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Le vin est synonyme de convivialité. Néanmoins, on observe que sa transmission aux jeunes générations n’est pas aisée et que les représentations du vin divergent selon l’âge. De plus, des études ont démontré que les français buvaient de moins en moins d’alcool.
Alors, comment réconcilier les jeunes générations avec le vin ? Quelles sont les dernières innovations en matière de vin ? Quelles autres utilisations peut-on en faire ?
Au-delà de l’image traditionnelle du vin, agro-media.fr décrypte pour vous les nouvelles tendances de cette boisson emblématique des français.
Des innovations pour répondre aux attentes des consommateurs.
La grande inquiétude des producteurs de vin est la conquête des jeunes consommateurs. En effet, une étude parue dans l’International Journal of Entrepreneurship and Small Business s’est intéressée à la transmission du patrimoine vinicole français, en analysant les différences de consommation et de représentation du vin entre les différentes générations. Elle a été menée par des chercheurs français du groupe Ecole Supérieure de Commerce de Pau (ESC Pau) et de l’Université de Toulouse 1 (UT1) Capitole. Les personnes interrogées dans le cadre de l’étude ont été réparties en quatre groupes générationnels distincts et les résultats obtenus illustrent les divergences de représentation du vin selon l’âge :
- Les plus de 65 ans : la génération du patrimoine. Ils consomment quotidiennement du vin et le considèrent comme un héritage culturel et social important. Ils boivent également du vin avec leur famille et leurs amis. Pour eux le vin a une symbolique culturelle, religieuse et historique.
- Les 40-65 ans : les baby-boomers ; et les 30-40 ans : la génération X. Ils consomment occasionnellement du vin, et plus entre amis que lors des repas de famille. La consommation de vin a un rôle important dans leur statut social. Pour ces groupes le vin a une importance culturelle et gastronomique, mais pas vraiment historique.
- Les moins de 30 ans : la génération Internet. Leur consommation de vin est moins fréquente que pour les autres groupes. Ils ne l’associent pas non plus à un plaisir ou à un héritage social. Ils en sont fiers sans pour autant lui associer d’importance symbolique.
Afin de mieux répondre aux attentes des consommateurs et notamment des jeunes, nombre de filières régionales organisent des travaux de recherche sur cette problématique. On peut citer par exemple le projet Vinneo, qui a été mené sous l’impulsion de Vinovalie, qui regroupe les caves coopératives de Técou (81), Rabastens (81), Fronton (31) et Côtes d’Olt (Cahors, 46). C’est en confrontant les profils aromatiques et sensoriels de ses vins et les attentes des consommateurs que l’union de coopératives s’est aperçue qu’il y avait un décalage entre l’offre et la demande. De la grappe de raisins au verre de vin, les différents acteurs réunis dans le cadre de Vinneo ont mis au service de la vigne leurs compétences afin de créer des outils innovants. Ces derniers ont donné naissance à des Néovins, plus proches des attentes des consommateurs que leurs cousins produits de façon traditionnelle.
Le recours aux nouvelles technologies semble également indispensable pour les fabricants de vins, afin de séduire une clientèle plus jeune. On voit ainsi l’apparition de sommeliers interactifs dans les rayons de nos magasins, ou encore de flash-codes sur les bouteilles de vin, renfermant de précieuses informations sur leur mode de production ou encore les accords mets-vins. Le concept « All you need is wine » illustre bien cette nouvelle tendance qui consiste à rajeunir l’image du vin.
Il s’agit d’un site web adressé aux jeunes consommateurs ne connaissant pas ou que peu le vin. On y trouve des accords mets-vins surprenants, parfaitement adaptés aux plats habituellement consommés par les jeunes (comme des associations entre des rosés et des sushis, salades, carpaccios, couscous…). Mais l’on peut aussi choisir son vin en fonction d’un évènement, d’un type de soirée (soirée foot, entre filles, dîner romantique…). All you need is wine a en outre une stratégie axée sur les réseaux sociaux, et propose ainsi d’offrir les frais de ports aux consommateurs qui partageront lors de leur processus d’achat au moins une fiche produit sur leur compte Facebook ou Twitter. Enfin, le site ne manque pas d’humour ! Son slogan, déjà, « Vous allez déguster ! », ne laisse pas indifférent, de même que ses bouteilles de Château Levrette et autres Opérations Tonneaux ! Enfin, le site mise sur une véritable politique de fidélisation, en proposant aux internautes de s’abonner pour 12€ par mois et de recevoir ainsi à domicile une bouteille chaque mois, tout en se voyant proposer des invitations à des dégustations et d’autres évènements autour du monde du vin. On est loin de l’image poussiéreuse du vin !
