Sommaire
« C’est la même méthode depuis 25 ans », expliquait récemment Tommy Rysholt Andersen, Pdg de Foamico, société de solutions de nettoyage, sur Food Navigator. On commence par rincer, « en utilisant environ 30 litres d’eau par minute ». On applique ensuite un mélange d’eau et de produits chimiques, puis, après avoir laissé le temps aux produits d’agir, on rince de nouveau. Souvent ensuite, vient la phase de désinfection. Parfois, on rince, une troisième fois.
Cette méthode traditionnelle de nettoyage et désinfection est encore utilisée par 85 % à 90 % des entreprises dans l’agroalimentaire. Elle nécessite néanmoins des quantités de produits chimiques et d’eau importantes. Les industries de l’agroalimentaire s’intéressent donc de plus en plus aux alternatives possibles. Et ces dernières se développent.
Un projet européen, Susclean, vient d’ailleurs de s’achever. Son but : contribuer à l’élaboration et la mise en œuvre de nouvelles générations d’équipements et de technologies respectueuses de l’environnement pour le nettoyage et la désinfection de légumes, dits de quatrième génération, c’est-à-dire conditionnés en frais, après tranchage, nettoyage et désinfection, avant calibrage. Ce projet a permis de réduire l’utilisation d’eau et d’agents chimiques (chlore) de 20 à 50%.
Mais ceci n’est qu’un exemple parmi d’autres. Il existe en effet de nombreuses techniques de nettoyage alternatives et innovantes. En voici quelques exemples :
La cryogénie
Le principe du nettoyage cryogénique est simple : des particules de glace ou neige carbonique sont projetées par un flux d’air comprimé. L’association du froid intense et du choc mécanique provoque le détachement du déchet et/ou de la couche de son support. La glace carbonique se sublime tout de suite après avoir assuré le nettoyage. Reste un déchet pur et facile à traiter. La cryogénie constitue ainsi une action de nettoyage efficace, sans produit chimique. Elle présente également l’intérêt de permettre un nettoyage en une seule étape, contrairement au nettoyage classique qui en requiert plusieurs, et nécessite surtout plusieurs rinçages, et donc une utilisation d’eau conséquente. Dans les faits, « cette technique est souvent utilisée comme action coup de poing ou de façon ponctuelle, une ou deux fois par an », explique Erwan Billet, directeur d’Hydiac, organisme de conseil en nettoyage industriel. Ce procédé a en effet un coût élevé. En cause, la fabrication ou l’achat de neige carbonique. Par ailleurs, la cryogénie peut s’avérer intéressante dans des industries agroalimentaires comme celles des protéines grasses, du fromage, du chocolat, mais pas pour les légumes par exemple.
La vapeur sèche saturée
Le principe du nettoyage à la vapeur sèche repose sur la projection de vapeur d’eau sous forte pression. Celle-ci est chauffée bien au-dessus de la température d’ébullition. Son énergie thermique est ainsi augmenté, ce qui évite qu’elle ne se condense immédiatement au contact d’une surface froide. Cette vapeur sèche surchauffée possède des propriétés dissolvantes et dégraissantes. En effet, la vapeur à une température supérieure à 110°C devient un agent tension-actif puissant qui provoque la rupture des liaisons physico-chimiques qui retiennent les saletés et graisses collées sur les surfaces à nettoyer. De plus, la vapeur d’eau peut se faufiler et atteindre les moindres recoins. Enfin la quantité d’eau nécessaire est nettement moindre que lors d’un nettoyage manuel à l’eau froide ou tiède. Les surfaces traitées sont ainsi plus rapidement asséchées et ne présentent pas de trace ou dépôt de résidu. Toutefois, les environnements fortement encrassés, ou particulièrement infectés, peuvent nécessiter l’ajout d’un produit désinfectant ou d’un détachant adapté. Selon Aeva, fabricant en électrothermie industrielle, cette technique permettrait de réduire les quantités d’eau utilisées jusqu’à 90 % , d’économiser des produits détergents, et d’enregistrer un gain de temps d’environ 40 %, dû à la réalisation du nettoyage et de la désinfection en même temps. Cette méthode de nettoyage peut être particulièrement intéressante pour les secteurs, où il est impossible d’utiliser de l’eau, notamment dans la fabrication de produits secs, de pâtes, etc. Son intérêt est moindre pour les produits à protéines coagulées, les produits carnés, le chocolat… « C’est une technique qui peut être utilisée de façon régulière ou quotidienne, précise Erwan Billet. Il est également possible de l’intégrer à une solution automatisée, ce qui permet un nettoyage en production, à condition que les lignes aient été prévues à cet effet. » L’un des seuls freins à l’adoption de cette méthode reste l’investissement initial qu’elle requiert. Il faut compter entre 15 000 et 20 000 euros pour le matériel.
Les ultrasons
Le procédé de nettoyage par ultrasons repose sur un phénomène de cavitation. Les pièces à traiter son immergées dans une solution de nettoyage. Le liquide de nettoyage est soumis à des pressions générées par des ondes sonores, ce qui entraîne la création et l’implosion des bulles microscopiques. Les phases de compression et de décompression se succèdent et provoquent des vibrations au niveau de la pièce à traiter. Ce sont ces vibrations qui décollent les saletés. Pour un nettoyage rapide et puissant, il convient d’utiliser une fréquence basse. Par contre, si on souhaite un nettoyage doux, une fréquence haute est plus appropriée. La température du bain et la durée du traitement (entre 5 et 15 minutes) doivent être ajustées en fonction du résultat escompté et du type de matériau à laver. En fin de cycle, les pièces sont rincées avec de l’eau courante et/ou de l’eau déminéralisée, avant d’être séchées. L’un des avantages est qu’il est inutile de démonter la pièce avant de l’immerger dans le bain à ultrasons. Ce nettoyage peut se faire avec tous les matériaux. Le coût et la mise en place sont assez complexes mais ce procédé peut être intéressant dans les industries laitières et la filière viande.
