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Dans la charcuterie aussi, on innove !

Les innovations touchent tous les secteurs de l’agroalimentaire, et notamment la charcuterie. Sur ce marché, deux marques sont reines sur le libre-service : Fleury Michon et Herta. En 2010, ce secteur d’activité comprenait 303 entreprises employant près de 35 000 personnes. 1,2 millions de tonnes de produits ont ainsi été fabriqués et ont permis de dégager un chiffre d’affaires de plus de 6 milliards d’euros, selon la Fédération française des Industriels Charcutiers, Traiteurs, transformateurs de viandes (FICT). Il s’agit de la 4ème industrie alimentaire française.

Alors, quelles sont les dernières innovations dans ce secteur ? Suivent-elles les tendances globales de l’agroalimentaire ?

Agro-media.fr se penche sur les dernières nouveautés des industriels de la charcuterie.

Le « made in France » délaissé au profit des charcuteries espagnoles et italiennes.

Dans la plupart des secteurs alimentaires, les produits fabriqués en France ont le vent en poupe. C’est le cas de produits comme le saumon, le foie gras, les fruits et légumes… Pourtant, dans la charcuterie, la mention Viande Porcine Française (VPF) est peu relayée sur les emballages. Elle est pourtant très utilisée en viande fraîche mais semble moins considérée pour les produits transformés. Le Sniv-SNCP a ainsi constaté : « depuis le début de nos enquêtes en GMS, en avril 2011, jamais le niveau d’application de l’accord sur l’étiquetage d’origine et l’utilisation du logo VPF sur les produits de charcuterie n’ont été aussi faibles ». En effet, si la mention apparaît sur 68% des étiquettes de jambon cuit de marques distributeurs, seules 35% des marques nationales et 20% des premiers prix l’utilisent sur leur emballage.

 

Parallèlement à cette tendance, les spécialités étrangères investissent nos rayons charcuterie. Les distributeurs l’ont bien compris, à l’instar de Carrefour qui signe sous sa MDD Carrefour Selection un jambon cuit aux herbes d’Italie. Et pour que les consommateurs comprennent bien l’origine de ce produit, il est présenté en chiffonnade dans un emballage dont la face avant ne comporte que du texte en italien. Carrefour propose aussi un chorizo ibérique élaboré avec de la viande de porc ibérique, produit gourmet jusque là quasiment introuvable en grandes surfaces.

Intermarché n’est pas en reste puisque le distributeur a décidé d’installer au rayon charcuterie sa nouvelle MDD thématique Itinéraire des Saveurs. L’offre de salaisons s’est ainsi enrichie d’un jambon fumé de la Forêt Noire, en Allemagne, et d’un jambon fumé Speck, aux influences italiennes.

Les présentations italiennes étant généralement composées de tranchages très fins, c’est sous ce format que de nombreux industriels ont décidé de décliner leurs produits. C’est le cas de l’espagnol Noel qui propose un assortiment de sept références en chiffonades : jambon Serrano, ibérique, chorizo, lomo et plateaux tapas de charcuteries.

 

Au contraire, d’autres industriels ont préféré se concentrer sur les produits français et proposer de nouveaux types de tranchages, à l’instar de Delpeyrat qui a décidé de sophistiquer son jambon de Bayonne avec des tranches épaisses façon terroir. La marque mise également sur un « plateau du Sud-Ouest » composé d’un jambon de Bayonne, d’un Bayonne au piment d’Espelette et de magret de canard séché, prenant ainsi le contre-pied de la tendance actuelle du marché.

Des innovations du côté des packagings

Comme pour les autres secteurs de l’agroalimentaire, le travail sur l’impact écologique des emballages n’est pas à négliger. Les deux leaders du marché, Fleury Michon et Herta, l’ont bien compris. Fleury Michon a ainsi remplacé les emballages de ses filets de poulet et de ses rôtis par des conditionnements en PET. Herta a également lancé une nouvelle barquette contenant 20% de PET recyclé.

 

Autre tendance au niveau de l’emballage : rendre les produits plus visibles comme Madrange ou Fleury Michon l’ont fait, tout en communiquant sur l’amont de la filière en affichant par exemple la photo des producteurs ou en communiquant sur l’aspect naturel des produits. Fleury Michon a ainsi décliné le conditionnement transparent de son jambon « Authentique » à deux nouveaux produits : « Le jambon de nos campagnes », qui adhère à la démarche Bleu Blanc Cœur, et le « Porc de montagne », au jambon légèrement fumé et issu de petits élevages membres de l’association éponyme.

 

Enfin, le groupe Financière Turenne Lafayette a choisi un positionnement différent pour sa marque Paul Prédault : les emballages de la gamme Le Foué sont résolument modernes, avec des mentions de couleur rose sur un fond sombre. Un pari risqué, qui vise à monter en gamme le jambon.

Une tendance phare : les produits allégés ou sans allergènes.

La grande tendance en matière de modification de recettes est la teneur réduite en sel, introduite par Herta dans la catégorie du jambon de Paris. « Depuis le lancement du Bon Paris sel réduit en 2008, cette référence a généré un chiffre d’affaires de 35 millions d’euros. Une très belle réussite qui n’a pas pour autant cannibalisé les ventes de nos autres références de Bon Paris », se réjouit Suzanne Manet, directrice marketing chez Herta. Autres nouveautés sur ce créneau des produits allégés en sel : le rôti de porc et le jambon à poêler Fleury Michon, avec -25% de sel.

