Suite à l’annonce par le premier ministre François Fillon de l’instauration prochaine d’une taxe sur les sodas et autres boissons sucrées, le moins que l’on puisse dire est que les avis sont partagés. Agro-media.fr résume pour vous les réactions des différents acteurs concernés.
- Tout d’abord, les fabricants. Soyons clairs : ils rejettent en bloc la proposition et affichent leur « stupeur ». Nous en parlions déjà hier, Jean-René Buisson, le président de l’Ania, a été le premier à réagir et à déclarer que cette taxe était « scandaleuse ». Il a expliqué que « sur le marché français, il n’y a pas de produits alimentaires “nocifs” qui justifieraient d’être pénalisés financièrement ». « Une telle mesure revient à stigmatiser ces produits en les désignant comme “mauvais” ou nocifs, en appliquant la même politique fiscale que pour le tabac, sans justification scientifique ». L’Ania a également indiqué que les boissons sucrées représentaient en moyenne moins de 3,5% de l’apport calorique quotidien des français.
Le PDG de Coca-Cola France, Tristan Farabet, pour sa part, a l’impression de servir de « bouc-émissaire ». Il dit avoir accueilli « avec stupeur et beaucoup d’incompréhension » l’annonce de cette taxe soda, qui « vient s’ajouter aux augmentations très fortes des matières premières que nous subissons ». Il regrette que cette « mesure injuste […] va frapper la quasi-totalité des ménages français ». 80% des foyers seraient en effet consommateurs de sodas. Il a ajouté que selon lui les « arguments de santé publique ne tiennent pas la route ». D’autre part, comparés aux habitants d’autres pays, les français sont de « très faibles consommateurs de boissons sucrées », et cette taxe pour M. Farabet ne va pas « résoudre le problème réel de santé publique qu’on a avec le surpoids ». Il a de plus rappelé que les fabricants de boissons sucrées constituaient « une industrie qui a fait le choix du “made in France” et qui contribue déjà très largement à l’économie française. Coca-Cola emploie en effet 3 000 salariés répartis sur cinq sites de production en France. Dans le portefeuille du leader mondial des sodas, on dénombre 26% de boissons lights, 37% de boissons sucrées et 31% de boissons contenant du sucre à teneur réduite.
Même réaction du côté du président d’Orangina, Hugues Pietrini. Il a expliqué à Usine Nouvelle que : « Mettre nos produits au même niveau que le tabac et l’alcool est inacceptable et scandaleux. Nous sommes choqués par cet amalgame, nous ne comprenons pas ». Il rejoint ainsi le PDG France de Coca-Cola en affirmant que « l’argument de l’obésité est incompréhensible. Depuis des années, nous sommes proches du ministère de la Santé. Le taux de sucres dans nos boissons a été réduit de 14% depuis 2008, ce qui nous a valu des félicitations. Nous avons un partenariat avec l’union du sport scolaire, nous avons mené toute une série d’actions sur le thème de l’obésité. Nous sommes utilisés comme bouc-émissaire, sans raison ». Hugues Pietrini a rappelé que la production de boissons sans alcool concernait 23 sites français, soit 5000 emplois directs. - Du côté des politiques, les avis sont partagés. Le député UMP Bernard Reynès a fait par de sa « stupeur » en découvrant que sa proposition pour améliorer la compétitivité de l’agriculture française avait été détournée de son objectif premier. Agro-media.fr l’a d’ailleurs interviewé pour vous.
Xavier Bertrand, quant à lui, a souligné s’être « battu » pour que les sodas light soient « moins chers que les autres ».
Un député socialiste, Gérard Bapt, spécialiste des questions de santé, vient d’écrire au ministre de la Santé. En effet, bien qu’il approuve le principe d’une taxation des sodas, il regrette l’effet pervers que cela peut engendrer, en incitant les consommateurs à s’orienter davantage vers les boissons light. Il a en effet rappelé le débat qui environne l’aspartame et ses dangers potentiels. Il a ainsi demandé au ministre qu’une « campagne d’information soit lancée à destination des maternités et de la petite enfance, concernant à la fois le bisphénol, les phtalates et puis l’aspartame, susceptibles d’altérer gravement la santé de l’enfant en développement au-delà même du caractère éventuellement cancérigène qui concernerait les adultes ». - Enfin, le monde de la santé n’est pas convaincu non plus. Plusieurs chercheurs ont affirmé avoir des doutes sur cette mesure qui, selon eux, est un peu « hypocrite » et qui pour être cohérente devrait concerner de nombreux produits comme les fast foods ou les barres chocolatées.
Le nutritionniste Laurent Chevallier, du Réseau Environnement Santé, a approuvé cette « très bonne mesure », bien qu’il regrette que les sodas light ne soient pas concernés. Il a déclaré à l’AFP : « la malbouffe est clairement identifiée comme un des facteurs augmentant l’obésité et favorisant l’apparition de problèmes métaboliques ». Il aurait cependant voulu « aller au-delà » de cette taxe, de façon à ce qu’elle soit plus dissuasive, « de l’ordre de 100 ou 200% ». - Les consommateurs, pour leur part, devraient peu voir la différence : selon les calculs des professionnels, l’augmentation ne serait que d’un centime par canette.