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Comment transformer le système alimentaire mondial pour se préparer à augmenter l’offre alimentaire de 50% en 2050?

"La consommation mondiale de fruits, légumes, noix et légumineuses devra doubler et la consommation d'aliments tels que la viande rouge et le sucre devra être réduite de plus de 50%. Une alimentation riche en plantes et contenant moins d'ali- ments d'origine animale confère de nombreux avantages à la fois pour la santé et pour l'environnement" préconise le rapport Eat Lancet.

Pouvons-nous nourrir une future population de 10 milliards de personnes avec une alimentation saine dans les limites de la planète? Telle est la question sur laquelle planchent de nombreux scientifiques de renommée mondiale pour la Commission Eat-Lancet dont l’objectif est de transformer le système alimentaire mondial. 

«La production alimentaire mondiale menace la stabilité climatique et la résilience des écosystèmes. Elle constitue le principal facteur de dégradation de l’environnement et de la transgression des limites planétaires. Pris ensemble, le résultat est désastreux. Il est urgent de transformer radicalement le système alimentaire mondial. Sans action, le monde risque de ne pas atteindre les objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies et l’Accord de Paris pour le Climat», a déclaré le Professeur Johan Rockström PhD Potsdam Institute for Climate Impact Research & Stockholm Resilience Centre. 

Pour répondre à ce besoin critique, la Commission Eat-Lancet a ainsi réuni 37 scientifiques de renom issus de 16 pays, et dotés d’expertise dans diverses disciplines, dont la santé publique, l’agriculture, les sciences politiques et la durabilité environnementale, afin de définir des objectifs scientifiques mondiaux pour une alimentation saine et une production alimentaire durable. La Commission part du fait que l’adoption mondiale de régimes alimentaires sains issus de systèmes alimentaires durables (ce que nous appelons des «régimes alimentaires santé planétaire») permettrait de protéger notre planète et d’améliorer la santé de milliards de personnes. La manière dont notre alimentation est produite, le choix de produits que nous consommons, et la quantité perdue ou gaspillée sont autant de facteurs qui influent lourdement sur la santé humaine et de la durabilité de la planète. La Commission Eat-Lancet présente un cadre qui, pour la première fois, définit des objectifs scientifiques quan- titatifs pour une alimentation saine et une production alimentaire durable. Elle montre qu’il est à la fois possible et nécessaire de nourrir 10 milliards de personnes avec une alimentation saine, dans des limites d’activité sûres pour la production. 

L’evolution prévue de la production alimentaire de 2010 à 2050 (pourcentage par rapport à la ligne de base en 2010) pour les scénarios assumant un futur « attendu sans intervention» (ASI) sans réduction des pertes de déchets ; celui assumant l’adoption d’un régime de santé planétaire sans pertes de déchets, et celui assumant l’adoption d’un régime de santé planétaire avec une réduction par moitié des pertes de déchets. 

«Les données sont à la fois suffisantes et solides pour justifier une action immédiate. Cela démontre également que l’adoption universelle d’un régime alimentaire sain pour la planète permettrait d’éviter une dégradation grave de l’environnement ainsi qu’environ 11 millions de décès humains prématurés par an. Cependant, pour sauvegarder les systèmes et processus naturels dont l’humanité dépend et qui déterminent fondamentalement la stabilité du système terrestre, il ne faudra pas moins d’une transformation majeure du système alimentaire» explique la Comission qui plaide en faveur d’une action multisectorielle et multiniveau à échelle mondiale, notamment : une transition vers des habitudes alimentaires saines ; une forte réduction des pertes et gaspillages alimentaires ; et de majeures améliorations des pratiques de production alimentaire. Les données sont à la fois suffisantes et suffisamment solides pour justifier une action immédiate.» 

Vers une alimentation riche en plantes et contenant moins d’aliments d’origine animale

Pour répondre à la vision de la fondation internationale, il est urgent de réaliser cinq transformations radicales d’ici 2050, à savoir : Changer les habitudes alimentaires vers une alimentation saine, savoureuse et durable ; Réaligner les priorités du système alimentaire pour l’humanite et la planète ; Produire des aliments sains, à partir d’une utilisation plus efficace des resources naturelles ; Préserver nos terres et nos océans ; Réduire radicalement les pertes et le gaspillage alimentaires. Pour relever ces défis et favoriser une tranformation globale, Eat-Lancet a mis en place une stratégie à trois voies à travers la connaissance, l’engagement et l’action. 

