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Les pesticides seraient deux à milles fois plus toxiques qu’annoncés. C’est ce qu’affirmait récemment le professeur Gilles-Eric Séralini dans une nouvelle étude. Et on retrouve immanquablement dans l’assiette du consommateur des résidus de ces pesticides, utilisés pour traiter les cultures agricoles ou stocker les aliments. Si le dépassement des seuils autorisés est rare, la question de l’impact des pesticides sur la santé reste tout de même en suspens.
34 résidus de pesticides différents dans le saumon
Quelle quantité de pesticides trouve-t-on dans un repas ? C’est la question à laquelle l’association Générations Futures a voulu répondre en analysant le contenu d’un repas type d’un enfant d’une dizaine d’années. Résultat : 128 résidus chimiques différents, provenant de 36 pesticides différents et 47 substances suspectées cancérigènes. Jusqu’à dix résidus ont été retrouvés dans l’échantillon de steak haché, 34 dans le saumon, et des pesticides interdits en France et même dans toute l’Europe ont été décelés dans les haricots verts testés. La grande majorité de ces pesticides sont potentiellement cancérigènes selon les laboratoires d’analyse.
Globalement, on peut trouver des pesticides dans tous les aliments : fruits et légumes, mais aussi biscuits, viandes, poissons, plats préparés, eau, vin, jus de fruits, etc. Le risque de trouver des résidus n’est cependant pas le même pour tous les aliments. Par exemple, les fruits et légumes enveloppés d’une peau seront davantage protégés des pesticides que les pommes, les fraises, les raisins, les tomates ou encore les poivrons. A noter cependant que les agrumes, malgré leur peau, présentent bien souvent des résidus de pesticides, car elles sont habituellement placées dans des bains fongicides pour être conservées plus longtemps. Dans les aliments gras, tels que la charcuterie ou les poissons gras, on pourra généralement trouver des traces de pesticides pendant plus longtemps.
300 fois plus de pesticides dans le vin que dans l’eau potable
Si l’eau potable contient elle aussi des pesticides, son exposition est moindre comparée aux autres denrées alimentaires, notamment car les normes sont bien plus strictes. Selon l’Anses, la contribution de l’eau à la dose journalière admissible (DJA) de pesticides est inférieure à 1 %, sauf pour deux substances : l’atrazine et le carbofutran (aujourd’hui interdites), pour lesquelles la contribution à la DJA est inférieure à 5 %.
#eaupotable carte de la #Pollution en #Pesticides en Ile de France pic.twitter.com/iuEHlOYgJd
— UFC-Que Choisir (@UFCquechoisir) 26 Février 2014
Il y aurait en fait 300 fois plus de pesticides dans le vin que dans l’eau potable, selon une étude de l’UFC-Que Choisir, qui a passé en revue 92 échantillons de vin et trouvé des pesticides sur l’ensemble d’entre eux, sans toutefois qu’il n’y ait de dépassement de la limite maximale de résidus (LMR) autorisée.
La limite légale de pesticides est rarement dépassée
La limite maximale de résidus (LMR) est rarement dépassée. « Elle l’est de moins en moins », note Nadine Lauverjat, chargée de mission à Générations Futures, précisant toutefois que ce seuil a été révisé à la hausse en 2008 pour une harmonisation à l’échelle européenne. Parmi les 546 échantillons analysés en 2012 dans le cadre de l’enquête annuelle de la Direction Générale de l’Alimentation (DGAL), 55 présentaient des résultats supérieurs à la limite maximale de résidus autorisée ou étaient des substances actives sans autorisation de mise sur le marché sur la culture, soit 11,8 % de produits non-conformes. 85 % des échantillons analysés contenaient par contre des résidus de pesticides.
Mais « cette limite ne tient pas compte des multi-résidus », explique Nadine Lauverjat. La LMR est fixée pour un pesticide donné, dans un aliment, et non pour l’ensemble des pesticides contenus dans un aliment donné. En 2013, selon l’enquête annuelle de l’Autorité européenne de sécurité de aliments (EFSA), 26,6 % des fruits et légumes contenaient plusieurs résidus.
Des perturbateurs endocriniens dans les aliments
Autre inquiétude soulevée par les scientifiques : certains des pesticides retrouvés dans les aliments sont des perturbateurs endocriniens. Leur effet néfaste sur la santé avait notamment été démontré en France lors de la polémique autour du bisphénol A. Plus encore que les résidus de pesticides « classiques », ceux de pesticides perturbateurs endocriniens pourraient s’avérer dangereux, en particulier pour les enfants et les femmes enceintes.
L’utilisation de pesticides pouvant avoir des effets sur le système hormonal sont aujourd’hui interdits en Europe. Pourtant, la confusion demeure. Car il n’existe pas de définition légale claire d’un perturbateur endocrinien et la législation laisse actuellement la place à toutes sortes d’interprétations. Une définition claire, à l’échelle européenne, devait être mise en place l’an passé. Finalement repoussé, le texte de loi devrait bientôt voir le jour.
