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La Réglementation Européenne sur la Déforestation (EUDR / RDUE), récemment publiée dans le Journal officiel de l’Union Européenne, marque une étape cruciale dans la lutte contre la déforestation mondiale.
Entrant en vigueur le 30 décembre 2024 pour les grandes entreprises et le 30 juin 2025 pour les PME, cette réglementation impose des obligations strictes de diligence raisonnable aux entreprises du secteur agroalimentaire. Voici un aperçu des principaux changements que les entreprises devront intégrer dans leurs opérations.
Soja, viande bovine, huile de palme et dérivés
L’EUDR élargit considérablement la responsabilité des entreprises en matière de durabilité. Contrairement à son prédécesseur, le Règlement de l’Union Européenne sur le bois (EUTR), l’EUDR ne se limite pas au secteur du bois. Elle inclut désormais des produits comme le soja, la viande bovine, l’huile de palme et leurs dérivés. Les entreprises devront s’assurer que ces produits n’ont pas contribué à la déforestation. Cette extension de responsabilité implique que les entreprises du secteur agroalimentaire doivent revoir en profondeur leurs chaînes d’approvisionnement. En effet, elles doivent garantir que chaque produit commercialisé n’est pas lié à la déforestation. Ce défi est d’autant plus complexe que certaines matières premières, comme l’huile de palme ou le soja, proviennent souvent de régions où la déforestation est répandue. Les entreprises devront non seulement revoir leurs sources d’approvisionnement, mais aussi s’assurer de la conformité de chaque maillon de la chaîne, depuis les producteurs jusqu’aux distributeurs.
Tracer l’origine exacte des matières premières
Les entreprises devront désormais fournir des données de géolocalisation précises pour les produits agricoles concernés. Cela implique la capacité de tracer l’origine exacte des matières premières, ce qui augmentera la transparence tout au long de la chaîne d’approvisionnement. Cette mesure vise à garantir que chaque étape de la production respecte les normes environnementales et sociales.
Investir dans des technologies de traçabilité avancées
La transparence exigée par l’EUDR pose un défi technique majeur. Les entreprises devront investir dans des technologies de traçabilité avancées, telles que les satellites, les drones et les logiciels spécialisés. Ces technologies permettront de suivre les matières premières depuis leur origine jusqu’au produit final, assurant ainsi que chaque étape respecte les normes fixées par la réglementation. De plus, les données de géolocalisation devront être précises et vérifiables, nécessitant une coordination étroite entre les différents acteurs de la chaîne d’approvisionnement.
Les entreprises agroalimentaires devront garantir la conformité
Bien que les certifications volontaires telles que PEFC et FSC soient toujours reconnues, l’EUDR exige des entreprises qu’elles mènent leurs propres vérifications de conformité. Les certifications seules ne suffisent plus ; les entreprises doivent démontrer qu’elles ont effectué une diligence raisonnable pour s’assurer que leurs produits ne sont pas liés à la déforestation.
Cette exigence de diligence raisonnable implique une vérification approfondie des sources d’approvisionnement. Les entreprises devront non seulement se fier aux certifications existantes, mais aussi effectuer leurs propres audits pour garantir la conformité. Cela peut inclure des visites sur site, des vérifications de documents et des analyses de données de traçabilité. Cette approche vise à renforcer la crédibilité des pratiques durables et à assurer que les certifications ne sont pas utilisées comme une simple couverture pour des pratiques non conformes.
Défis pour les Petites et Moyennes Entreprises (PME)
Pour les PME, la mise en conformité avec l’EUDR représente un défi significatif. Elles disposent souvent de ressources limitées par rapport aux grandes entreprises pour gérer les nouvelles exigences de traçabilité et de conformité. Un soutien technique et financier de la part des gouvernements et des institutions européennes sera crucial pour aider ces entreprises à s’adapter.
Les PME devront investir dans des technologies de traçabilité et de vérification, ce qui peut représenter une charge financière considérable. De plus, elles devront former leur personnel et développer des processus internes pour assurer la conformité. Sans un soutien adéquat, ces exigences pourraient mettre en péril la viabilité financière de nombreuses PME. Les gouvernements et les institutions européennes devront donc mettre en place des programmes de soutien technique et financier pour aider ces entreprises à surmonter ces défis.
