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Carrefour vient d’annoncer à son tour qu’il allait afficher l’étiquetage Nutri-Score sur 7 000 produits de ses MDC (Marques de Carrefour) d’ici la fin octobre de cette année. Le Nutri-score gagne du terrain et le secteur de l’agroalimentaire s’en voit bousculé, c’est ce que confirment deux études menées par Nielsen et Oqali.
Faciliter le choix d’achat du consommateur
Pour rappel, la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016 a inscrit dans le droit la possibilité de recommander un système d’étiquetage nutritionnel pour faciliter le choix d’achat du consommateur, au regard de la composition nutritionnelle des produits.
Dans ce cadre, une concertation a été conduite avec des représentants des industriels, des distributeurs, des consommateurs, des autorités sanitaires et des scientifiques pour définir les modalités de mise en place de cet étiquetage.
Le logo Nutri-Score a été conçu par Santé publique France, à la demande de la Direction générale de la santé, en s’appuyant sur les travaux de l’équipe du Professeur Serge Hercberg (Université Paris 13), les expertises de l’Anses et du Haut Conseil de Santé Publique.
Le Nutri-score, c’est quoi ? Un logo qui informe sur la qualité nutritionnelle simplifiée et complémentaire à la déclaration nutritionnelle obligatoire fixé par la réglementation européenne.
Le Nutri-score est basé sur une échelle de 5 couleurs : du vert foncé au orange foncé, associé à des lettres allant de A à E pour optimiser son accessibilité et sa compréhension par le consommateur. Celui-ci est attribué selon un score prenant en compte pour 100 grammes de produit, la teneur : en nutriments et aliments à favoriser (fibres, protéines, fruits et légumes), et en nutriments à limiter (énergie, acides gras saturés, sucres, sel). Après calcul, le score obtenu par un produit permet de lui attribuer une lettre et une couleur.
Tous les aliments transformés, excepté les herbes aromatiques, thés, cafés, levures… sont concernés. Ainsi que toutes les boissons, excepté les boissons alcoolisées. A noter que sont exemptés, les produits dont la face la plus grande a une surface inférieure à 25 cm².
Pour les marques commercialisées sur le territoire français (plus d’autres pays de l’Union Européenne), toute personne éligible, souhaitant utiliser la marque Nutri-score notifie son intention à Santé publique France en s’enregistrant sur le site.
Près de 200 industriels apposent le logo sur leurs produits
A la demande de la Direction Générale de la Santé, l’Oqali vient en effet de présenter une première analyse ayant pour objectif d’illustrer la montée en puissance du Nutri-score. Parallèlement, l’institut Nielsen, société de mesure et analyse des données, vient de réaliser également sa première analyse nutritionnelle des ventes de produits alimentaires en France.
Après bientôt deux ans, depuis l’entrée en vigueur du Nutri-score, près de 200 industriels apposent le logo sur leurs produits.
Au-delà de ces entreprises déjà engagées, Nielsen s’est en effet appuyé sur différentes sources pour faire la première analyse nutritionnelle des ventes de produits alimentaires en France. Ce sont ainsi 92 000 produits qui ont été étudiés selon leur valeur nutritionnelle, traduite par leur score Nutri-score A, B, C, D ou E.
Si 14% des consommateurs accordent déjà de l’importance au Nutri-score présent sur les emballages, ce dernier s’inscrit dans un mouvement général vers des produits plus sains.
«Globalement, les ventes de produits équivalents A et B représentent 31% du chiffre d’affaires alimentaire en grandes surfaces. Ce sont les seuls scores en progression cette année : les produits typés C, D et E sont stables voire en recul» constate Nielsen.
Dynamisme des produits typés A et B
Selon les données, Nielsen constate que les produits avec de meilleures valeurs nutritionnelles (A et B) s’avèrent plus dynamiques que les autres sur la dernière année : le chiffre d’affaires des produits alimentaires typés A et B est en hausse (respectivement +1.1% et +0.8%) quand celui des produits C, D et E est en recul ou au mieux stable.
Pour Emmanuel Fournet, Directeur Insights Distribution chez Nielsen : «ces chiffres sont la résultante d’un triple phénomène, conjonction de la volonté gouvernementale, des aspirations sociétales et des initiatives des différents acteurs, industriels et distributeurs. Les marques sont de plus en plus enclines à lancer des produits plus sains, à revoir leurs recettes, et les consommateurs montrent un appétit certain pour des produits plus sains».