Perturbateurs endocriniens : 75 % des produits à base de blé en contiennent
Associations, ONG et scientifiques ont cependant établi une liste des différentes substances susceptibles de perturber le système hormonal. Il est donc possible d’analyser la présence de perturbateurs endocriniens dans les aliments. Ce qu’a fait Générations Futures. En 2013, l’association a réalisé une étude sur plusieurs produits à base de blé. Résultat, 75 % des échantillons analysés contiennent des pesticides -sans dépasser la LMR- et sur ces 75 %, tous contiennent une ou plusieurs substances suspectées d’être perturbatrices du système endocrinien.
Dans le détails, les produits contenant des résidus de pesticides sont les biscuits BN blé complet fourrés à la fraise, les biscuits Petit déjeuner Belvita, les céréales complètes Chocapic, les céréales complètes Spécial K 3, le pain complet de marque Carrefour, le pain de mie Harris, les spaghetti Panzani, les croissants Pasquier et les brioches aux pépites de chocolat de la marque Doowap. Trois des produits analysés ne contenaient pas de résidus de pesticides : les farfalles Barilla, les barres de céréales Grany et les barres de céréales Spécial K. Autre exemple : 65 % des fraises françaises contiendraient des perturbateurs endocriniens et 70 % des fraises espagnoles.
Pesticides dans les aliments : est-ce vraiment dangereux pour la santé ?
Mais la problématique la plus importante reste en suspens : les résidus de pesticides, à petites doses, sont-ils dangereux pour la santé ? Sur cette question, les associations sont unanimes et l’INSERM a publié en juin dernier un rapport soulignant les dangers potentiels de l’exposition aux pesticides (pas seulement dans l’alimentation). Les risques apparaissent nombreux : allergies, problèmes respiratoires, risques de cancer accrus, troubles neurologiques… L’Efsa affirme cependant dans une récente étude n’avoir identifié que deux pathologies associées à l’exposition aux pesticides : les leucémies infantiles et la maladie de Parkinson. Pour les 24 autres pathologies étudiées, aucune conclusion n’est possible selon les auteurs.
Le consommateur est quant à lui de plus en plus préoccupé par la qualité de son alimentation. Ainsi, 68% des Français estiment que l’État n’en fait pas assez en matière de réglementation écologique pour garantir une agriculture et une alimentation de qualité, selon un sondage Ifop de février dernier.
Pesticides : industriels et distributeurs commencent à s’engager
Les industriels et les distributeurs commencent progressivement à s’engager pour une réduction de la présence de pesticides et de perturbateurs endocriniens dans leurs produits. « Certains supermarchés ont fixé des LMR inférieures au seuil légal et refusent de commercialiser des produits qui présentent trop de résidus différents, affirme Nadine Lauverjat. Ces initiatives individuelles restent toutefois à la marge et ne vont pas assez loin. La raison principale à cela est le manque de moyens alloués à la mise en place d’alternatives. » De manière générale, les formations des agriculteurs prévoient très peu d’enseignements sur la pratique de leur métier sans l’usage des pesticides. « On n’apprend pas aux agriculteurs à faire du bio et la PAC favorise l’agriculture intensive, qui incite à utiliser des pesticides », explique la chargée de mission.
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Pour les contrôles sanitaires, les moyens font là encore défaut. La Cour de comptes pointait récemment du doigt ce problème. Elle soulignait notamment dans son rapport que les contrôles étaient trop peu nombreux et que les non-conformités n’étaient que rarement sanctionnées, n’incitant donc pas les professionnels à s’engager dans une réduction de l’utilisation de pesticides.
Enfin, bien que les alternatives aux pesticides existent, les moyens déployés pour les développer sont trop faibles pour une réelle pénétration du marché. « Nous voulons favoriser l’utilisation produits de bio-contrôle, en essayant d’alléger la procédure d’autorisation de mise sur le marché, explique Nadine Lauverjat. Car toute cette procédure coûte cher. C’est également le cas pour les pesticides quand on y réfléchit : la mise au point du pesticide peut prendre des années de recherche et développement, l’homologation coûte ensuite très cher. Les fabricants de pesticides veulent naturellement rentabiliser leur investissement. »
La solution contre les pesticides : manger bio
Pour éviter de consommer des aliments contenant des résidus pesticides, la solution serait de manger bio, ce que de plus en plus de Français font. Impossible de garantir l’absence totale de pesticides, mais pour certains fruits et légumes, le taux de pesticides peut être divisé par dix en agriculture biologique. Les fruits tels que les pommes, les poires ou les pêches, qui se trouvent facilement dans le commerce en bio, font aussi partie des aliments les plus touchés par la présence des résidus.
La France s’est par ailleurs engagée à réduire de 50 % l’utilisation de pesticides dans les cultures d’ici 2018, dans le cadre du plan Ecophyto. Le plan, lancé en 2008, n’a pour l’instant pas été très concluant puisqu’aucune baisse n’a été constatée. En décembre dernier, Stéphane Le Foll annonçait pourtant une diminution record de l’utilisation de produits phytosanitaires : -5,7 % en 2012.
Cette information a cependant très vite été contestée : les chiffres auraient été calculés sur la base de données obsolètes. Si on ne peut pas parler de diminution, on peut néanmoins affirmer qu’il y a une stagnation de la quantité de pesticides utilisés ces dernières années. Mais la France reste le troisième consommateur au monde de ces produits, après les États-Unis et le Japon, et le premier en Europe.