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La Chine annonçait vendredi mettre fin à l’enquête anti-dumping contre les exportateurs européens de vin, qui minait la filière française depuis juillet 2013. Alors que le président chinois Xi Jinping poursuit sa tournée européenne et entame aujourd’hui sa visite officielle en France, la coopération semble être le mot d’ordre. D’autant plus que l’année 2014 marque le cinquantenaire des relations sino-françaises.
De quoi redonner de l’espoir aux industriels dans l’expectative d’accords commerciaux entre les deux pays. Car certains produits se voient encore refuser l’entrée de ce marché en pleine expansion. Sur la filière fruits et légumes, seuls les pommes et les kiwis sont par exemple autorisés à l’heure actuelle. Le foie cru, une grande partie des fromages français ou encore les produits de charcuterie, ne passent pas l’étape des contrôles sanitaires. Une situation qui semble cependant sur le point de se débloquer, puisque la France et la Chine ont récemment signé un protocole pour autoriser les importations de charcuterie française en Chine. Dix entreprises devraient obtenir d’ici peu le précieux agrément qui leur permettra de pénétrer le marché. Agrément qui devrait théoriquement être étendu aux autres entreprises de la filière par la suite.
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Les relations diplomatiques franco-chinoises influencent les échanges commerciaux
Les relations diplomatiques ont une forte influence sur les échanges commerciaux en Chine. Ce qui ne tourne pas toujours à l’avantage des entreprises de l’Hexagone. En 2008, « Nicolas Sarkozy a rencontré le Dalaï-lama, malgré les mises en garde chinoises », racontait Jean-Paul Barre, directeur du développement international de la coopérative de produits laitiers Sodiaal, lors d’une conférence organisée par Sopexa. « La semaine suivante, quatre de nos containers étaient bloqués à la douane pour des analyses quelque peu farfelues. » Seul l’un des quatre était finalement arrivé à destination. « Mais en ce moment, dans le contexte du cinquantenaire des relations entre la France et la Chine, les relations sont excellentes », affirme Carole Ly, conseillère agricole à l’ambassade de France à Pékin.
Les exportations françaises vers la Chine sont d’ailleurs en hausse d’année en année. L’an passé, le montant des exportations (en hausse de 0,9 %) a dépassé deux milliards d’euros.
#Export : le casse-tête des #IAA en #France http://t.co/cp6lmWfjOs [Dossier analyse] #agroalimentaire
— Agro-media.fr (@agro_media) 5 Février 2014
Une tendance qui devrait perdurer car la demande chinoise est en plein boom. D’une part, le niveau de vie des Chinois ne cesse d’augmenter : leur salaire moyen a été multiplié par trois en dix ans. D’autre part, les habitudes alimentaires évoluent : la consommation de viande (du porc à 60%) et des produits laitiers progresse au détriment des céréales. Le chocolat noir est par exemple très à la mode actuellement. Les habitudes alimentaires s’occidentalisent progressivement.
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La Chine doit nourrir 21 % de la population mondiale
Dans le même temps, les importations en denrées alimentaires augmentent, notamment car la Chine n’arrive pas à nourrir seule sa population. Avec 10 % de terres arables, elle doit nourrir 21 % de la population mondiale. Résultat : en 2013, la balance commerciale chinoise affichait un solde négatif de 33 milliards de dollars.
Une aubaine pour la France, qui a déjà réussi à se positionner en leader sur le marché des vins et spiritueux et qui approvisionne la moitié du marché. Pour la première fois cette année, les exportations de vin français en Chine ont cependant légèrement flanché, se maintenant en volume mais affichant une légère baisse en valeur, en raison notamment de la politique anti-corruption instaurée en 2013 en Chine, qui nous avons déjà évoqué sur agro-media.fr. Le marché des produits laitiers, qui devrait doubler entre 2012 et 2016, prend progressivement le pas sur celui des vins et spiritueux, tiré par la demande en lactosérum.
93 % des Chinois apprécient les produits français
Globalement, les produits français bénéficient d’une image très favorable en Chine : 93 % des Chinois se disent attirés par les produits français.
Mais pénétrer le marché chinois n’est pas aisé pour autant. La réglementation est relativement contraignante, et les normes sanitaires ont tendance à se durcir. Récemment, le pays a par exemple révisé à la baisse le taux de moisissure autorisé pour les fromages pressés à pâte cuite, stoppant ainsi net les importations de certains produits laitiers français en Chine. « Les contrôles sanitaires sont permanents, explique Jean-Paul Barre. Des prélèvements sont effectués toutes les semaines sur les produits importés et sur les produits finis. Et si une seule dérive est remarquée, on encoure une condamnation pénale. » Par ailleurs, les formalités administratives sont particulièrement lourdes pour exporter ses produits en Chine.