Planifier la transition pour minimiser les impacts financiers
La mise en place de systèmes de diligence raisonnable et de traçabilité peut entraîner des coûts substantiels. Les PME devront investir dans des technologies et des formations, et potentiellement restructurer leurs chaînes d’approvisionnement. Ces coûts supplémentaires pourraient peser lourdement sur leurs budgets.
Les coûts de mise en conformité incluent l’achat et l’installation de technologies de traçabilité, la formation du personnel, et la mise en place de nouveaux processus de vérification. Ces coûts peuvent être particulièrement lourds pour les PME, qui disposent souvent de ressources financières limitées. De plus, la nécessité de restructurer les chaînes d’approvisionnement peut entraîner des interruptions temporaires de production et des pertes de revenus. Il sera donc crucial pour les PME de planifier soigneusement leur transition pour minimiser ces impacts financiers.
Adaptation des pratiques d’approvisionnement
Les entreprises du secteur agroalimentaire devront revoir leurs pratiques d’approvisionnement pour se conformer à l’EUDR. Cela pourrait impliquer de diversifier leurs sources d’approvisionnement, de développer des partenariats plus étroits avec des producteurs durables et d’investir dans des technologies de traçabilité avancées.
La diversification des sources d’approvisionnement est une stratégie clé pour réduire les risques associés à la déforestation. En s’approvisionnant auprès de multiples fournisseurs, les entreprises peuvent atténuer les risques de dépendance à des régions sujettes à la déforestation. De plus, développer des partenariats étroits avec des producteurs durables peut renforcer la confiance et la coopération, facilitant ainsi la mise en place de pratiques de traçabilité et de vérification.
Diversification des sources d’approvisionnement
Pour réduire les risques associés à la déforestation, les entreprises devront peut-être diversifier leurs fournisseurs. Cette diversification aidera à atténuer les risques, mais elle pourrait également compliquer la gestion des chaînes d’approvisionnement et augmenter les coûts.
Diversifier les sources d’approvisionnement implique de trouver de nouveaux fournisseurs qui respectent les normes environnementales et sociales de l’EUDR. Cela peut nécessiter des investissements en temps et en ressources pour identifier, évaluer et intégrer ces nouveaux partenaires dans la chaîne d’approvisionnement. De plus, la diversification peut entraîner une augmentation des coûts logistiques et des défis de coordination, car les entreprises devront gérer des relations avec un plus grand nombre de fournisseurs.
Investissement dans la traçabilité : Satellites et drones pour fournir des données précises sur l’origine des matières premières
Les entreprises devront investir dans des technologies de traçabilité pour garantir que chaque étape de leur chaîne d’approvisionnement respecte les nouvelles exigences. Ces technologies incluent l’utilisation de satellites, de drones et de logiciels avancés pour suivre les matières premières depuis leur origine jusqu’au produit final.
L’investissement dans des technologies de traçabilité est essentiel pour assurer la conformité avec l’EUDR. Les satellites et les drones peuvent fournir des données précises sur l’origine des matières premières, tandis que les logiciels avancés peuvent analyser et gérer ces données. Ces technologies permettront aux entreprises de suivre en temps réel les mouvements des matières premières et de vérifier leur conformité à chaque étape de la chaîne d’approvisionnement. Cependant, ces technologies représentent un coût initial élevé et nécessitent une expertise technique pour leur mise en œuvre et leur gestion.
Les sanctions légales
Les entreprises qui ne se conforment pas à l’EUDR s’exposent à des sanctions légales importantes. Le non-respect de l’EUDR peut entraîner des sanctions sévères, allant des amendes à l’interdiction de commercialiser des produits au sein de l’UE. De plus, les entreprises risquent de subir des dommages à leur réputation, car les consommateurs et les investisseurs sont de plus en plus sensibles aux questions de durabilité. Ces sanctions peuvent avoir un impact significatif sur les finances et les opérations des entreprises.
