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En à peine six mois MerAlliance a réduit de 18 % sa consommation d’électricité. C’est ce qui a valu au numéro un français du saumon fumé le prix Energ’IAA à l’occasion du CFIA 2014. Grâce à un investissement de 200 000 euros, MerAlliance a réussi à instaurer une réelle politique énergétique, prenant en compte l’optimisation de ses processus de production ainsi que la formation de ses salariés pour faire évoluer leurs gestes quotidiens et adopter une stratégie d’amélioration continue des performances énergétiques de l’entreprise.
Dans le secteur agroalimentaire, les entreprises mettant en place une démarche structurée et transversale sont pourtant encore peu nombreuses : 12 % en 2013, selon l’enquête annuelle sur la maturité énergétique des IAA d’Okavango, un cabinet de conseil opérationnel en efficacité énergétique, spécialisé dans l’agroalimentaire. L’an passé, 76 % des IAA ont organisé des actions ponctuelles ou opportunistes d’économie d’énergie, mais sans réel plan d’action et 12 % ont encore subi leur consommation énergétique sans lancer d’actions correctrices.
Agroalimentaire : 3e secteur énergivore en France
L’agroalimentaire reste ainsi le troisième secteur en termes de consommation d’énergie, derrière l’industrie chimique et la métallurgie. En 2012, les IAA ont consommé un peu plus de cinq millions de tep, un chiffre stable par rapport l’année précédente.
La consommation de combustibles des IAA reste supérieure à celle d’électricité et de vapeur, notamment car le gaz naturel reste la source d’énergie préférée par les IAA. Il est en effet bien adapté au chauffage des aliments et de leurs composants.
Consommation d’énergie : 3 % du chiffre d’affaires des IAA
Mais l’énergie coûte chaque année quelque trois milliards d’euros aux IAA (de plus de dix salariés), soit près de 3 % de leur chiffre d’affaires, et nuisant ainsi parfois à leur compétitivité. D’ailleurs « le gain de compétitivité est aujourd’hui la motivation première des entreprises pour engager des économies d’énergie », souligne Jean-Pierre Riche, PDG d’Okavango. Au début des années 2000, seules quelques entreprises faisaient de réels efforts en matières d’énergie, explique-t-il, notamment les sucriers et les amidonniers car dans ces filières, l’électricité peut représenter jusqu’à 30 % du chiffre d’affaires. « A partir du milieu des années 2000, la pression environnementale et la hausse du prix de l’électricité ont poussé les entreprises à changer de perspective. Elles prennent progressivement conscience du fait que l’énergie n’est pas un coût fixe. »
Les exemples sont nombreux. Depuis 2011, Labeyrie travaille par exemple à la récupération de la chaleur des condenseurs de ses groupes frigorifiques pour réchauffer l’eau de lavage de ses installations. En 2012, le leader français du foie gras a également installé un économiseur de fumée, un brûleur au rendement et une sonde de mesure O2 sur deux chaudières à vapeur, ce qui lui permet désormais de réaliser 30 000 euros d’économie d’énergie par an.
Les IAA s’engagent pour les économies d’énergie
Tereos a quant à lui prévu d’investir 150 millions d’euros d’ici 2017 pour réduire de 15 % la consommation d’énergie de ses sucreries, en passant notamment du fioul au gaz, en introduisant la méthanisation de ses coproduits et en aménageant des schémas thermiques dans ses usines.
Soodial a acquis l’an passé une chaudière biomasse pour le site canadien de sa marque Candia, pour couvrir ses besoins en vapeur. L’entreprise ABC, spécialisée dans le fabrication de jambon cuit, a pu économiser entre 5 % et 10 % de sa consommation de gaz et d’électricité en installant un système de récupération d’énergie sur le groupe froid sur son site de Peyrolles-en-Provenc (13) en 2013. Le groupe Roquette a pour sa part décidé de remplacer 50 % de la consommation de gaz de son site de Benheim en Alsace par du bois, réduisant ainsi de 76 000 tonnes ses émissions de CO2 par an.
Les leviers de la performance énergétique
Certaines entreprises font réellement preuve d’innovation. Le céréalier Soufflet a par exemple installé sur son site de Nogent-sur-Marne une chaudière biomasse à base de poussière d’orge de brasserie, réalisant ainsi 73 % d’économies sur le gaz naturel consommé par les deux malteries, soit une réduction de 9 700 tonnes annuelles de CO2.
