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Elections présidentielles : quelles répercussions pour la filière agroalimentaire ?

Les élections présidentielles sont l’occasion pour les candidats d’exposer leur programme et leur point de vue sur l’ensemble des secteurs français. Bien que la filière agroalimentaire soit clairement une filière économique stratégique au niveau national, emblématique de la France et l’une des seules à avoir conservé son dynamisme malgré la crise, elle reste assez absente des programmes et des interventions des candidats. Seule la polémique autour du halal a largement été relayée dans les médias.

Professionnels de l’agroalimentaire et de la distribution, à l’occasion du premier tour des élections qui se tiendra le 22 avril 2012, agro-media.fr épluche pour vous les programmes des dix candidats aux élections présidentielles et vous résume leurs principales mesures concernant le secteur agroalimentaire et la distribution, mais aussi leur positionnement sur les thématiques qui suscitent l’inquiétude de l’ensemble des acteurs de ces filières.

 

 

Mesures concernant le secteur agroalimentaire

L’agroalimentaire contribue fortement à la santé de l’économie française et occupe la première place au sein de l’Union Européenne avec un cinquième de la valeur ajoutée du secteur. Elle est la première industrie de France en termes de chiffre d’affaires (150 milliards d’euros), loin devant l’automobile, et le deuxième employeur national avec 412 500 salariés en 2008. Il s’agit donc véritablement d’une filière stratégique pour la France. Agro-media.fr a choisi d’étudier les programmes des candidats selon trois thématiques majeures pour la filière : l’export, la fiscalité, le soutien aux entreprises.

L’export des IAA

Pour Bayrou, Hollande, Mélenchon et Joly, il est nécessaire que les pouvoirs publics agissent afin de favoriser l’export des entreprises agroalimentaires.

Pour Mme Joly, ce sont principalement les produits typiques de la France (vins, fromages…) qui doivent être mis en avant.

Au contraire, Arthaud et Le Pen n’annonce pas de mesures spécifiques.

Sarkozy, pour sa part, a rappelé qu’en cinq ans il avait favorisé l’export notamment grâce à l’ouverture de certains marchés pour les entreprises françaises et grâce au renforcement de la Sopexa. Il a annoncé qu’il souhaitait accélérer ce développement du service public de l’export en particulier pour la certification et les agréments sanitaires.

Poutou et Cheminade ne se prononcent pas dans leurs programmes sur la question de l’export.

Enfin, si Dupont-Aignant précise qu’il imposera des droits de douane sur les produits importés, il n’annonce aucun soutien aux exportations.

La fiscalité des entreprises agroalimentaires

Poutou souhaite taxer les bénéfices des sociétés à hauteur de 50% et veut stopper les exonérations de cotisations sociales. Il souhaite également abolir les aides aux entreprises et à leurs filiales.

Cheminade, pour sa part, prévoit toute une série de mesures fiscales afin de favoriser les PME au détriment des grandes entreprises. Il est aussi en faveur d’une TVA sociale et d’une taxe européenne sur les transactions financières.

Bayrou soutient aussi l’instauration de cette dernière.

Nicolas Dupont-Aignan le rejoint en ce qui concerne l’aménagement de la fiscalité en faveur des PME, puisqu’il souhaite diminuer de moitié l’impôt sur les sociétés pour les bénéfices réinvestis sur le sol français pour les entreprises de moins de 500 salariés, et exonérer de cotisations sociales pendant cinq ans le recrutement d’un chômeur de longue durée pour une TPE.

Arthaud souhaite aussi une suppression immédiate des exonérations et allégements de cotisations patronales, ainsi qu’une suppression pure et simple de la TVA.

Au contraire, Sarkozy et Le Pen prônent un allègement des charges patronales. Sarkozy compte aussi créer un impôt minimal sur les grands groupes et interdir la déduction fiscale des dépenses de délocalisation de l’impôt sur les bénéfices des sociétés.

Le Pen souhaite simplifier le système fiscal. Elle veut ainsi fusionner l’IS et la CET, tout en redistribuant le Crédit Impôt Recherche (CIR) vers les PME.