«La transformation vers une alimentation saine d’ici 2050 nécessitera d’importants changements dans nos régimes alimentaires. La consommation mondiale de fruits, légumes, noix et légumineuses devra doubler et la consommation d’aliments tels que la viande rouge et le sucre devra être réduite de plus de 50%. Une alimentation riche en plantes et contenant moins d’aliments d’origine animale confère de nombreux avantages à la fois pour la santé et pour l’environnement» explique le Professeur Walter Willett MD, Harvard T.H. Chan School of Public Health. 

Fournir un régime alimentaire sain fondé sur des systèmes de production durables

Ce rapport, préparé par Eat-Lancet, adapté de la Commission Food in The Anthropocene «the EAT-Lancet Commission on Healthy Diets From Sustainable Food Systems» part du constat que «Aucun levier n’est plus puissant que l’alimentation afin d’optimiser la santé humaine et la durabilité de notre environnement. Cependant, notre système agroalimentaire menace aujourd’hui à la fois la santé humaine et la stabilité de notre planète. Nous faisons face à un défi énorme : fournir à une population mondiale croissante un régime alimentaire sain fondé sur des systèmes de production durables». Cependant, plus de 820 millions de personnes n’ont toujours pas accès à suffisamment de nourriture, 2.4 milliards de personnes surconsomment, et au total, environ la moitié de la population mondiale consomme un régime alimentaire en carence de nutriments. Pour la Commission qui se concentre donc sur deux «objectifs» critiques du système alimentaire mondial: la consommation (régimes alimentaires sains) et la production (production alimentaire durable), l’objectif est clair : «Le système alimentaire mondial doit fonctionner dans les limites de la santé humaine et de la production alimentaire afin de garantir à près de 10 milliards de personnes, d’ici 2050, des régimes alimentaires sains reposant sur des systèmes alimentaires durables». La plupart des études concluent qu’un régime riche en plantes (fruits, légumes, noix, graines complètes) et contenant une plus petite proportion d’aliments d’origine animale confère des avantages à la fois pour la santé et l’environnement. 

Dans l’ensemble, la littérature scientifique indique que de tels régimes sont «gagnant-gagnant», signifiant qu’ils sont bons à la fois pour la sante ainsi que pour l’environnement. Cependant, il n’existe toujours pas de consensus à l’échelle mondiale concernant comment définir une alimentation saine issue d’une production durable, ni concernant la possibilité d’atteindre un «régime de santé planétaire» pour une population mondiale de 10 milliards d’habitants d’ici 2050. 

Une assiette santé planétaire doit comprendre en volume environ une demi assiette de fruits et légumes; et l’autre moitié, exprimée en calories, est constituée principalement de grains entiers, de protéines végétales, huiles végétales non sat- urées et (éventuellement) protéines animales en quantités modérées. Pour plus de détails, veuillez consulter la section 1 du rapport de la Commission.

«Une assiette santé planétaire doit comprendre en volume environ une demi assiette de fruits et légumes; et l’autre moitié, exprimée en calories, est constituée principalement de grains entiers, de protéines végétales, huiles végétales non saturées et (éventuellement) protéines animales en quantités modérées» conseille le rapport. 

L’alimentation, l’enjeu déterminant du 21ème siècle

La transformation vers une alimentation saine d’ici 2050 comprendra donc plus d’un doublement de la consommation d’aliments sains tels que fruits, légumes, légumineuses et noix, jointe à une réduction de plus de 50% de la consommation d’aliments moins sains, tels que les sucres ajoutés et la viande rouge (principalement dans les pays les plus développés où celles-ci sont fort élevées). Cependant, le rapport précise que selon certaines considérations, le rôle des aliments de source animale dans l’alimentation doit être soigneusement examiné dans chaque contexte et dans le cadre des réalités locales et régionales. 

La Commission a également analysé l’impact potentiel de changements diététiques sur la mortalité liée à l’alimentation, employant trois approches. Celles-ci démontrent toutes les trois que les changements diététiques de régimes actuels vers des régimes sains sont susceptibles d’avoir des effets bénéfiques majeurs sur la santé. Cela inclut la préven- tion d’environ 11 millions de décès prématurés par an, ce qui représente entre 19% et 24% du nombre total de décès chez les adultes. 

La Commission s’accorde à dire qu’en ce qui concerne la limite du changement climatique provoqué par la production alimentaire, l’hypothèse sous-jacente appliquée est que le monde suivra l’Accord de Paris pour le Climat (qui s’engage à maintenir le réchauffement planétaire bien en dessous de 2 ° C et visant de demeurer en-dessous de 1,5 ° C) et décarbonisera le système énergétique mondial d’ici 2050. 

Le rapport a également supposé que l’agriculture mondiale évoluerait vers une production alimentaire durable, ce qui transformerait l’utilisation des terres d’être une source nette de carbone à en devenir un puits net. 