Le goût reste, pour le vin comme pour l’ensemble des produits alimentaires, le principal critère d’achat des consommateurs. De fait, si certains acteurs tentent de faire évoluer le goût du vin, à l’instar du projet Vinneo, d’autres jouent sur d’autres aspects pour le faire évoluer. Par exemple, Maison Baccarat a créé des verres qui subliment le vin, en valorisant ses arômes et son goût. Bruno Quenioux, sommelier et œnologue, présentent ces verres particuliers dans cette vidéo :
Enfin, les femmes sont également de petites consommatrices de vin. Il faut dire que le monde du vin est très masculin, et que la consommation autour de ces boissons s’adresse principalement aux consommateurs et peu aux consommatrices. Conscients de cet état de fait, des fabricants ont tenté de s’adresser à cette clientèle délaissée par le monde du vin en créant des vins qui lui sont dédiés. La gamme Be. de Be. Winery propose quatre vins aux femmes, baptisés selon leurs différentes humeurs : Flirty, Bright, Radiant et Fresh. Aucun n’est un vin rouge, étant donné que les femmes sont plus friandes de vins blancs, plus sucrés et faciles à boire. A chaque personnalité de femme son vin ! Les packagins et publicités, coloris et girly, devraient à coup sûr séduire. Bref, une initiative originale, qui devrait réconcilier les femmes avec le vin.
Des vins surprenants.
Malgré tout, les vins de la gamme Be., bien qu’ils soient adressés aux femmes, restent des vins traditionnels. Certains fabricants ont pris le risque d’innover en créant des vins très surprenants, loin de ce que l’on a l’habitude de voir ou de boire.
C’est le cas du « vin de l’espace ». Fabriqué au Chili, le « paradis des astronomes », par le britannique Ian Hutcheon, ce vin régale les visiteurs du centre astronomique de Tagua Tagua. Ian Hutcheon voulait donner naissance à un vin unique, permettant d’expérimenter directement « les particules du système solaire ». « Je ne voulais pas changer la saveur du vin, je voulais seulement trouver une façon plus physique que symbolique d’unir l’astronomie et l’œnologie », explique-t-il. Il a alors eu l’idée d’introduire un météorite dans une barrique de cabernet sauvignon et de laisser le tout vieillir et interagir pendant un an. « Nous nous sommes rendu compte qu’en plus de changer un peu la couleur, ça avait aussi un peu modifié le vin, ses saveurs. Ce fut une agréable surprise ». Les 15 000 bouteilles issues de cette cuvée de l’espace, baptisée « Meteorito », ont été vendues dans le monde entier.
Si Ian Hutcheon a voulu unir le vin et l’espace, un autre vinificateur a pour sa part préféré se tourner vers la mer. Bruno Lemoine, directeur général et vinificateur du château Larrivet Haut-Brion, a ainsi tenté en 2009 une expérience inédite : le vieillissement de son vin en mer. Séparant son millésime en deux barriques, la première baptisée Tellus et vieillissant à terre et la seconde baptisée Neptune et vieillissant en mer, Bruno Lemoine a comparé les deux vins après six mois de vieillissement. Si Tellus s’est révélé quelque peu décevant, Neptune a réservé de bonnes surprises ! Les échanges « par osmose » entre le vin et la mer environnante ont en effet permis à ce vin de la mer de perdre de l’alcool et de voir sa teneur en sodium augmenter. Il possède de fait des saveurs légèrement salines, qui « affinent les tanins ». Au regard des résultats, de nombreux autres « Neptune » devraient prochainement voir le jour. Bruno Lemoine entend bien suivre pendant dix ans cette cuvée sous-marine exceptionnelle.