Pour engager ces économies d’énergie, les leviers sont nombreux. Okavango en distingue sept : l’optimisation technique, l’intégration thermique, le re-design des besoins, la conception alternative, le comportement du personnel, l’éco-conduite des installations, les investissements durables ou encore les achats d’énergie.
50 % des économies d’énergie ne nécessitent pas d’investissement
Le levier le plus utilisé par les entreprises reste l’optimisation technique, lors du remplacement d’un équipement ou en choisissant un nouveau fournisseur d’énergie, moins cher. « Il est davantage utilisé car il est facile à mettre en œuvre. Le chef d’entreprise peut agir seul et n’a pas besoin de mobiliser toute l’entreprise », explique Jean-Pierre Riche.
Pourtant, estime l’expert, ce n’est pas le levier le plus efficace, soulignant que près de 50 % des économies d’énergie ne nécessitent en fait pas d’investissement. « Il suffit parfois de redéfinir les besoins de l’entreprise. »
Économie d’énergie : « un engagement de la direction indispensable »
« Un engagement de la part de la direction est dans tous les cas indispensable », estime Alain Boëdec, responsable technique et méthodes à MerAlliance. « Les responsables techniques sont souvent plus impliqués et renseignés sur ces questions mais ne peuvent rien entreprendre seuls », précise Jean-Pierre Riche.
Afin d’économiser 500 000 kw, l’entreprise bretonne spécialisée dans le saumon fumé a tout d’abord renouvelé ses équipements, faisant l’acquisition de machines plus performantes. La consommation d’électricité nécessaire au séchage de l’air comprimé est ainsi passé de 20 % à 2 %. Mais MerAlliance a également procédé à une refonte du pilotage de ses installations frigorifiques, en adoptant un système à haute pression flottante et en formant son personnel pour qu’il soit en mesure d’optimiser l’utilisation des équipements et de réaliser un suivi efficace et précis du système de production grâce à plusieurs compteurs indépendants.
Efficacité d’énergie ; un levier pas assez exploité dans l’industrie agroalimentaire http://t.co/7zjLCsW6xF
— Bettina Hudry-Gerez (@Bettina_Alcimed) 7 Février 2014
Comment financer sa stratégie énergétique
En tout, 200 000 euros ont été nécessaires, avec un retour sur investissement estimé à trois ans. « Les chefs d’entreprise n’acceptent pas de retour sur investissement plus long », estime Jean-Pierre Riche. Globalement, la mise en place d’une réelle stratégie d’économie d’énergie nécessite un investissement compris de 200 000 à 400 000 euros. Le financement de projets représente encore un important frein pour les entreprises du secteur agroalimentaire car les banquiers restent réticent à l’idée de financer des économies d’énergie. Et il est paradoxalement plus ardu de trouver les liquidités pour de petits investissements que pour des sommes plus conséquentes. Un désavantage majeur pour les PME, disposant souvent de moins de liquidités.
Les aides aux entreprises sont néanmoins nombreuses. On peut notamment citer les subventions de l’Ademe ou les aides régionales telles que les fonds Feder. Les dossiers sont cependant complexes et longs à monter, et donc peu avantageux dans le cas d’un investissement modeste. Autre solution de financement : les certificats d’économie d’énergie, encore sous-exploités, « alors qu’ils peuvent financer en moyenne entre 15 % et 20 % des investissements », souligne jean-Pierre Riche. De plus, une entreprise bénéficiant de la norme 50 001 peut doubler le montant des certificats.
Norme 50 001 : encore peu efficace dans l’agroalimentaire
Pourtant, les entreprises ayant adopté cette norme environnementale sont encore rares: environ 70 dans le secteur agroalimentaire. Mais la situation pourrait évoluer. A partir du début milieu de l’année, les IAA (en dehors de PME) seront en effet obligées d’effectuer, tous les 4 ans, un audit énergétique. Le premier devra d’ailleurs être réalisé avant la fin de l’année 2015. Seules les entreprises ayant adopté la norme 50 001, pourront faire l’impasse sur cet audit. Une motivation supplémentaire pour les entreprises, d’autant plus que, selon PDG d’Okavango, la norme 50 001 est plus facile à mettre en œuvre que la 14 001.
Pour distinguer les entreprises les plus vertueuses en termes d’économie d’énergie, le cabinet de conseil s’apprête par ailleurs à lancer des Trophées de la performance énergétique. Les premières récompenses devraient être remises en octobre prochain, à l’occasion du SIAL.