Deux semaines après le début de la période des négociations commerciales, qui doit conduire la grande distribution et ses fournisseurs de produits alimentaires et non alimentaires à se mettre d’accord sur un prix d’achat, un pacte de solidarité commerciale inédit a été conclu sous l’égide des Ministres Olivia Grégoire et Roland Lescure, afin de mettre en œuvre un certain nombre de bonnes pratiques de négociation, dans un contexte particulièrement difficile pour les industriels.
Concrètement, cet accord assure à toutes les PME qui négocieront avec les centrales d’achat des enseignes signataires que celles-ci ne négocieront pas, dans leurs prix d’achat, les hausses de prix demandées du fait de la hausse des coûts de l’énergie, dès lors que ces hausses seront effectivement documentées. Cette garantie couvre aussi bien les produits alimentaires que les produits non-alimentaires. De plus, petits fournisseurs et grands producteurs s’engagent à négocier avec discernement toute demande de hausses de prix.
Ce pacte de solidarité commerciale a été conclu entre les représentants de fournisseurs FEEF (Fédération des Entreprises et Entrepreneurs de France) et ADEPALE (Association des Entreprises de Produits Alimentaires Élaborés) d’une part et l’ensemble des enseignes de la grande distribution d’autre part.
« Un pacte important pour les PME »
Par ailleurs, le pacte vise à assurer aux PME qu’elles ne se verront pas appliquer de pénalités logistiques si elles préviennent suffisamment en amont des difficultés de livraison qu’elles rencontrent. Les parties s’engagent par ailleurs à mettre en œuvre les nouveaux tarifs rapidement, sans attendre la date butoir des négociations fixées au 1er mars 2023. Enfin, le pacte rappelle le rôle joué par les Médiateurs des entreprises et des relations commerciales agricoles en cas de désaccord entre les parties : ils participent pleinement à la facilitation des accords.
«Dans le contexte actuel de forte hausse des coûts des matières premières et de l’énergie, les négociations commerciales requièrent de la solidarité et de la responsabilité, tant aux niveaux des fabricants de produits de grande consommation que des distributeurs. C’est ce que vient reconnaître cet accord inédit dont il faut se réjouir. J’invite tous les autres distributeurs à s’engager dans le pacte de solidarité commerciale autant qu’ils le peuvent», a déclaré Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des Petites et Moyennes Entreprises, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme.
Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’industrie, déclare : «Les industriels de l’agro-alimentaire et des produits de grande consommation font aujourd’hui face à une forte hausse du coût de leurs intrants, notamment de l’énergie, qui n’est souvent pas compensée par la hausse des tarifs négociés avec les distributeurs. Le pacte signé est important pour les PME. Il constitue un vrai appel d’air puisqu’il engage les distributeurs à ne pas négocier la hausse des coûts de l’énergie, lorsque celle-ci est bien documentée. Ce dispositif vient compléter les guichets d’aide mises en place par le gouvernement. Ce pacte protège également mieux les PME des dérives que nous avons pu observer concernant les pénalités logistiques. Bien sûr, nous appelons les distributeurs à mettre en œuvre ces bonnes pratiques de négociation pour l’ensemble des entreprises, quelle que soit leur taille. Dans le contexte que nous traversons, la solidarité de l’ensemble de la filière est cruciale, pour préserver notre tissu industriel et notre souveraineté alimentaire».
Si l’ADEPALE, association des PME et ETI alimentaires transformateurs en France, qui a signé ce Pacte de solidarité commerciale, salue la mise en place de ce Pacte et des dispositifs de soutien aux PME qu’elle introduit, l’ADEPALE dit regretter cependant l’absence d’engagements de la part des distributeurs pour aider les ETI alimentaires à traverser la crise.
Les entreprises alimentaires incapables de continuer à absorber seules l’inflation
«L’inflation en France est une des plus faibles de l’Union européenne, notamment grâce aux efforts fournis depuis des années par les PME et ETI agroalimentaires», estime l’ADEPALE s’appuyant sur le récent rapport de l’Inspection générale des finances commandité par le ministère de l’Economie et des Finances qui a souligné que la valeur ajoutée (EBE) de l’industrie agroalimentaire avait baissé de 16% sous l’effet d’une hausse des prix des intrants qui n’a pas été compensée par celle des prix de vente à la grande distribution. La contraction de l’EBE de l’industrie agroalimentaire contribuerait, à elle seule, à réduire la hausse des prix finaux à la consommation des biens alimentaires de 1,3 %. «Mais l’industrie agroalimentaire est désormais bien trop fragile pour continuer à absorber l’inflation ! », affirme l’ADEPALE.
Les PME particulièrement vulnérables à l’explosion des coûts de production
Selon l’association, l’application du Pacte de solidarité commerciale pour les négociations commerciales 2023 par les fournisseurs et distributeurs devrait permettre une meilleure prise en compte des besoins essentiels des PME alimentaires, particulièrement vulnérables à l’explosion des coûts de production.
«Le gouvernement devra veiller au respect des dispositions du Pacte dans le cadre des négociations 2023 pour que les PME puissent répercuter auprès de leurs clients distributeurs la hausse insoutenable des prix de l’énergie. La suspension des pénalités logistiques pour les PME introduite par ce Pacte est également accueillie favorablement, même si son caractère temporaire en réduit la portée» explique L’ADEPALE qui continue d’appeler à la mise en place d’un moratoire total sur les pénalités logistiques injustifiées et disproportionnées, de manière permanente et pour toutes les tailles d’entreprises.
Les ETI sous la menace d’arrêts de production
Toutefois, l’ADEPALE regrette que les engagements pris par les distributeurs en matière de pénalités et de prise en compte des coûts de l’énergie ne s’appliquent pas aux entreprises de taille intermédiaire (ETI). Les ETI françaises (entreprises de 250 à 5 000 salariés et dont le chiffre d’affaires est inférieur à 1,5 milliard d’euros) sont elles aussi particulièrement touchées par les hausses de coûts subies : énergie, emballages, transport et on l’oublie souvent, les salaires de leurs milliers de collaborateurs en France.
«Sans possibilité de répercuter une partie de ces hausses durant les négociations commerciales, elles n’auront d’autres options que d’arrêter certaines de leurs productions, avec des conséquences désastreuses pour leurs salariés mis en chômage technique ou partiel, leurs milliers de fournisseurs de produits agricoles, leurs sites de production dans les territoires, l’approvisionnement des Français en produits alimentaires et la souveraineté de la France. Les ETI, acteurs majeurs de notre outil de production alimentaire (elles représentent plus d’un tiers de l’emploi et du chiffre d’affaires de l’industrie agroalimentaire française), sont une nouvelle fois les grandes oubliées», commente l’association.
Des mécanismes de protection renforcée attendus
C’est pourquoi, l’ADEPALE attend beaucoup de la proposition de loi du député Frédéric Descrozaille et du groupe Renaissance, qui sera examinée en janvier 2023 à l’Assemblée nationale, et espère qu’elle permettra la mise en place de mécanismes plus protecteurs pour les PME et ETI alimentaires.