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Les coopératives, poids lourds discrets du secteur agroalimentaire

Les coopératives représentent 40 % de l'activité du secteur agroalimentaire avec un chiffre d'affaires de 84.3 milliards en 2013.

Candia, Soignon, Florette, Jacquet, Yoplait ou encore Daddy… des marques bien connues des consommateurs. Mais combien d’entre eux savent que derrière ces marques se cachent des coopératives agroalimentaires. Car si les coopératives bénéficient d’une image favorable auprès de 78 % des consommateurs selon une enquête Ipsos de janvier dernier, seuls 29 % d’entre eux déclarent avoir une idée précise de ce que sont les coopératives agricoles. Et en découvrant que de grandes marques y sont associées, ils se montrent parfois déçus, l’image des marques nationales entrant en contradiction avec leur représentation de la coopération en tant qu’alternative économique aux logiques financières des entreprises.

En réalité, les coopératives comptent pour une part considérable du secteur. Les quelque 3 000 coopératives agroalimentaires représentent 40 % de l’activité du secteur. Elles emploient plus de 160 000 salariés et ont enregistré un chiffre d’affaires de 84,3 milliards d’euros en 2013. « Un secteur méconnu n’est pas reconnu et les coopératives souffrent beaucoup de cette défaillance », regrette Philippe Mangin. Le président de Coop de France, le syndicat des coopératives agricoles, déplore en effet le manque de poids des coopératives sur les décisions politiques, en particulier, à l’échelle nationale comme européenne.

Découvrez l’interview exclusive de Philippe Mangin, président de Coop de France

Un logo pour les produits issus de la coopération

D’autant que cette situation n’est pas propre au système coopératif. Certains pays, tels que les Pays-Bas, mais aussi, dans une moindre mesure, l’Italie, peuvent se targuer d’avoir un important pouvoir de lobbying à Bruxelles, ce qui leur permet notamment d’appréhender en amont les évolutions législatives impactant la coopération agricole et agroalimentaire.

Mais les coopératives françaises ne s’avouent pas vaincues pour autant. Elles ont lancé cette année une vaste campagne pour faire connaître et reconnaître leur modèle économique. « Nous cultivons l’espoir qu’un jour, le consommateur aura envie de faire le choix de la coopérative en tant que citoyen soutenant un modèle où les revenus sont reversés directement aux producteurs », explique Philippe Mangin. La coopération agricole réfléchit à la mise en place d’un logo ou autre signe distinctif afin de valoriser les produits issus de la coopération dans la grande distribution.

Les coopératives agroalimentaires lancent un Institut de la formation coopérative

Par ailleurs, pour redonner aux coopératives leurs lettres de noblesses, l’Acooa mise également sur la formation et a lancé un Institut de la formation coopérative, afin d’épauler les dirigeants élus chaque année, car “de nombreuses coopératives déposent le bilan à cause d’une défaillance humaine”.

Afin de renforcer leur position sur les marchés, les coopératives adoptent différentes stratégies, de la diversification des métiers et de l’offre, à l’internationalisation en passant par l’intégration vers l’aval ou l’amont ou encore par la concentration de l’offre. Cette dernière est inévitable pour faire émerger des leaders par filière et par région, selon le président de Coop de France.

L’inévitable concentration de la coopération agroalimentaire

La concentration permet en effet aux coopératives de dégager des avantages concurrentiels en termes d’économies d’échelle, tout en accroissant la marge de manœuvre en termes de recherche et développement et de croissance. La concentration du milieu coopérative a été constante depuis deux décennies environ et s’est accélérée ces dernières années. Résultat, en l’espace de vingt ans, le nombre de petites coopératives- de moins de 20 salariés- a été divisé par deux.

Ces rapprochements sont tout d’abord nécessaires sur le territoire national, pour avoir une assise suffisante face aux acteurs de la grande distribution lors des négociations commerciales. La guerre des prix a en effet des conséquences délétères pour les producteurs et les industriels, comme le rappelait récemment l’Ania, la FNSEA et Coop de France dans une lettre ouverte, adressée au Premier ministre.