Les produits salés (épicerie et surgelés) sont mieux notés
Mêmes si les produits A et B gagnent du terrain, leurs ventes restent en-deçà des autres groupes nutritionnels ; les ventes des D et E représentent près de la moitié des ventes des produits alimentaires étudiés.
En revanche au sein des rayons épicerie salée et surgelés salés, les produits notés A et B sont très bien représentés dans les ventes.
Epicerie, frais non laitier et boissons, rayons les plus vertueux cette année
Si les produits typés A et B sont ainsi davantage vendus dans certains rayons, c’est la tendance qui est particulièrement révélatrice. «On note en effet la progression de leurs ventes dans la majorité des rayons, tout particulièrement parmi les boissons sans alcool (tant produits A que B), en épicerie (produits A) et au rayon frais, dans les univers traiteur et charcuterie (produits B essentiellement) », relève Nielsen.
Pour Emmanuel Fournet, «de plus en plus, les nouveaux produits arrivant en rayon proposent des compositions moins sucrées, moins grasses… Les biscuits, les glaces et boissons sans alcool sont particulièrement attentives aux attentes de “manger sain” des consommateurs, et revoient leurs recettes en conséquences, voire innovent comme les marques de soft-drinks avec de récents lancements de boissons au thé faibles en calories».
Au sein des boissons plates aux fruits, les produits typés B progressent (+14% en chiffre d’affaires), comme les C (+23%) quand les D progressent de 8% et les E reculent (-1%).
Sur certaines catégories, la nouvelle dynamique nutritionnelle est flagrante. Ainsi les produits panés au rayon traiteur (type cordons bleus) : les références typées A (+30% de ventes) et B (+8%) gagnent du terrain sur les produits D (-14%) et E (+2%). Sur les jambons cuits également, le marché s’oriente vers davantage de produits A et B.
Le Nutri-score s’installe, notamment auprès des jeunes
Aux côtés des applications comme Yuka qui ont pris place dans le quotidien des consommateurs, le Nutri-score complète l’arsenal des informations utilisées par les Français pour guider leurs achats alimentaires. Alors que le Nutri-score n’est pas obligatoire, il atteint déjà une notoriété conséquente et un impact significatif.14% des Français disent prêter attention au Nutri-score : le label se classe pour l’instant n°11 sur 20 parmi les logos et labels, un classement dominé par le Label Rouge, les AOC (Appellations d’Origine Contrôlée) et AOP (Appellations d’Origine Protégée). Malgré sa récente création, un consommateur sur sept prête déjà attention au Nutri-score lors de ses achats, nettement devant les certifications commerce équitable Max Havelaar et UTZ, et proche de la pêche durable MSC ou encore des IGP (Indications d’Origine Protégée).
Ce sont les plus jeunes qui y sont le plus sensibles : 20% des moins de 35 ans prêtent attention au Nutri-score, contre 16% des 35-49 ans, 14% des 50-64 ans et 9% seulement des plus de 65 ans.
Nielsen a également scruté les affinités des différents groupes de sa typologie nutrition : le Nutri-score influence plus les consommateurs qui « contrôlent » leur alimentation comme les “bio-locaux”, ainsi que les “esthètes” et les foyers montrant une “conscience animale”.
Une tendance confirmée par l’Oqali. D’après les données de juillet 2018, 69 références présentaient en 2017 le Nutri-Score sur leurs emballages et 4894 sur les sites de e-commerce. «D’ici fin 2019, le nombre de produits présentant le Nutri-Score sur leurs emballages devrait continuer à augmenter pour atteindre 913 références», explique la note d’Opqali.
Selon les données transmises, la quasi-totalité des secteurs suivis par l’Oqali comporte des produits avec Nutri-Score (tous à l’exception des Sirops et boissons concentrées à diluer) et présentent le plus grand nombre de références apposant le Nutri-Score sont les « Produits traiteurs frais » (801 références), les « Plats cuisinés appertisés » (739 références) et les « Produits laitiers frais » (596 références).
Les exploitants/marques engagés sont les plus nombreux sur les secteurs des « Autres produits » (références ne correspondant à aucun secteur Oqali, par exemple des pâtes alimentaires, du café en poudre ou des pruneaux ; 8 exploitants/marques engagés) puis les « Produits traiteurs frais » et les « Plats cuisinés frais » (6 exploitants/marques engagés).
Des résultats à relativiser
La répartition par secteur des références apposant le Nutri-Score a été comparée à celle des produits recueillis par l’Oqali (entre 2009 et 2016 selon les secteurs) et représentatifs du marché (entre 36 et 87% du marché en volumes de ventes, selon les secteurs, d’après les données Kantar Worldpanel).