Autre vin insolite : le « Vin d’Amour ». Il a été créé par le docteur Ruth Westheimer, sexologue de 84 ans. Cette dernière, auteur du livre « Le Sexe pour les Nuls », a constaté que « si la femme boit trop, elle s’endort », et que si c’est l’homme qui boit trop, il risque de rencontrer quelques petits « problèmes ». De fait, elle a eu l’idée d’une cuvée qui plairait à Cupidon, spécialement conçue pour résoudre ces problématiques charnelles. Le Vin d’Amour ne contient en effet que 6% d’alcool, un taux bien inférieur à ses homologues traditionnels.
Pour être sûr de faire le bon choix et de ne manquer aucun de ces vins insolites, on peut s’abonner à la « Tasting box ». Il s’agit d’un abonnement de moins de 10€, qui permet de recevoir à domicile trois échantillons de vins surprenants, sortant des sentiers battus, chaque mois (6 cl chaque). Franck Bernard, le créateur de RendezVousDesVins.com, explique : « Adapter l’idée au vin répond à un réel besoin de l’amateur de de vin : déguster pour découvrir et surtout savoir si le vin nous plaît ». Les vins envoyés ne sont pas connus à l’avance par les abonnés, ce qui leur permet de goûter sans à priori et de se faire leur propre idée. Et si un vin leur plaît ? « S’ils aiment, ils peuvent commander sur le site à un prix spécial abonnés. Tout simplement ! »
D’autres utilisations insolites du vin.
Si l’utilisation première du vin est d’être bu, certains inventeurs n’hésitent pas à le détourner de cet objectif. En effet, il peut avoir bien d’autres applications !
Ainsi, des chercheurs de l’Université d’Australie ont réalisé un exploit : créer une robe à base de vin ! Oui oui, vous avez bien entendu une robe ! Mais comment est-ce possible ? Grâce aux bactéries acétobacter contenues dans le vin, qui ont notamment la propriété de le changer en vinaigre. Mais ces bactéries ont d’autres propriétés : elles peuvent en effet donner naissance à des petites fibres qui s’apparentent au cellulose de coton, autrement dit créer une sorte de tissu totalement bio ! En utilisant une méthode proche de la fermentation du vin, les chercheurs ont donc imaginé cette robe, dont la couleur évolue selon les vins utilisés. Le résultat est assez surprenant !
Enfin, le vin est aussi un plaisir des yeux. Alors, pourquoi ne pas l’utiliser pour peindre ? C’est cette étrange idée qu’a eu un jour Elisabeth Seguin, une retraitée de 75 ans, alors qu’elle « buvait du bon vin ». Pour obtenir de la peinture, elle explique : « Je mets le dépôt laissé par le vin au fond de la bouteille dans un petit godet et je le laisse sécher au soleil ». Elle attend ensuite qu’une pellicule se forme, d’une couleur variable selon le vin utilisé : « les Côtes de Nuits font beaucoup plus marron que les Côtes de Beaune qui sont plus grenat alors que les vins du Gard sont tout de suite plus foncés, je m’en sers pour faire des ombres ». Une fois la pellicule de vin formée grâce au soleil, la peintre explique : « au moment de peindre, je trempe mon pinceau dans du vin et je tamponne » la pellicule. Elle n’utilise « jamais d’eau », arguant que « le bon vin, ça ne se baptise pas ! » Alors, vous laisserez-vous tenter par l’une de ses toiles ?
En robe, en peinture, issu de météorite ou vieilli en mer, le vin n’est jamais tout à fait le même. Chaque millésime est unique et renferme ses propres secrets, fruits des conditions climatiques, du terroir mais aussi du talent du vigneron. Comme nous avons pu le voir dans cette analyse, l’enjeu majeur du vin aujourd’hui est de conquérir les jeunes générations qui, bien qu’elles soient fières de ce symbole de la France, n’en consomment que peu, privilégiant les sodas ou les alcools forts, selon les circonstances. Cependant, le monde du vin a bien compris qu’il fallait agir pour préserver ce produit issu de notre patrimoine. Alors, si ce ne sont pas eux qui viennent au vin, c’est aujourd’hui le vin qui vient à eux ! V.D.