La question pourrait bien un jour se poser. En effet, le groupe de chimie allemand BASF a annoncé lundi 31 octobre 2011 avoir demandé l’autorisation européenne de cultiver à des fins commerciales une pomme de terre génétiquement modifiée (OGM) à destination de l’alimentation humaine.
Cette dernière, baptisée Fortuna, est dérivée de la variété Fontane, pomme de terre très courante utilisée notamment pour la fabrication de frites. La particularité de Fortuna, qui en fait tout son intérêt, est sa faculté à résister au mildiou, parasite dévastateur pour les cultures de pommes de terre. Il était notamment à l’origine de la grande famine irlandaise du XIXème siècle et continue à ravager les récoltes de pommes de terre dans le monde entier, causant des pertes de l’ordre de 20% des récoltes mondiales. Pour parvenir à cet exploit, BASF a extrait et utilisé deux gènes de résistance au mildiou prélevés sur une variété sauvage de pommes de terre originaire d’Amérique du Sud.
Selon BASF, « la prochaine étape du processus d’autorisation consiste pour l’autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) à en tester la sécurité pour les humains, les animaux et l’environnement ». Mais que l’on se rassure, la procédure pour obtenir une autorisation de ce type est extrêmement longue ; il n’y a en effet « pas de délai imposé ». Un porte-parole de l’EFSA a tenu à rappeler que « certaines demandes n’arrivent jamais à bout » étant donné que les industriels finissent par se décourager et par se lasser de répondre aux demandes de précisions scientifiques des autorités sanitaires européennes. Suite à l’avis de l’EFSA, la décision d’autorisation revient à la Commission européenne et aux Etats membres.
BASF connaît bien toute cette procédure : le groupe de chimie a en effet déjà vu l’un de ses OGM autorisé en Europe ; il s’agit de la pomme de terre Amflora. Cette dernière se destine à des usages industriels (amidon pour la pâte à papier et engrais pour le jus) et à l’alimentation animale (pulpe) mais peut se retrouver dans l’alimentation humaine, à hauteur de 0,9% maximum par produit. Pour cette variété, BASF avait déposé une demande d’autorisation en 1996 et l’avait finalement obtenue 14 ans plus tard, en 2010 ! Le groupe attend aussi déjà l’autorisation de commercialiser la variété Amadea. En 2010, un scandale avait éclaté lorsque des fleurs d’Amadea avaient été retrouvées dans un champ d’Amflora, et BASF s’en était sorti en mettant en avant une « erreur humaine ».
Les anti-OGM sont déjà sur le pied de guerre concernant Fortuna : « il ne faut pas produire de produits alimentaires de base génétiquement modifiés », a commenté Stephanie Töwe, la spécialiste des OGM chez Greenpeace Allemagne, faisant valoir qu’il existait des risques de dissémination des modifications génétiques aux cultures traditionnelles. Elle a ajouté : « une production non-OGM durable n’est ensuite plus possible ».