Pour cette analyse, l’hypothèse formulée est que les produits collectés par l’Oqali sont représentatifs de l’offre. Les « Plats cuisinés appertisés » représentent 3% des références collectées dans le cadre de l’Oqali (en nombre de références) alors qu’ils représentent 12% des références considérées dans le cadre du suivi du Nutri-score (en nombre de références). De même, les « Produits traiteurs frais » représentent 8% des références collectées dans le cadre de l’Oqali et 13% des références considérées dans le cadre du suivi du Nutri-score.
A l’inverse, les secteurs des « Glaces et sorbets » et des « Jus et nectars » représentent respectivement 7% et 6% des références collectées dans le cadre de l’Oqali alors qu’ils ne représentent, chacun, que 1% des références considérées dans le cadre du suivi du Nutri-score. Ainsi, à date, les produits porteurs de Nutri-score se concentrent sur certains secteurs. Ces résultats sont donc à relativiser du fait des différences de définition d’une référence dans le cadre de l’Oqali et dans le cadre du suivi du Nutri-score. En effet, à titre d’exemple, la base de données de l’Oqali ne considère qu’un seul conditionnement par recette dès lors que l’ensemble des informations disponibles sur les emballages, à l’exception du code barre et du poids, sont identiques.
Selon les données transmises au mois de juillet 2018, le taux de pénétration du Nutri-score, en parts de marché en volumes de ventes, est supérieur à 10% pour 7 secteurs, à savoir : les « Compotes » avec 2 exploitants/marques engagés retrouvés dans les données Kantar Worldpanel (20% des parts de marché du secteur) ;
les « Produits transformés à base de pomme de terre » avec 2 exploitants/marques engagés retrouvés dans les données Kantar Worldpanel (17,3% des parts de marché du secteur) ;
L’Oqali a cherché également à positionner la qualité nutritionnelle des produits porteurs de Nuri-score par rapport aux autres produits du marché pour un secteur donné. Ainsi, l’Oqali a comparé graphiquement la distribution des compostions nutritionnelles des produits porteurs de Nutri-score à celle des produits du marché. Cette comparaison a été menée sur deux secteurs : les « Produits traiteurs frais » et les « Plats cuisinés frais », pour lesquels on compte le plus d’exploitants/marques engagés dans la démarche Nutri-Score (respectivement 6 exploitants/marques engagés). De plus, le secteur des « Produits traiteurs frais » comporte, à date, le plus grand nombre de références apposant le Nutri-Score (801 références concernées). Les distributions de teneurs en matières grasses et en sel ont ainsi été comparées pour ces 2 secteurs.
Secteur des Produits traiteurs frais et plats cuisinés frais
Concernant le secteur des « Produits traiteurs frais », la distribution des teneurs en matières grasses des produits porteurs de Nutri-score semble similaire à celle des produits collectés par l’Oqali en 2015 : les exploitants/marques engagés ne semblent pas uniquement proposer des produits parmi les mieux placés du secteur, en termes de teneurs en matières grasses.
A noter que la teneur moyenne en matières grasses des produits porteurs de Nutri-Score est de 10,1 g/100g et celle des produits collectés par l’Oqali s’élève à 11,2 g/100g. Concernant le secteur des « Produits traiteurs frais », la distribution des teneurs en sel des produits porteurs de Nutri-score est légèrement plus dispersée (comparaison des 1ers et 3èmes quartiles 14) que celle des produits collectés par l’Oqali en 2015 mais elles correspondent, toutes deux, à des teneurs en sel similaires (autour de 1,30 g/100g) : les exploitants/marques engagés ne semblent pas uniquement proposer des produits parmi les mieux placés du secteur, en termes de teneurs en sel.
Concernant le secteur des « Plats cuisinés frais », la distribution des teneurs en matières grasses des produits porteurs de Nutri-Score semble être plus concentrée autour de la teneur moyenne en matières grasses que celle des produits collectés par l’Oqali en 2016. A noter que la teneur moyenne en matières grasses des produits porteurs de Nutri-Score est de 6,1 g/100g et que celle des produits collectés par l’Oqali s’élève à 8,0 g/100g.
Concernant le secteur des « Plats cuisinés frais », la distribution des teneurs en sel des produits porteurs de Nutri-Score semble être plus concentrée autour de la teneur moyenne en sel par rapport à celle des produits collectés par l’Oqali en 2016. A noter que la teneur moyenne en sel des produits porteurs de Nutri-Score est de 0,78 g/100g et que celle des produits collectés par l’Oqali s’élève à 1,00 g/100g.