Les amendes pour non-conformité peuvent représenter un pourcentage significatif du chiffre d’affaires annuel des entreprises, créant ainsi une incitation financière forte à se conformer aux nouvelles exigences. De plus, l’interdiction de vendre des produits non conformes peut entraîner des pertes de revenus importantes et des perturbations opérationnelles. Ces sanctions visent à garantir une application stricte de la réglementation et à encourager les entreprises à adopter des pratiques durables.
Réputation et marché
Dans un contexte où la durabilité devient un critère de choix pour les consommateurs, les entreprises qui échouent à se conformer à l’EUDR risquent de perdre leur crédibilité et leur part de marché. Les investisseurs, également de plus en plus axés sur les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), pourraient se détourner des entreprises non conformes.
La conformité à l’EUDR peut devenir un avantage concurrentiel sur le marché, en renforçant la réputation des entreprises en tant que leaders en matière de durabilité. Les consommateurs sont de plus en plus enclins à soutenir les entreprises.
Aliments pour animaux : Le SNIA exprime des inquiétudes croissantes
À l’approche de l’entrée en vigueur du Règlement européen contre la déforestation et la dégradation des forêts (RDUE), prévue pour le 30 décembre 2024, le Syndicat National de l’Industrie de la Nutrition Animale (SNIA) exprime des inquiétudes croissantes.
Dans un communiqué de presse publié le 6 juin 2024, le SNIA alerte sur l’urgence de clarifier les conditions d’application de ce règlement, soulignant les défis et les risques que ce manque de clarté pourrait poser pour l’industrie de la nutrition animale et les filières d’élevage en France.
« Bien que cette initiative soit largement saluée pour ses objectifs environnementaux, elle pose également des défis significatifs pour les entreprises du secteur agroalimentaire, en particulier celles impliquées dans la nutrition animale », explique le SNIA.
L’attentisme de la Commission Européenne
Le SNIA critique vivement l’attentisme de la Commission Européenne quant à la clarification des modalités d’application du RDUE. Selon le SNIA, ce retard crée une incertitude considérable pour les fabricants d’aliments pour animaux, qui doivent se préparer à respecter les nouvelles exigences d’ici la fin de l’année. En l’absence de directives claires, ces entreprises se retrouvent dans une situation délicate, ne sachant pas exactement quelles seront les preuves requises pour certifier que leurs produits ne proviennent pas de zones déforestées après 2020 »
L’engagement volontaire des fabricants
Il est important de noter que les fabricants français d’aliments pour animaux n’ont pas attendu l’introduction du RDUE pour adopter des pratiques responsables. Dès 2018, avec la Charte DURALIM, et plus récemment avec le Manifeste « Zéro Déforestation Importée » signé en 2022, les entreprises du secteur se sont engagées volontairement à n’utiliser que du soja non issu de zones déforestées. Ces initiatives démontrent un engagement proactif et responsable de la part des professionnels de la nutrition animale, mais cet engagement est actuellement entravé par le manque de directives claires de la part des autorités européennes.
Les défis d’approvisionnement
L’une des principales préoccupations du SNIA est l’incertitude qui entoure l’approvisionnement en soja. En raison de l’absence de clarté sur les modalités de certification du soja importé, de nombreux importateurs et fournisseurs ont suspendu leurs cotations. Cela signifie que les fabricants d’aliments pour animaux ne disposent que d’informations très partielles et insuffisantes sur les quantités disponibles, rendant impossible la planification de leurs approvisionnements. Cette situation est d’autant plus préoccupante que la production européenne de soja reste insuffisante pour couvrir les besoins de l’industrie de la nutrition animale.
Les conséquences économiques
Le manque de visibilité et de clarté sur les modalités d’application du RDUE expose les fabricants d’aliments pour animaux à des risques économiques considérables estime le SNIA. Dans un contexte de forte volatilité des cours des matières premières, l’incertitude actuelle pourrait entraîner une explosion des tarifs, affectant la compétitivité des filières d’élevage en France et en Europe. Le SNIA souligne que la continuité de l’activité et l’équilibre économique des élevages sont en jeu, appelant les autorités à agir rapidement pour clarifier les conditions d’application du RDUE. Face à ces défis, le SNIA demande aux autorités de simplifier le dispositif du RDUE et à apporter toutes les clarifications nécessaires sur de nombreux éléments.