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Si la consommation de vin en France se stabilise, voire ralentit, celle du bio explose. Un Français sur trois en consomme désormais régulièrement ou de temps en temps, selon un sondage Ipsos d’octobre 2013. Et ils sont près de 80 % à en avoir acheté au cours des six derniers mois. La consommation de vin bio a bondi de 57 % entre 2011 et 2012. Et ailleurs en Europe, la tendance est la même, dans une moindre mesure toutefois (+35 % en Autriche, +6 % en Allemagne, +3,3 % en Italie). La France est d’ailleurs, avec l’Allemagne, le premier consommateur de vin bio en Europe.
Les consommateurs dépensent plus pour un vin bio
Cette demande croissante tire la production vers le haut. Résultat, entre 2007 et 2012, les surfaces viticoles bio ont quadruplé, et la production devrait passer de six à 9,5 millions d’hectolitres entre 2012 et 2015 pour dépasser les quinze millions en 2020. Le chiffre d’affaires du secteur est quant à lui passé de 189 millions en 2005 à 413 millions en 2012, grâce notamment à un prix moyen plus élevé que le vin traditionnel. Les consommateurs dépensent en moyenne 8,70 euros pour une bouteille de vin bio pour leur consommation personnelle (contre 6,90 € pour un vin classique). Les consommateurs de vin bio ont qui plus est un revenu globalement supérieur à la moyenne.
La production croît cependant plus rapidement que la consommation (+41 % contre +15 % en 2012). Ce qui commence à inquiéter les producteurs. « La production s’est envolée mais la consommation n’a pas suivi au même rythme. Si ce déséquilibre se maintient, nous n’échapperons pas à une dégradation des prix », expliquait Patrick Guiraud, vigneron dans le Gard (domaine de Valescure), à l’occasion de l’ouverture du salon Millésime Bio à Montpellier.
Car la différence de prix entre le vin conventionnel et le vin bio continue de se réduire alors que les coûts de production du bio demeurent bien plus élevés en agriculture biologique. La viticulture bio requiert en effet deux fois plus de main-d’œuvre et les produits naturels utilisés pour traiter la vigne sont plus coûteux que leurs équivalents chimiques.
Vers une aide à la valorisation du vin bio ?
« Le bio rassure le consommateur mais aujourd’hui, ce n’est plus un argument de vente en soi, explique Galatée Faivre, fondatrice de ID Vin, spécialisé dans le marketing externe des vins. Trop de vignerons se sont convertis. » Selon elle, la prochaine étape est d’apprendre à valoriser le vin bio. « Produire bio est cher, assez risqué et pas assez valorisé. Il existe des aides à la conversion, pourquoi ne pas créer des aides à la valorisation ? »
« Avant, se construire une image de marque était réservé au luxe, poursuit Galatée Faivre. Désormais c’est beaucoup plus accessible via Internet. Mais bien souvent, les vignerons préfèrent dépenser 2 000 euros pour un stand dans un salon plutôt que d’investir sur une communication organisée grâce aux réseaux sociaux alors même que les retombées seraient bien plus importantes. »
Sans apprendre à valoriser leur vin, certains vignerons risquent de se retrouver dans une situation délicate, estime la fondatrice d’ID Vin, d’autant que les techniques bio n’ont pas encore été évaluées sur le long terme. Issue d’une famille produisant du vin de l’agriculture biologique avant même que la Commission européenne ne reconnaisse officiellement l’agriculture biologique en 1991, elle a pu constater ces difficultés par elle-même. « La survie économique des vignerons bio est un sujet encore tabou, mais il faut la poser. Ma famille a été obligée de vendre ses vignes, car il aurait fallu arracher la moitié du vignoble, touché par la flavescence dorée. Il faut également savoir, que le bio provoque une baisse de rendement sur le long terme et que les brusqueries du climat rendent l’agriculture biologique plus compliquée », souligne-t-elle.
Vin bio : une réglementation européenne incohérente
Son avis est d’ailleurs partagé par Jean-Michel Salmon, directeur de recherche à l’INRA. « Actuellement, les années où la vendange est fortement altérée, je ne sais pas comment les vignerons peuvent récupérer leur vendange sans utiliser de techniques non bio, estime-t-il. C’est parfois impossible et certains vins bio ne doivent pas être si bio. »
Le problème viendrait en réalité de la réglementation européenne, « pas assez flexible et incohérente sur certains points ». Les limitations de sulfites sont par exemple fixes alors qu’elles devraient être variables, selon le chercheur. Autre exemple : le traitement par la chaleur, qui n’est pas autorisé « alors qu’il ne remet aucunement en question le caractère biologique du vin ».
Vers une vinification raisonnée plutôt que bio
Les chercheurs de l’INRA étudient d’ailleurs « une troisième voix » : l’œnologie raisonnée. A savoir, comment produire du vin en diminuant la quantité d’intrants utilisés et en adaptant cette quantité aux besoins de la vendange, en jouant notamment sur la température et l’oxygénation du vin. « Plutôt que de prôner le tout-bio, qui n’est pas viable les années de mauvais vendange, il faut apprendre à traiter la vigne de façon raisonnée, en analysant les différentes étapes de la vinification pour ajuster les corrections à apporter », précise Jean-Michel Salmon.