 

Dans la même lignée que les produits allégés en sel, les recettes comprenant moins de matières grasses sont aussi en plein essor. C’est le cas des saucisses cocktail de Jean Caby, qui pour les fêtes avaient vu leur recette modifiée avec 30% de matières grasses en moins. On peut citer aussi la « spécialité de saucisson » de Bordeau Chesnel, la badine, qui est une saucisse droite plus riche en viande et moins grasse qu’un produit classique (30% de moins).

 

Un autre axe d’innovation pour les industriels réside dans la substitution des allergènes présents dans les charcuteries. Ainsi, de nombreuses solutions existent aujourd’hui. Par exemple, le dextrose de blé peut être remplacé par du dextrose de maïs ou du sirop de glucose de maïs, avec des résultats probants. Ces ingrédients peuvent aussi être utilisés à la place du lactose. Quant au caséinate de sodium et au gluten de blé, les protéines de pois en sont de parfaits substitutants, mais aussi les protéines de pomme de terre, les protéines de porc à base de couenne et du plasma sanguin de porc.

Comme pour les autres secteurs, l’authenticité et le fait maison inspirent.

Les consommateurs sont à la recherche de produits typiques, du terroir, et les industriels l’ont bien compris. Cette tendance touche l’ensemble du secteur agroalimentaire, et la charcuterie n’y fait pas figure d’exception. Emballages valorisant les producteurs et la campagne, produits de qualité, composition plus saine… Toutes les autres innovations tournent autour de cette idée. Les marques phares du secteur changent leur fusil d’épaule et communiquent sur leur aspect traditionnel, comme Cochonou d’Aoste, dont « Le 1928 » revendique un hachage à l’ancienne et un goût typé. Il est embossé dans un boyau naturel et la fleur a également une origine naturelle.

 

Enfin, certains produits bénéficient de l’engouement actuel autour du fait maison et du retour des français aux fourneaux. C’est le cas notamment des lardons, dont les volumes ont augmenté de 3,3% en 2011 par rapport à l’année précédente. En plus, lorsque ces produits sont déclinés en fonction d’autres tendances précédemment citées comme les lardons allégés en sel ou les lardons fermiers d’Herta, aucun doute sur le fait que ces lancements soient des succès !

Des viandes et des recettes originales.

Si généralement le porc est la viande la plus couramment utilisée dans le secteur de la charcuterie, elle est loin d’être la seule. Entre le 26 décembre 2010 et le 4 septembre 2011, par exemple, les charcuteries à base de volaille ont vu leurs volumes vendus s’envoler de 11,6% ! Les innovations à base de volaille sont légions… On peut citer par exemple les knacks de Bordeau Chesnel baptisés « Divines Saucisses » qui sont à base de poulet rôti et sans colorant, sans polyphosphate et sans arôme ajouté.

Le canard fait aussi son apparition sur ce marché jusque-là très traditionnel, avec le saucisson de canard d’Aoste, qui contient tout de même 47% de viande de canard, associée à de la viande de porc. Cette innovation de rupture tente donc le tout pour le tout en misant sur deux tableaux radicalement opposés : la tradition et le modernisme.

 

Le poulet est aussi décliné en rillettes. Bahier a choisi de pousser encore plus loin l’innovation en sortant sa gamme Rillades à base de poulet et de légumes. Allégées en matières grasses de fait (18% contre 30% pour des rillettes de poulet et 40% pour des rillettes de porc), elles se déclinent en trois recettes : légumes du soleil, légumes du jardin et légumes cuisinés à l’italienne. Ces Rillades sont en outre conditionnées en barquettes à la façon des produits tartinables. Bien vu !

Le boudin blanc possède lui aussi ses déclinaisons surprenantes, toujours grâce au même fabricant. Il a misé sur une version gourmande aux figues et aux épices, qui s’est ajoutée à sa recette aux noix de Saint-Jacques et aux morilles.

 

Enfin, la charcuterie ne peut pas échapper au boom du halal, sur lequel la marque Isla Délice surfe. Herta et Fleury Michon avaient bien tenté de s’implanter sur le marché, mais sans succès. Ils s’étaient finalement résolus à se retirer. Isla Délice a décidé de tenter le coup et a lancé deux références de knacks : Déliss’ Nature et Déliss’ Oriental, aux épices. Ces saucisses sont composées à 60% de viande de dinde séparée mécaniquement. Aucun doute qu’Isla Délice, qui a su gagner sa légitimité sur le marché très particulier du halal, devrait savoir tirer profit du départ des deux géants du secteur.

 

Finalement, toutes les innovations présentées nous permettent de déduire que le secteur de la charcuterie n’a pas pu échapper à certaines grandes tendances de l’alimentaire. C’est le cas de l’essor du halal, des produits allégés ou sans allergènes, des produits du terroir ou ethniques, des packagings respectueux de l’environnement ou des recettes originales. Cependant, une grande spécificité existe sur ce marché : la faible valorisation de l’origine France. La mention VPF n’est encore que très peu présente sur les emballages et les fabricants préfèrent se tourner vers les origines étrangères, plus vendeuses. Dommage pour notre filière nationale qui, elle, est en grande difficulté… V.D.

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