Bernard Antony, 44, éleveur ovin dans l’Ariège, est désespéré. Il affirme ainsi avoir « perdu au minimum 80 agneaux et une dizaine d’adultes » pendant la période d’agnelage. Attaques d’ours ? De loups ? Pas cette fois. L’éleveur accuse en effet… des corbeaux ! Ainsi, il affirme que des grands corbeaux (Corvus corax, une espèce protégée), « se rassemblent », fondent sur son troupeau de 160 brebis élevées en plein air, les « font avancer » comme des chiens de berger puis « les acculent, leur piquent les fesses, les yeux et les côtes ».
- Bernard Antony a adressé une lettre au préfet de son département le 20 septembre dernier pour que les autorités le débarrassent de ces nuisibles et qu’il puisse obtenir des « indemnisations », évaluées à 140€ par animal mort.
Depuis, l’enquête suit son cours. Des agents de l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS) et des services vétérinaires sont sur place et ont bien constaté la présence de grands corbeaux et de vautours. La préfecture a néanmoins expliqué qu’ « il reste à déterminer combien d’ovins ont été tués et dans quelles circonstances ». L’éleveur se désespère : « j’ai encore trouvé un agneau mort cette nuit. Il était troué aux flancs, ce sont bien des coups de becs. Les yeux étaient partis. Je sais qu’ils sont là pour être tués, mais là, c’est pas pareil. Ils souffrent. Et je ne fais pas les agneaux pour les corbeaux ».
- Alors, les oiseaux d’Alfred Hitchcock seraient-ils en passe de venir une réalité ?
Les spécialistes sont étonnés par les déclarations de l’éleveur. Un écologue a déclaré : « il semblerait qu’on soit tombé sur des corbeaux particulièrement intelligents, qui aient développé des stratégies d’attaque leur permettant de taper fort ». Yves Roullaud, de la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO) de l’Aude, a expliqué que les grands corbeaux étaient des omnivores opportunistes, qui pouvaient s’attaquer aux agneaux, poussins ou porcelets de façon non « systématique ». Il a ajouté : « la période la plus sensible, c’est lorsqu’une brebis a fait naître un agneau et qu’elle est en train de mettre bas le deuxième ». En revanche, les corbeaux ne s’attaquent généralement pas aux adultes… « Je ne connais qu’un cas de grand corbeau s’en prenant à une brebis », et elle « avait une blessure ». Il est donc sceptique par rapport aux déclarations de Bernard Antony.
- Au village d’Artigat, dans le piémont pyrénéen, où réside l’éleveur, on jase.
Certains l’accusent de laisser des carcasses à l’air libre, attirant ainsi les charognards. L’éleveur ovin n’est bien entendu pas du tout de cet avis. L’adjoint au maire, Georges Ballade, estime « qu’il y a un déséquilibre écologique dans le coin », révélé par ces attaques. Ainsi, le fait que la commune ait un quai de transfert des ordures ménagères pourrait intervenir. D’autres évoquent « de mauvaises pratiques » d’élevage.
- Pour contrer les attaques, Yves Roullaud a expliqué qu’il existait des moyens d’éloigner ces grands oiseaux : ne « rien laisser d’attractif pour le grand corbeau », principalement. Autrement dit cadavres et placentas ne doivent surtout pas être laissés dehors. Les patous peuvent aussi s’avérer efficace contre ces volatiles, en plus de protéger des attaques d’ours et de loups.