Les cinq stratégies proposées par Eat-Lancet

«Les données scientifiques sont à la fois riches et suffisamment solides pour justifier une action immédiate. Retarder l’action n’augmentera que la probabilité de conséquences graves, voire désastreuses. Il est également clair qu’une transformation majeure du système alimentaire ne pourra pas se produire sans une forte mobilisation multisectorielle et multiniveau, qui en soit devra être guidée par des objectifs ancrés dans la science» explique le rapport qui propose 5 stratégies. 

Stratégie 1 : Un engagement international et national pour une transition vers une alimentation saine 

Selon la Commission, cet engagement concerté peut être atteint en rendant les aliments sains plus disponibles, accessibles et abordables au lieu d’alternatives moins saines, en améliorant l’information et la commercialisation des aliments, en investissant dans l’information sur la santé publique et l’éducation sur la production durable, en mettant en œuvre des directives alimentaires fondées sur la science nutritionnelle, et en employant les services de soins publique afin de fournir conseils et interventions diététiques. 

Stratégie 2 : Réorienter les priorités agricoles d’une production de quantités à une production de qualité

“L’agriculture, la pêche et la pisciculture doivent non seulement produire suffisamment de calories pour nourrir une population mondiale croissante, mais aussi produire une diversité d’aliments qui favorisent la santé humaine et soutiennent la durabilité de l’environnement”, indique le rapport. “Parallèlement aux changements dans l’alimentation, les politiques agricoles et marines doivent être réorientées vers des pratiques de production qui améliorent la biodiversité plutôt que de viser uniquement à augmenter le volume d’un faible nombre de cultures, dont une grande partie est actuellement utilisée pour l’alimentation animale. La production animale doit être envisagée dans des contextes spécifiques”. 

Stratégie 3 : Intensifier la production alimentaire durable pour augmenter la production de haute qualité 

“Le système alimentaire global actuel nécessite une nouvelle révolution agricole basée sur une intensification durable, guidée par les sciences environnementales et l’innovation systémique”, souligne le rapport, “Cela impliquerait une réduction d’au moins 75% des écarts de rendement sur les terres cultivées actuelles, une amélioration radicale de l’efficacité de l’utilisation des engrais et de l’eau, le recyclage du phosphore, la redistribution globale d’azote et de phosphore, la mise en œuvre d’options de réduction du changement climatique, y compris des changements dans la gestion des cultures et élevages de bétail, ainsi que l’amélioration de la biodiversité dans les systèmes agricoles”. En outre, pour atteindre des émissions négatives au niveau mondial conformément à l’Accord de Paris pour le Climat, le système alimentaire mondial doit devenir un puits net de carbone dès 2040. 

Stratégie 4 : Gouvernance stricte et coordonnée des terres et des océans 

Toujours selon Eat-Lancet, une gouvernance stricte est requise permettant d’alimenter l’humanité sur les terres agricoles existantes, c’est-à-dire en appliquant une politique d’expansion agricole nulle dans les écosystèmes naturels et les forêts riches en espèces, en visant des politiques de restauration et reboisement de terres dégradées, en mettant en place des mécanismes internationaux de gouvernance, et en adoptant un stratégie pour préserver «la moitié de la terre» intacte pour la conservation de la biodiversité (c’est-à-dire conserver au moins 80% des espèces en protégeant 50% des terres restantes sous forme d’écosystèmes intacts). “En outre, il est nécessaire d’améliorer la gestion des océans pour que les pêches n’affectent pas les écosystèmes marins, que les stocks de poissons soient exploités de manière responsable et que la production aquacole mondiale se développe de manière durable” précise le rapport.

Stratégie 5 : Réduire au moins de moitié les pertes et les déchets alimentaires

Enfin, parmi les stratégies proposées, “des solutions technologiques appliquées tout au long de la chaîne d’approvisionnement alimentaire jointes à la mise en œuvre de politiques publiques sont nécessaires pour parvenir à une réduction globale de 50% des pertes et de gaspillage ali- mentaires, conformément aux objectifs du développent durable (ODD)” affirme le rapport. Les actions recommandées comprennent une amélioration des infrastructures après récolte, du transport, de la transformation et de l’emballage de produits alimentaires, une collaboration accrue tout au long de la chaîne d’approvisionnement, ainsi que de former et équiper les producteurs et d’éduquer les consommateurs. 

(Source : Rapport de synthèse de la Commission Eat-Lancet) /
Ce rapport est un résumé adapté de la Commission Food in The Anthropocene: the EAT-Lancet Commission on Healthy Diets From Sustainable Food Systems).

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