Hollande annonce une modulation de la fiscalité locale des entreprises en fonction des investissements réalisés, de la même façon que Mélenchon. Il souhaite également mettre en place trois taux d’impositions différents pour les sociétés : 35% pour les grandes, 30% pour les PME et 15% pour les TPE.

Mélenchon pour sa part souhaite taxer les revenus financiers des grandes entreprises.

Eva Joly estime que pour limiter l’optimisation fiscale, il faut établir un impôt plancher sur les sociétés pour les multinationales de droit français, à hauteur de 17 % de leur bénéfice brut.

Le soutien aux entreprises agroalimentaire

Pour Eva Joly, défendant la souveraineté alimentaire des pays du Sud, elle ne soutiendra pas un quelconque leadership s’agissant par exemple de la production de poulets industriels congelés ou de poudre de lait qu’on écoule là-bas à des prix subventionnés et inférieurs aux prix des produits locaux.

Pour Marine Le Pen, il faut s’impliquer pour négocier des accords équilibrés avec les pays partenaires concernant ces exportations.

Nicolas Sarkozy estime que c’est par le soutien à l’innovation que les entreprises françaises en général, et les industries agro-alimentaires en particulier, maintiendront leur leadership.

Le Front de Gauche veut apporter un soutien spécifique aux PME notamment via un Pôle bancaire public, sur des critères d’emploi ou de qualité notamment.

François Bayrou souhaite pour sa part rendre plus facile le financement des PME par des banques régionales, simplifier les contraintes administratives et fiscales qui pèsent sur ces entreprises et mettre en réseau les grandes entreprises et les PME afin de  créer des complémentarités bénéfiques.

François Hollande prévoit de réformer le taux de l’impôt sur les sociétés. En outre, une modulation de l’impôt sur les sociétés sera introduite : la redirection des bénéfices vers l’investissement entraînera une baisse de l’impôt sur les sociétés. Il créera également une Banque publique d’investissement pour favoriser le développement des PME, le soutien aux filières d’avenir et la conversion écologique et énergétique de l’industrie.

 

Mesures concernant la distribution

Les relations entre fournisseurs et grande distribution

Pour Le Pen, il faut « une négociation équitable entre producteurs agricoles et transformateurs » afin d’ « enrayer la captation de la valeur ajoutée par les distributeurs ». Elle estime qu’ « il faut que ces distributeurs cessent de se comporter en pillards dans un pays conquis ».

Bayrou souhaite impliquer l’Etat dans le rééquilibrage des relations entre fournisseurs et grande distribution.

Pour Hollande, il s’agira davantage de mettre en place des politiques de filière pour donner un poids plus important aux fournisseurs.

Joly souhaite favoriser les circuits courts.

Les autres candidats ne se sont pas positionnés sur cette question.

Les marges des enseignes de grande distribution

Sarkozy souhaite poursuivre dans la voie qu’il a initiée en créant l’Observatoire de la formation des prix et des marges pour favoriser la transparence. Il estime néanmoins que les marges nettes des distributeurs « sont à un niveau historiquement bas, de l’ordre de 1 à 1,5% en moyenne ». Il se réjouit de l’efficacité de la LME, qui a permis selon lui « une très nette diminution d’ensemble des marges arrière ».

Le Pen souhaite interdire les marges arrières des distributeurs, et estime que la LME est un leurre.

Mélenchon envisage l’instauration d’une nouvelle loi « afin de compenser les insuffisances criantes de la LME de 2008 ».

Hollande estime “que la course aux bas prix menée par certaines enseignes de la grande distribution ne sert pas les consommateurs, contrairement au discours tenu. Les effets de telles pratiques sur le tissu productif comme sur la qualité des produits sont désastreux.”

Bayrou, Joly, Cheminade, Poutou, Arthaud, et Dupont-Aignant n’ont pas encore donné leur point de vue sur cette question.

 

Focus sur la consommation

La flambée des prix dans l’alimentaire

Joly recherchera des économies pour le consommateur en diminuant les coûts de transport et de distribution (publicité, emballage), tout en refusant de sacrifier la qualité des produits au prétexte de l’allègement des prix.

Le Pen, Mélenchon, Hollande, Bayrou, Sarkozy et Joly souhaitent maintenir un taux réduit de TVA pour les produits alimentaires de première nécessité.

