L’inspection générale des finances (IGF) a réalisé un rapport sur l’inflation des produits alimentaires. Ainsi, depuis janvier 2021, ce dernier constate les tensions inflationnistes, en particulier sur les produits alimentaires, qui ont atteint des niveaux sans précédent depuis 40 ans. S’élevant à 6,1% en juillet 2022, l’inflation devrait d’après l’Insee se situer à 6,4 % en glissement annuel en fin d’année. «Ces niveaux d’inflation n’ont pas été atteints depuis le pic d’avril 1980 qui se situait à 13,9 %. Pour leur part, les prix des produits alimentaires ont commencé à augmenter fortement à partir de mi-2021 et enregistrent aujourd’hui une hausse de 10 % (septembre 2022) avec 12 % prévue en décembre par l’Insee. Il est à noter que certains produits alimentaires ont connu des hausses de prix particulièrement élevées avec par exemple +60 % pour les huiles, +22 % pour la farine, +20 % pour les pâtes et +16 % pour la volaille. L’augmentation des prix, y compris pour les produits alimentaires, reste en France inférieure à celle des autres principaux pays européens», analyse le rapport dans sa synthèse.
Le rapport explique que la hausse des prix des produits alimentaires s’explique par celle des prix des intrants utilisés tout au long de la chaîne de valeur (agriculture, industrie agroalimentaire, grande distribution). «D’une part, les matières premières agricoles connaissent, sur les marchés mondiaux, des augmentations de prix considérables depuis janvier 2020 alors qu’elles constituent les ingrédients de base des produits alimentaires et de l’alimentation animale. D’autre part, les produits énergétiques – utilisés pour faire fonctionner les machines agricoles, produire les engrais, chauffer les serres, transformer les aliments et fabriquer les emballages – ont connu une hausse dès 2021 avec une forte accélération à partir de février 2022. Au total, la hausse des prix des produits alimentaires résulte de la combinaison de plusieurs facteurs : guerre en Ukraine, reprise post-covid, réchauffement climatique, crise sanitaire animale et divers facteurs de nature économique (compétitivité de l’économie, pénurie de main d’œuvre…)», souligne l’IGF qui explique que les négociations commerciales entre l’industrie agroalimentaire et la grande distribution ont conduit à couvrir la totalité des hausses des prix des matières premières agricoles et une partie des autres coûts de production dont l’énergie et les emballages.
Conformément à la loi EGALIM II, le cadre des négociations a évolué afin de « sanctuariser » la part de la matière première agricole dans les contrats. D’après les données transmises par l’Association nationale des industries alimentaires, à l’issue du cycle annuel de négociations, l’industrie agroalimentaire a demandé une hausse moyenne de 7%, débouchant après négociations avec la grande distribution sur un accord de hausse à 3,5 %. Face à l’augmentation de ses coûts, l’industrie agroalimentaire a renégocié ses tarifs à partir d’avril en demandant des hausses moyennes de 9,0 % conduisant à des accords de 6,2 %.
Plusieurs facteurs pourraient contribuer à maintenir les prix des produits alimentaires à des niveaux élevés en 2023
Ainsi, pour huit produits évalués, l’augmentation du prix des matières premières agricoles est très significativement supérieure à celle du prix de vente signifiant que, sur ces produits, l’industrie agroalimentaire et la grande distribution ont comprimé leurs marges brutes.
D’autre part, pour la moitié des produits, la grande distribution diminue sa marge brute avec une baisse très significative de celle-ci pour les pâtes alimentaires (-15,6 %), le bœuf haché (-6 %) et l’escalope de poulet (-6,4 %). A contrario, une augmentation de la marge brute de la distribution est observée pour quatre produits, mais elle n’est significative que pour deux d’entre eux (le camembert (+6,1 %) et le yaourt (4,2 %)).
Enfin, pour plus des deux tiers des produits, les analyses menées montrent que l’augmentation des coûts de production de l’industrie agroalimentaire est significativement supérieure à l’évolution de sa marge brute. Seuls trois produits (l’escalope de poulet, le beurre et le jambon) présentent, sans que cela puisse être interprété comme une évolution anormale, l’évolution de la marge brute de deux à trois points plus élevée que l’évolution de l’estimation des coûts de production réalisée par la mission.
Ainsi, la combinaison des analyses menées au niveau sectoriel et sur l’échantillon de produits alimentaires suggère que dans le contexte inflationniste actuel : l’industrie agroalimentaire a comprimé ses marges ; la grande distribution n’a pas contribué à renchérir les prix à la consommation des produits alimentaires. Au total, plusieurs facteurs pourraient contribuer à maintenir les prix des produits alimentaires à des niveaux élevés en 2023. D’une part, les prévisions macroéconomiques et anticipations de marché convergent vers des niveaux d’inflation significativement supérieurs à 4 % et parfois proches de 5 %. D’autre part, le maintien des prix des matières premières agricoles à des niveaux élevés en 2023, la flambée des prix de l’énergie et les possibles difficultés à produire pour l’industrie agroalimentaire (en raison des contraintes sur l’approvisionnement, la main d’œuvre et le financement) risquent d’alimenter les tensions sur les prix des produits alimentaires. (Sources : IGF)