Le magazine Futura-Sciences publie un article à travers lequel il s’interroge sur l’alimentation de l’humanité en 2050. Pour tenter de répondre à cette question, Futura-Sciences a interrogé Jean-Louis Rastoin, agronome et économiste à Montpellier Supagro, responsable de la chaire en alimentations du monde labellisée par l’Unesco, et auteur d’un ouvrage intitulé Le système alimentaire mondial (éditions Quæ).
Tout d’abord, Jean-Louis Rastoin dresse un bilan désastreux de la situation actuelle : une personne sur deux souffrirait de malnutrition dans le monde : « Environ 1 milliard de personnes sont en sous-nutrition calorique. À cela s’ajoute 1 milliard d’êtres humains en carence d’oligoéléments (vitamines, certains métaux, etc.). L’OMS recense approximativement 1,5 milliard d’individus en surpoids, ce qui entraîne des pathologies (obésité, maladies cardiovasculaires, certains cancers et diabète de type 2). ».
Plusieurs raisons sont invoquées par le chercheur, comme notamment « l’insuffisance des revenus et de l’éducation », mais également l’offre alimentaire, excessive en sucre, sel et corps gras : « Ces trois excès et l’insuffisance d’exercices physiques favorisent les maladies non transmissibles d’origine alimentaire. ».
Dernier élément apporté par Jean-Louis Rastoin, « l’offre alimentaire n’arrive pas en quantité et qualité suffisantes, ou alors à des prix inaccessibles, dans les pays en voie de développement ».
Cependant, le directeur de la chaire Unesco en alimentations dans le monde de Montpellier Supagro est optimiste pour l’avenir, affirmant que des études confirment qu’il est possible de nourrir 9 milliards d’être humains, population que nous atteindrons à l’horizon 2050 : « les potentiels en surfaces agricoles et en rendement sont largement suffisants ».
Pour lui, le vrai problème n’est pas lié à la production de nourriture, mais à sa répartition.
Pour Jean-Louis Rastoin, il faut modifier en profondeur le système agroalimentaire actuel, en accroissant l’importance des modèles basés sur la proximité (filières courtes, usines de taille modeste, etc.), en mettant en valeur les matières agricoles produites localement, en accentuant les efforts éducatifs, « de la maternelle à l’université du troisième âge », ou encore en diffusant des publicités génériques, sans marque.
Le chercheur évoque également le rôle de la science, qui, pour lui, doit permettre de développer des systèmes agricoles plus diversifiés parvenant à faire cohabiter les cultures, les animaux et les milieux naturels.
Il pointe également du doigt l’importance de l’équité sociale, et de la préservation des emplois liés à l’activité agricole. Si le modèle agroindustriel actuel était généralisé, le nombre d’agriculteurs passerait de 500 millions à 500 000 entreprises agricoles.
Pour lui, plutôt que des fermes verticales ou des productions in vitro, mieux vaut rechercher des solutions du côté du développement de nouvelles variétés de plantes, comme par exemple un riz capable de pousser sur des terrains trop salés, permettant aux agriculteurs japonais de réutiliser les 20 000 hectares de terres agricoles inondées par le tsunami. Autre exemple, des plantes capables de supporter des épisodes de sécheresse, pour faire face au réchauffement climatique.
Jean-Louis Rastoin conclut ainsi : « la terre ne manque pas, c’est plutôt la volonté politique de faire les choses de manière durable et responsable qui manque ».
Source : agro-media.fr avec Futura-Sciences