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De la diabolisation des produits gras et sucrés à la valorisation des fruits et légumes.

Impossible pour les consommateurs d’échapper aux messages nutritionnels… ils sont partout ! Les médias nous inondent de slogans prônant les fruits et légumes et nous rappelant les dangers d’une consommation excessive de produits gras, sucrés et salés. Les Programmes Nationaux Nutrition Santé (PNNS) en sont à l’origine.

Mais ont-ils vraiment un impact sur nos habitudes de consommation ? Quand avons-nous commencé à louer les fruits et légumes ? Jusqu’où les pouvoirs publics iront-ils pour influencer les choix des consommateurs ?

Agro-media.fr se penche sur l’impact des messages de santé publique sur notre alimentation.


De l’obésité au Programme National Nutrition Santé (PNNS)

L’implication du gouvernement dans des programmes de santé publique est assez récente, et va de pair avec l’augmentation des maladies ayant notamment comme facteur l‘alimentation. Des études ont en effet depuis longtemps établi un lien entre l’alimentation et l’apparition de diabètes, de maladies cardiovasculaires, de certains cancers,… Mais le véritable fléau qui s’est abattu dans un premier temps sur les pays développés et qui commence à toucher ceux en voie de développement est l’obésité. Il s’agit d’une véritable pandémie : en France, en 1965, seuls 3% des enfants scolarisés étaient obèses. En 2000, ils étaient 13,3% ! L’OMS estime que d’ici 2015, environ 2,3 milliards d’adultes seront en surpoids et plus de 700 millions seront obèses. Or, ces maladies engendrent des coûts en matière de santé publique très importants. De plus, elles augmentent de façon conséquente la mortalité.

Face à ce constat, le gouvernement a décidé d’agir et a mis en place différentes politiques de santé publique. C’est ainsi que le Programme National Nutrition Santé (PNNS) est né, en 2001. Il a pour objectif général l’amélioration de l’état de santé de l’ensemble de la population en agissant sur l’un de ses déterminants majeurs : l’alimentation. Le programme a été prolongé en 2006 puis en 2011. Il agit par le biais de différents dispositifs dont les Chartes d’engagements volontaires de progrès nutritionnel, qui incitent les entreprises agroalimentaires à améliorer leurs recettes pour qu’elles contiennent moins de graisses, de sel ou de sucre, ou à participer à différents programmes en faveur de l’équilibre nutritionnel et/ou de la pratique de sports. Les PNNS sont avant tout connus pour l’apparition de slogans tels que le célèbre « Mangez cinq fruits et légumes par jour », qui ont largement été relayés dans les médias.

 

Les grands repères du PNNS

 

Les PNNS sont-ils efficaces ?

Eh bien oui ! En effet, les différents PNNS sont globalement bien perçus par la population et ont permis d’influencer les comportements d’achat. En outre, les slogans nutritionnels sont bien intégrés par la population.

En effet,  l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) a réalisé en février 2008 une étude auprès de 1 063 personnes représentatives de la population française. Elle a montré que 87 % des Français accueillaient favorablement les messages sanitaires insérés dans les publicités alimentaires et même que 71 % d’entre eux les avaient mémorisés quelques mois seulement après leur mise en place en février 2007. 79 % des sondés pensaient qu’il s’agissait d’un bon moyen de sensibiliser les français à l’importance d’une alimentation équilibrée.

En revanche, il y a confusion car 60% des plus de 15 ans pensent que les messages nutritionnels apparaissant en-dessous d’une publicité ont un lien direct avec le produit vanté, alors que ce n’est absolument pas le cas ! Autre problème : une personne en surpoids sur quatre considère ces messages comme culpabilisants… Les personnes âgées, enfin, ne se sentent que très peu concernées par les slogans du PNNS.

Les baromètres santé nutrition réalisés en 2002 et 2008 permettent d’observer l’évolution de la consommation au regard des recommandations du PNNS. On observe qu’une part plus importante des sondés respectait les recommandations du PNNS en 2008 en ce qui concerne les fruits et légumes et la viande, les produits de la pêche et les œufs. En revanche, ce n’est pas le cas pour les produits laitiers et les féculents ! Il semblerait donc que certains messages soient mieux passés que d’autres

 

 

Les PNNS ont également influencé le comportement des entreprises agroalimentaires et des enseignes de distribution. Outre les chartes d’engagement volontaires qui ont permis à certains industriels de proposer des recettes plus saines aux consommateurs, l’information transmise aux consommateurs par le biais des emballages s’est également améliorée. On a même vu l’apparition d’indications en termes de portions par rapport aux recommandations aux PNNS sur le packaging de certains produits.