Certaines techniques alternatives touchent davantage à la désinfection, plutôt qu’à la phase de détergence.
L’ozone
« L’ozone est un produit à la mode en ce moment. Nous en sommes encore aux balbutiements en termes d’utilisation », explique Florence Postollec, chef de projet à l’Adria. L’eau ozonée peut être utilisée pour tuer le bactéries présentes sur les surfaces nettoyées. Également pour traiter l’eau de lavage en circuit fermé de contenant ou de produits alimentaires tels que les fruits et légumes. Elle peut également convenir pour maintenir propre les eaux de refroidissement des produits emballés après cuisson afin de les recycler. L’eau ozonée présente par ailleurs des avantages par rapport au chlore, utilisé par les procédés de désinfection et nettoyage classiques. Elle désinfecte même à 2°C et élimine la matière organique par le principe de la lyze, alors que le chlore tue les bactéries sans les détruire, d’où le risque de production de biofilm. De plus, elle permet d’éliminer un large spectre de bactéries : E.coli, salmonelles, Listeria, mais aussi moisissures, champignons, levures, virus, ou encore mycotoxines. Enfin, c’est également le seul désinfectant autorisé pour les process bio, rapporte RIA.
La lumière pulsée
Ce procédé utilise la technologie de la puissance pulsée pour détruire les micro-organismes en les soumettant aux flashs intenses de lumière. De l’énergie électrique emmagasinée dans un condensateur est transférée à une lampe à enveloppe en quartz contenant du xénon. Le flash intense de lumière émis par la lampe est focalisé sur la surface à traiter par un réflecteur. Celle-ci émet une lumière de longueurs d’onde comprises entre 200 nm dans l’ultraviolet et 1 mm dans le proche infrarouge. Cette particularité du spectre, l’extrême brièveté des impulsions (10-6 à 0,1 s) et l’intensité de l’énergie libérée, confèrent à la lumière pulsée ses propriétés stérilisantes.
Les produits enzymatiques
« Ces produits sont de plus en plus utilisés, explique Erwan Billet. Leur utilisation croît d’environ 30 % par an. » Les produits enzymatiques représentent en effet une solution souvent intéressante pour s’attaquer aux biofilms. Ces détergents permettent d’effectuer les mêmes opérations de nettoyage qu’un détergent alcalin mais dans des conditions modérées de pH et de température. Ils sont donc moins agressifs vis-à-vis des matériaux, des utilisateurs et de l’environnement. L’absence de soude et de potasse, la qualité des tensio-actifs permettent une grande rinçabilité et donc des économies de temps et d’eau. Dans le détails, les enzymes sont des protéines, issues de biomasse, dont la principale fonction est de catalyser une réaction chimique. Les enzymes protéolytiques et amylolytiques contenues dans les produits dégradent les glyco-protéines et décollent les germes de leur support entraînant la destruction du biofilm. Les avantages de produits enzymatiques sont nombreux : ils sont sans risque pour les matériels industriels. Ils entraînent en effet une corrosion moindre et demandent moins de maintenance. Ils permettent un gain d’eau et de temps s’ils sont utilisés pendant la phase de prélavage. Enfin, ils sont efficaces même à faible température et à faible concentration.
Des solutions alternatives qui restent peu utilisées
Ainsi, les alternatives aux procédés de nettoyage et de désinfection traditionnels sont nombreux. Ils sont néanmoins peu utilisés par les entreprises. « La principale raison à cela est le prix de ces solutions alternatives, précise Erwan Billet. Elles coûtent globalement 20 % à 30 % plus cher, ce qui représente un important frein à l’investissement, surtout en temps de crise, où les entreprises peinent parfois à avoir une vision à long terme. » De plus, il est souvent difficile d’adapter une ligne de production. Et le faire après coup revient encore plus cher, que de penser une conception hygiénique en amont.
« On fait souvent appel à nous dans l’urgence, quand il y a une problématique de contamination, regrette le président d’Hydiac. Les entreprises n’ont pas toujours conscience de l’importance de la conception hygiénique. » Par ailleurs « il est parfois difficile d’établir une ligne directrice par filière et de transférer les résultats de travaux effectués au sein de laboratoires vers les entreprises, en particulier vers les PME et TPE, qui sont moins renseignées sur ces problématiques », ajoute Florence Postollec.
Pourtant, la conception hygiénique peut s’avérer particulièrement rentable pour les industriels de l’agroalimentaire. « Les retours sur investissement s’élèvent parfois jusqu’à 50 % », affirme Erwan Billet. Certains secteurs sont plus enclins à adopter des méthodes alternatives et à se tourner vers la conception hygiénique. C’est le cas des filières des produits laitiers et des plats cuisinés, qui travaillent beaucoup en circuits fermés. A l’inverse, les entreprises de découpe ou spécialisées dans les produits carnés, se montrent souvent plus réticentes.