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En 2012, nous avons fêté les 50 ans de la Politique Agricole Commune. A l’origine, dans sa première version, la PAC avait pour vocation de redévelopper l’agriculture européenne et de la rendre compétitive, afin d’inverser la tendance de la fin des années 1950 qui voulait que l’Europe soit déficitaire en produits agricoles. Aujourd’hui, à l’aube de sa réforme, agro-media.fr vous propose de cerner les enjeux futurs pour la redéfinition de la PAC, et de connaître les oritentations actuelles.
L’heure du bilan pour la PAC
50 ans, et des objectifs atteints
Après 50 ans de politique agricole commune, de multiples évolutions des méthodes de soutien et de régulation, les réformes successives de la PAC lui ont permis de s’adapter aux changements mondiaux qui ont touché l’agriculture. La PAC a du évoluer pour paraître moins protectionniste tout en préservant l’agriculture européenne. Par rapport à ses objectifs initiaux, la plupart ont été remplis. En effet, la productivité a augmenté et l’autosuffisance est atteinte pour les principaux produits agricoles de zone tempérée. Ainsi, au sein des 12 pays membres initiaux de la CEE, le taux de couverture moyen est passé de 22 à 67% entre 1960 et 1990. Les mesures environnementales ont aussi eu des effets positifs sur l’extensification de la production et sur les conversions à l’agriculture biologique notamment.
Mais une politique qui reste perfectible
Cependant, de nombreuses critiques sont aussi à faire sur la PAC. En effet, elle garde un coût très élevé, malgré les différentes mesures prises pour réguler son budget. De plus, elle est très mal perçue par les autres pays mondiaux et notamment par les Etats-Unis qui la considèrent comme une politique protectionniste et qui dénoncent en particulier le caractère distorsif des aides à l’exportation (c’est-à-dire le fait qu’ils influent sur les décisions des entreprises). De fait, la PAC a constamment évolué dans le sens d’une réduction des effets distorsifs des aides aux agriculteurs avec un développement des aides directes puis le découplage.
Enfin, les revenus agricoles restent un problème d’actualité et sont toujours inférieurs en moyenne à ceux des autres secteurs. La PAC n’a en outre pas empêché la disparition des exploitations, qui s’est progressivement accélérée.
Quels enjeux pour la PAC de 2014 ?
Des enjeux qualitatifs
La qualité des produits alimentaires européens est reconnue de part le monde. C’est notamment une des composantes qui lui assure d’être concurrentielle sur le marché mondial, tout en satisfaisant les exigences des consommateurs. Ainsi, comme le rappelle les Chambres d’Agriculture dans un dossier consacré aux défis de la PAC d’après 2013, « la politique agricole doit s’inscrire dans une stratégie alimentaire qui, outre la production de biens alimentaires, doit incluse des objectifs de santé publique et garantir l’accès pour tous à une alimentation à prix abordables ».
Des enjeux économiques
Parmi ces enjeux économiques, on retrouvera notamment les questions liées à la sécurité alimentaire, liée intrinsèquement à la volatilité des prix des matières premières agricoles, avec les phénomènes que l’on a pu rencontrer cet été, mais également les inquiétudes liées à la crise économique.
Des enjeux environnementaux
Outre la question incontournable du réchauffement climatique et des émissions de gaz à effet de serre, d’autres problématiques environnementales devront prendre place auprès des réflexions des parlementaires. Parmi celles-ci, les plus marquantes sont les questions liées à l’érosion et à la dégradation des sols, à la qualité de l’eau et de l’air, ou encore à la sauvegarde des habitats et de la biodiversité.
Des enjeux territoriaux
La cohésion territoriale, au cœur des problématiques européennes, est un des enjeux incontournable des la politique agricole commune de 2014. En effet, l’agriculture œuvre pour la cohésion territoriale de l’Europe en luttant contre la désertification des zones rurales, mais également en assurant une certaine pérennité à la diversité agricole européenne.
Source : DG Agriculture et développement rural / Commission européenne
Les propositions législatives de la Commission pour répondre à ces défis
Une nouvelle conception des paiements directs
En 2014, les agriculteurs de l’Union Européenne auront accès aux dispositifs suivants :
Source : DG Agriculture et développement rural / Commission européenne
Tous les paiements seront soumis à la conditionnalité, et tous les agriculteurs auront accès au système de conseil agricole.
Dans le cas des petites exploitations, un dispositif de paiement simplifié sera disponible pour tous les Etats Membres, à la discrétion de l’exploitant.