 

L’impact des PNNS est donc assez difficile à évaluer, et les résultats diffèrent selon les études et les mesures prises dans le cadre du programme. Néanmoins, le bilan est globalement positif, on peut dire que les PNNS ont bel et bien eu un impact sur le comportement alimentaire des français. Les messages publicitaires ont eu la plus grande efficacité, ils sont bien connus et accueillis favorablement. Cependant, il est difficile d’isoler l’impact des PNNS uniquement, car la tendance actuelle est à la généralisation de ces messages sanitaires. Les émissions culinaires se multiplient, de même que les cours de cuisine, les salons autour du thème de la nutrition et de la santé…

Le risque majeur des PNNS reste néanmoins une culpabilisation des personnes obèses.

Vers une taxation des produits gras et sucrés ?

Les pouvoirs publics tendent à s’impliquer de plus en plus pour faire évoluer les comportements d’achat des consommateurs. Car si l’obésité a cessé de progresser chez les enfants, elle est loin d’être enrayée. La taxe soda, qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2012 et qui s’applique sur les boissons sucrées ainsi que sur celles comportant des édulcorants, était à l’origine motivée par une problématique nutritionnelle (inciter les français à consommer moins de sodas). Le gouvernement a été contraint notamment par les industriels (avec pour chef de file l’ANIA) de changer par la suite son fusil d’épaule.

Aujourd’hui, les entreprises agroalimentaires craignent la mise en place d’autres politiques de taxation des produits gras, sucrés ou salés, comme cela existe déjà au Danemark. En effet, dans ce pays, une taxe de 2,15€ par kilogramme de produits contenant des graisses saturées, même les plats cuisinés ou précuits, est en vigueur. Les industriels danois ont déploré l’instauration de cette taxe « graisse », qui s’est avérée être en outre un véritable « cauchemar administratif » car les producteurs doivent fournir des déclarations sur la quantité de graisses saturées présente dans leurs produits et utilisées dans leurs préparations, qu’ils soient produits localement ou importés. En Hongrie, une taxe « hamburger » a aussi été mise en place sur les biscuits salés ou sucrés, les boissons énergétiques et les gâteaux pré-emballés.

Aux Etats-Unis, une étude publiée début février dans la revue Nature propose de taxer les aliments et boissons contenant des sucres ajoutés voire d’interdire la vente de boissons sucrées aux mineurs de moins de 17 ans, car les auteurs ont estimé que le sucre était aussi toxique et addictif que le tabac et l’alcool. Au Royaume-Uni, l’instauration d’une taxe alimentaire serait également à l’étude. La question n’a pas encore été abordée en France, mais elle finira bel et bien par être soulevée… Or, selon une étude menée par l’institut ViaVoice pour le Groupe Pasteur Mutualité, 69% des français sont contre l’instauration d’une taxe sur les produits gras.

De plus, les politiques de taxation ont démontré leurs limites. Elles n’ont en effet pas ou peu d’impact sur les habitudes de consommation. La patronne du géant de l’agroalimentaire Kraft Foods, Irene Rosenfeld, avait donné son avis à ce sujet à l’occasion de l’instauration de la taxe soda. Selon elle, les taxes sur les produits trop gras, trop sucrés ou trop salés « n’ont jamais prouvé leur efficacité ».

Enfin, les populations qui seront directement impactées par ces taxes sont celles étant déjà en difficulté. De nombreuses études ont en effet montré que les premiers consommateurs de produits gras et sucrés étaient les populations à faibles revenus, étant donné que ces produits sont économiquement plus accessibles que des produits plus sains.

Quoi qu’il en soit, les produits ayant un mauvais « profil nutritionnel », autrement dit trop gras, trop sucrés et trop salés, seront bientôt privés de la possibilité d’utiliser des allégations sur leurs packagings. Pour l’instant, la question est encore débattue sur la définition de ces profils nutritionnels, mais l’EFSA devrait prochainement se positionner à ce propos.

 

Finalement, on s’aperçoit qu’en quelques dizaines d’années seulement les produits gras, sucrés ou salés ont vu leur image se dégrader en raison des nombreux messages nutritionnels qui ont inondé les consommateurs. Au contraire, les fruits et les légumes ont vu leur cote grimper. Cependant, la notion de plaisir a longtemps été absente des recommandations du PNNS. Aujourd’hui, bien qu’elle soit de mieux en mieux considérée et intégrée dans les programmes de santé publique, elle reste la grande absente. La mise en place de politiques de taxations sera-t-elle l’étape suivante dans la pénalisation et la culpabilisation des consommateurs ? V.D.

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