des entreprises jeunes ou adolescentes. Il leur faut des procédures spécifiques, différenciées, pour leur permettre de développer leurs activités. N’appelle-t-on pas cela la segmentation en marketing ? C’est d’autant plus important que les PME, la plupart du temps, ne délocalisent pas leurs activités. Elles restent sur le territoire et supportent donc des coûts plus importants, notamment des coûts sociaux. Ces coûts sont la contrepartie de notre modèle social. Il n’y a pas de raison que les entreprises qui ne délocalisent pas paient les surcoûts de celles qui délocalisent et causent du chômage, engendrant ainsi des coûts supplémentaires pour les entreprises qui restent sur le territoire français. C’est vraiment une approche très pragmatique pour soutenir ces entreprises. »
Qui sont vos adhérents ?
« Nos adhérents vont de l’entreprise très petite, comportant quelques personnes, à des entreprises au-delà des PME car elles ont grandi. La taille importe peu, les adhérents sont toujours au capital de l’entreprise, et sont dirigeants de leur propre entreprise. Ils sont dans le même état d’esprit. Ce ne sont pas des gens qui changent d’entreprise pour chercher plus de stock-options ; ils sont fidèles et investissent dans la pérennité de leur entreprise. Eux sont engagés et privilégient une approche de long terme plutôt que la recherche de la rentabilité à court terme, avec les dégâts que cela produit. »
Les élections présidentielles approchant, avez-vous un message particulier à faire passer aux candidats ?
« Nous avons fait un Livre Blanc qui contient différentes propositions ; il y en a une dizaine. Nous en avons deux notamment qui correspondent plus particulièrement à nos valeurs :
- La première concerne le fait que nous soyons indépendants, donc des non assistés. En conséquence, nous ne demandons pas des aides mais nous souhaitons avoir des conditions de compétitivité comparables à celles de nos concurrents. En effet, plus on est chargés, moins on peut remporter des victoires face aux concurrents (c’est comme aux Jeux Olympiques !). Par ailleurs, c’est non seulement inefficace, mais c’est injuste ! C’est un vrai débat que nous engageons aujourd’hui, nous savons que nous avons des handicaps, qui sont d’autant plus grands lorsque l’on est PME. En effet, les grandes entreprises peuvent aller n’importe où, alors que nous, nous n’avons pas les moyens. Nous ne voulons pas d’aides, nous voulons seulement que soient rétablies les conditions de la compétitivité pour qu’il y ait de la loyauté dans les échanges et une concurrence à armes égales.
- La deuxième chose est que nous sommes des entreprises à dimension humaine, par opposition aux entreprises à dimension capitalistique. De fait, nous sommes engagés dans des démarches très éco-responsables, éco-citoyennes. Notre idée est de développer une marque fédérative de PME qui exprime cet engagement éco-responsable dans le cadre du développement durable et de la responsabilité environnementale et sociétale. »
Enfin, que diriez-vous aux lecteurs d’agro-media.fr pour les inciter à adhérer à la FEEF ?
« Je dirais que pour moi les PME sont des entreprises jeunes et en devenir, donc pleines d’espoir ! Et comme pour des enfants, il faut les soutenir pour grandir, pour qu’elles puissent réussir dans la vie. Nous ne sommes pas une institution vieillissante, c’est un club et chacun apporte sa pierre à l’édifice, on s’écoute beaucoup. Nous ne sommes pas une fédération politique, syndicale ou professionnelle. Tous ceux qui se sentent un peu isolés, qui ont des projets mais qui n’ont pas la taille ni les moyens financiers pour les réaliser, ont intérêt à coopérer avec nous afin que grâce à la mutualisation nous puissions faciliter leurs relations avec leurs clients. Nous essayons d’agir collectivement, c’est comme une équipe de foot. Quand on joue perso, on ne gagne pas, mais quand on joue ensemble, on a vraiment plus de chances de gagner. On ne gagnera peut-être pas tous de la même manière, car il y a toujours dans les équipes des vedettes et d’autres qui le sont moins, mais je crois à la victoire de l’équipe. »
Agro-media.fr remercie M. Amirault pour avoir accepté de répondre à nos questions.
Pour en savoir plus sur la FEEF, n’hésitez pas à visiter leur site web.
Propos recueillis par Vanessa Dufus.