Amélioration des instruments visant à répondre à l’évolution du marché (OCM unique)
Un nouveau cadre pour le développement rural
Un cadre commun pour les fonds européens sera mis en place, en vue de simplifier et d’harmoniser les règles. Les Etats Membres auront la responsabilité de fixer des objectifs quantifiés en lien avec les priorités de l’EU 2020, le document de référence de la stratégie de développement de l’Europe d’ici à 2020.
Concrètement, un certain nombre de mesures clés sont programmées :
- Transfert de connaissance, actions d’information et services de conseil ;
- Investissements en capital physique, avec des taux d’aides plus élevés pour les jeunes agriculteurs, les projets collectifs et les projets intégrés ;
- Soutien plus important aux petites exploitations, aux jeunes agriculteurs et aux petites entreprises ;
- Soutien à la création de groupes de producteurs dans tous les Etats membres ;
- Agri-environnement, climat et agriculture biologique : plus de flexibilité et un soutien renforcé pour des actions conjointes ;
- Mesure de coopération significativement renforcée incluant les projets pilotes, les circuits courts et la promotion locale ;
- Mise en place d’une nouvelle boîte à outils pour la gestion des risques.
L’objectif global : la simplification
La PAC 2014 mise notamment sur une simplification de son fonctionnement, avec par exemple la mise en place du dispositif dédié aux petites exploitations, qui représentent environ 30% des bénéficiaires en Europe).
Le paiement « vert » se veut également plus simple, avec des mesures ayant un impact environnemental et qui sont gérables et contrôlables sans coût supplémentaire faramineux.
Concernant les paiements, une série de règles simplifiées seront mises en place pour établir les coûts éligibles (pilier 2).
La position française
Le gouvernement a fait connaître au début du mois de septembre sa position et les grands objectifs qu’il poursuit. Parmi eux, on notera notamment :
- Le maintien des outils de régulation des marchés : outils de maîtrise du potentiel de production viticole (actuels droits de plantation), maintien des quotas sucres jusqu’en 2020 ;
- Obtenir une répartition juste et équitable des aides directes (premier pilier) entre Etats membres en veillant à ce que les intérêts des agriculteurs français soient préservés ;
- Obtenir une augmentation de l’enveloppe budgétaire du développement rural (deuxième pilier) en France par une répartition plus équitable entre les Etats membres ;
- Permettre une meilleure équité dans la répartition des aides directes entre les agriculteurs français en sortant progressivement du système des références historiques qui a figé des inégalités. Les modalités de cette convergence interne doivent être discutées mais le ministre a rappelé que la proposition de la Commission n’était en l’état pas acceptable pour la France. Stépane Le Foll a précisé l’importance pour les Etats membres de pouvoir orienter les aides pour préserver certaines filières, notamment les systèmes de polyculture-élevage, et pour créer de la valeur ajoutée et de l’emploi sur l’ensemble des territoires ;
- Soutenir le principe de verdissement des aides du premier pilier qui lie le versement de 30 % des aides directes au respect de trois critères environnementaux et qui est un gage de réconciliation entre les attentes des agriculteurs et celles des citoyens européens. S’agissant du détail des trois critères : le ministre s’est dit en faveur de plus de souplesse quant au maintien des prairies permanentes, d’un engagement ferme à préserver la diversité des assolements, et il s’est enfin prononcé favorablement à la mise en place de 7 % de surfaces d’intérêt écologique même si la manière de les atteindre doit être discutée pour à la fois traduire une ambition supplémentaire et prendre en compte l’existant ;
- Traduire au sein du deuxième pilier des choix en phase avec l’ambition d’encourager certains systèmes de production, de permettre à l’agriculture de s’engager vers de nouveaux modèles agricoles performants écologiquement et économiquement. Enfin, le ministre a rappelé le rôle clef des Régions dans la gestion des aides liées au développement rural. Celles-ci se verront confier la gestion des fonds européens consacrés au développement des territoires dans le respect d’une cohérence nationale.
En France, le ministre organise des concertations sur la réforme de la PAC 2014-2020
Le 7 septembre dernier, Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, a réuni le premier comité de suivi de la réforme de la PAC 2014-2020. L’occasion pour l’ensemble des acteurs de la filière, professionnels agricoles, associations environnementales, syndicats, industrie agroalimentaire, grande distribution et Régions de France, d’échanger autour de la position française et d’y apporter leurs contributions.
Cette première réunion devrait être suivie par de nombreuses autres, en vue d’élaborer une position française ayant pris en compte les enjeux de chacune des parties prenantes.
A titre d’exemple, la semaine dernière, la Confédération paysanne a été reçue à l’Elysée où elle a pu présenter ses revendications sur la réforme de la PAC à François Hollande. La Confédération paysanne souhaite notamment que la répartition des aides se fasse en fonction des actifs, et non des hectares, position que le Président de la République s’est engagé à défendre.