Afin de se prémunir des contrefaçons, il est aussi indispensable de déposer sa marque en Chine, en français et en chinois et donc s’atteler à la traduction du nom de la marque. A noter qu’il vaut mieux s’occuper soi-même du dépôt, car la personne qui dépose la marque en dévient propriétaire.
Un réseau de distribution chinois très fragmenté
Le réseau de distribution chinois, complètement éclaté, est également handicapant pour les industriels français. « La distribution organisée ne représente que 50 % du réseau de distribution chinois », explique Hélène Hovasse, chef du pôle Chine à Ubifrance. Conséquence de cet éclatement : les intermédiaires sont très nombreux et le sont d’autant plus à mesure que l’on entre dans les terres. La multiplicité de ces intermédiaires complique l’organisation logistique et augmente le montant des marges prélevé, qui peut varier du simple au triple selon les provinces. « De mon expérience, explique Frédéric Chaux, directeur de DCT Wines, depuis le vigneron jusqu’au consommateur final chinois, les prix sont multipliés par quatre. »
Seule solution pour pallier cette difficulté : l’importateur. Et pour être sûr de choisir le bon, il y a certains critères à ne pas négliger, souligne Hélène Hovasse. Premièrement, s’assurer qu’il connaisse les formalités administratives sous peine de voir ses containers bloqués à la douane. Ensuite, trouver un importateur stockant les denrées en zone franche pour des raisons de praticité. Enfin, se renseigner sur son réseau de distribution : possède-t-il son propre magasin? A-t-il un site de vente en ligne? Est-il en relation avec des grossistes de province…?
« Il faut éduquer le consommateur chinois »
Mieux vaut donc prendre le temps de choisir judicieusement son importateur, et globalement, « la relation au temps est très importante en Chine », estime Jean-Paul Barre. Il faut savoir se donner le temps de bâtir des relations commerciales pérennes et productives. Arrivé il y a vingt ans en Chine, le groupe Sodiaal a été la première entreprise à exporter du lactosérum en Chine. Son agent de l’époque, Synutra, est ensuite devenu importateur, puis progressivement, second producteur de lactosérum en Chine. Et récemment, le groupe chinois a investi plusieurs millions pour construire sa propre usine en Bretagne.
Démarrage de chantier de l’usine à lait Synutra… par TeBeO
Avant d’en arriver là, il a fallut créer le marché de toute pièce et pour cela, « éduquer le consommateur est essentiel », estime Frédéric Chaux, directeur de DCT Wines, qui organise régulièrement dégustations et animations pour faire découvrir ses vins aux consommateurs. De même, Sodiaal a ouvert une dizaine de boutiques dans le pays « qui ont une vocation de conseil plus que de ventes, explique Jean-Paul Barre. Nous y faisons déguster le lait. Nous montrons comment préparer un biberon…»
Le boom de l’e-commerce en Chine
Pour doper les ventes, il est plutôt judicieux de se lancer dans le e-commerce. « Les Chinois font confiance au commerce en ligne, explique Hélène Hovasse. Ils ont l’impression qu’il y a moins de contrefaçons sur Internet et apprécient le côté pratique de la livraison à domicile. » Les ventes de produits agroalimentaires via Internet devraient d’ailleurs passer de 485,6 millions de dollars en 2011 à 3,1 milliards en 2016. Ainsi, positionner son entreprise sur les réseaux sociaux tels Weibo, fait aujourd’hui partie intégrante d’une stratégie de développement d’entreprise.
RT @agro_media: [#Infographie] #ecommerce >produits #alimentaire qui se vendent le mieux en ligne @agro_media http://t.co/WA5Q1cnUDa
— ajcochard (@ajcochard) 21 Janvier 2014
Mais de plus en plus, le gouvernement chinois incitent les entreprises étrangères à investir dans les pays plutôt que de se contenter des exportations. Et sur ce point, la France est largement dépassée par ses concurrents. Seules 75 IAA françaises sont implantées en Chine, soit 5 % des entreprises du secteur. Pourtant, sur la filière boulangerie par exemple, les opportunités de développement sont importantes. Les chaînes de boulangeries « à la française » sont en plein essor, mais elles sont chinoises ou asiatiques. L’enseigne Paris Baguette est par exemple un chaîne coréenne.
Des investissements chinois encore rares en France
Les investissements chinois en France sont eux-aussi encore rares. Les Chinois investissent en priorité aux Etats-Unis et en Amérique latine dans le secteur de l’agroalimentaire. En Europe, la France est le troisième pays pour les Chinois en termes d’investissements. En plus de l’investissement massif de Synutra, on peut recenser quelques investissements en 2013, dans une entreprises de tracteurs, ou dans l’alimentation animale. Mais c’est surtout le secteur viti-vini qui attire les Chinois. Et si les investissements sont de plus en plus importants dans le bordelais, le rachat d’un vignoble bourguignon en 2012 avait suscité une large levée de boucliers. Les Français sont prêts à investir en Chine, mais pas encore à voir les Chinois investir en France.