Mélenchon souhaite agir pour enrayer la flambée des prix en instaurant des mécanismes de stabilisation des prix des matières premières.

Pour maintenir des prix stables, Hollande estime qu’il faut de la régulation au sein des filières.

Poutou, Arthaud, Dupont-Aignan et Cheminade ne se sont pas prononcés sur cette thématique.

Les taxes touchant l’alimentaire (taxe soda, taxe sur les spiritueux…)

Joly souhaite taxer les produits néfastes pour la santé et l’environnement écologique, social et économique, tout en dissuadant les consommateurs de se porter vers des produits alimentaires aux saveurs illusoires et dangereux pour la santé publique.

Au contraire, Sarkozy ne souhaite pas davantage taxer les produits alimentaires, se contentant de la taxe soda.

Mélenchon, Hollande et Bayrou sont contre l’instauration de telles taxes.

Le Pen, Cheminade, Arthaud, Dupont-Aignan et Poutou ne se sont pas définitivement positionnés sur cette question.

 

Prise en compte de l’alimentation dans les préoccupations politiques

Pour Eva Joly, l’alimentation est un secteur transversal qui intéresse l’agriculture, la santé, l’économie, la consommation et même les rapports internationaux. Un service interministériel transversal est nécessaire. Elle est favorable à un Conseil national de l’alimentation dont les pouvoirs (de proposition et d’application) seraient renforcés.

Pour Marine Le Pen, outre le protectionnisme aux frontières, ce qu’il faut instituer d’urgence, ce sont des “rapports justes entre tous les acteurs : agriculteurs, industriels et distributeurs.” Il faut également rééquilibrer le rapport de force entre PME et multinationales, dans l’agroalimentaire comme dans les autres secteurs.

Pour Nicolas Sarkozy, les défis à venir sont de poursuivre la conquête des marchés à l’export, d’améliorer la compétitivité de nos entreprises avec notamment la baisse du coût du travail, et de consolider les entreprises afin de faire émerger davantage d’entreprises de taille intermédiaire.

Jean-Luc Melenchon entend encourager l’agroalimentaire, en mettant l’accent sur le renforcement des critères d’emploi par l’augmentation des salaires et l’amélioration des conditions de travail, ainsi que de la qualité alimentaire dans un souci de santé publique.

Pour Bayrou, l’Etat a une responsabilité sanitaire qui, en ce qui concerne l’alimentation qui couvre différents aspects tels la prévention et la gestion des crises sanitaires ou bien encore en matière de santé publique, la prévention de  l’obésité. “L’Etat a aussi la responsabilité de la définition et du respect des normes des  produits alimentaires, cette action se conduit au niveau national, européen et international en liaison avec le commerce international. D’autre part, comme pour les  autres secteurs, les préoccupations d’emplois, de pouvoir d’achat et de commerce extérieur relèvent de la politique économique et sociale qui doivent contribuer à la croissance et au progrès social. Enfin, l’alimentation est indissociable de l’agriculture et c’est la raison qui conduit à associer de plus en plus étroitement la politique agricole  aux enjeu de l’alimentation, qu’il s’agisse des enjeux sanitaires ou de sécurité des approvisionnements par exemple.”

Pour Hollande, “nous devons développer ce secteur pourvoyeur d’emplois et excédentaire pour notre balance commerciale. Une politique de soutien de nos PME est une des conditions. La France doit compter sur ses propres forces. Et parmi elles, il y a les PME, dont celles de l’agroalimentaire. J’ai annoncé une réforme fiscale qui appuiera les PME et plus encore les TPE avec une réduction sensible de l’impôt sur les sociétés à leur endroit. Il faudra aussi parler avec nos partenaires européens qui n’hésitent pas à utiliser le dumping social pour conquérir des parts de marché. la France est restée silencieuse sur certains comportements européens, il est temps que ce silence prenne fin et que nous disions clairement notre opposition au libéralisme sans régulation.”

A noter qu’aucun des candidats ne souhaite la mise en place d’un ministère de l’Alimentation indépendant du ministère de l’Agriculture.

Professionnels de l’agroalimentaire et de la distribution, vous avez à présent toutes les cartes en main pour prendre sereinement position pour le premier tour. V.D.

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