Coopératives agroalimentaires : les fusions se multiplient

Mais la concentration du tissu coopératif est également indispensable pour que les coopératives se montrent compétitives à l’international. Cette compétitivité s’est, il est vrai, améliorée ces dernières années. Les dix premières coopératives ont vu leur chiffre d’affaires croître de près de 80 % depuis 2007, alors que leurs homologues européennes n’ont connu qu’une croissance de 30 % environ. Elles enregistrent désormais plus de 30 % de leur chiffre d’affaires à l’export, contre 18 % en 2007, ce qui reste tout de même inférieur aux top 10 des coopératives européennes qui réalise 55 % de ses activités à l’international. Et la fin des quotas laitiers en 2015 et du sucre à l’horizon 2017 va obliger les acteurs de ses filières à se montrer bien plus compétitifs encore.

Les opérations de fusion se multiplient donc dans l’agroalimentaire français. Dernière en date : la fusion de Coralis et Copafelc avec Agrial, qui devient ainsi la deuxième coopérative laitières de l’Hexagone. On peut également citer le rapprochement entre Sodiaal et A3 en début d’année. Mais aussi Maïsadour, qui rejoint Agribio Union ou encore la création, en 2013 de « Terre de Vignerons », qui rassemble 22 caves coopératives de l’entre-deux-mers.

La filière viande à la peine

Suite à ces importants mouvements au sein de coopératives agroalimentaires, des leaders se dessinent dans le paysage français : Sodiaal, Agrial/Eurial et Laita sur la filière laitière, Tereos pour les grandes cultures, Limagrain sur les semences ou encore Vivescia sur la filière céréales. D’ailleurs, le tissu coopératif en France est constitué est très grande majorité de coopératives agricoles et agroalimentaires.

Seul le secteur de la viande semble rester à la peine, en particulier la filière bovine. Alors qu’à l’échelle européenne, on trouve d’importants acteurs tels que Vion ou Danish Crown, bien qu’ils rencontrent actuellement des difficultés.

Les petites coopératives peuvent aussi tirer leur épingle du jeu

De manière générale, la France n’arrive pas encore à rivaliser face aux géants de la coopération, tels Friesland Campina ou Fonterra. « La diversité des cultures et des productions est à la fois la force et la faiblesse de la France, explique Philippe Mangin. Dans les salons on voit très clairement que la France est beaucoup plus dispersée que les pavillons italiens, brésiliens ou hollandais. » Dans le nord de l’Europe, les cultures sont en effet plus uniformes, ce qui facilite la formation de très grands groupes.

Par ailleurs, la nécessaire concentration de la coopération agroalimentaire n’est pas synonyme de disparition des petites coopératives positionnées sur des secteurs de niches ou proposant des produits locaux. Unicoque, leader sur le marché des noisettes, a par exemple su tirer son épingle du jeu en conservant sa taille humaine.

L’enjeu pour la coopération agricole est de trouver le juste équilibre entre ancrage territorial et opportunités à l’international. A l’heure actuelle, les coopératives contribuent pour environ 7 % des exportations agroalimentaires françaises, en priorité vers les pays de l’Union européenne.

La coopération agricole tend la main aux pouvoirs publics

« Mais actuellement, le moral n’est pas très bon dans le secteur », concède Philippe Mangin. Les coopératives, qui devaient être éligibles au CICE ne pourront finalement pas y accéder, et la mise en application du Pacte de responsabilité tarde à venir, alors même que la coopération agricole s’est dit prête à engager 50 000 personnes d’ici trois ans.

La morosité se fait ressentir au sein des coopératives agroalimentaires, bien que la crise ait aidé à remettre le modèle coopératif sur le devant de la scène comme une alternative aux dérives de la finance. Historiquement, la coopération française s’était développée à la faveur des difficultés économiques du pays, grâce à l’impulsion d’organisations professionnelles, en particulier du syndicalisme agricole au 19e siècle et d’intervention publique avec la création de l’Office du blé en 1930 notamment. L’Acooa vient de faire le premier pas pour redynamiser la coopération agricole deux siècles plus tard et attend désormais que les pouvoirs publiques lui rendent la pareille.

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