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A l’occasion de l’édition 2023 du salon international de l’agriculture, s’est tenu un comité stratégique de la filière agroalimentaire, présidé par Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, et Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’industrie. Pour soutenir le secteur agroalimentaire qui connaît aujourd’hui des tensions conjoncturelles fortes, exacerbant des difficultés structurelles, le Gouvernement y a annoncé le lancement d’un plan de soutien et de souveraineté des industries agroalimentaires afin d’accélérer les transitions (énergétiques, écologiques, environnementales), renforcer la compétitivité et soutenir la création de valeur au cœur de la chaine alimentaire.
Faut-il le rappeler ? Première industrie de France avec 437 000 emplois pour un chiffre d’affaires s’élevant à 198 milliards d’euros, l’industrie agroalimentaire française est un des piliers du savoir-faire français aux quatre coins du monde. La filière est également un acteur central de la chaîne alimentaire, maillon central entre les producteurs agricoles, les distributeurs et les consommateurs.
Innover pour répondre aux attentes des consommateurs
Aujourd’hui, les industries agroalimentaires doivent être en capacité d’innover pour répondre aux attentes des consommateurs et s’inscrire dans une stratégie de croissance sur les marchés internationaux. Fragilisées par une contraction de leurs marges, les industries agroalimentaires souffrent d’un déficit d’investissement qui nuit à leur compétitivité et entrave l’innovation et la conquête de nouveaux marchés, notamment à l’export.
Pour ce faire, le Gouvernement a annoncé un plan ambitieux comportant la création d’un fonds d’investissement (consolidation et capital-développement) dédié à la filière agroalimentaire, avec pour objectif de lever plus de 500 millions d’euros, dont 200 millions d’euros apportés par l’Etat ; La facilitation de l’accès à France 2030, notamment sur les volets « décarbonation » et « robotisation » ; Le report de charges sociales et fiscales pour les entreprises qui le souhaitent ; Les « Boosters IAA » avec une formation des dirigeants à l’export assurée par Business France.
«L’industrie agroalimentaire française est un formidable atout pour la souveraineté alimentaire de notre pays. Le plan de soutien porte l’ambition de l’Etat et est structurant pour la filière tout en lui permettant de consolider ses fondations pour mieux se projeter dans son développement vers une chaîne de production alimentaire plus décarbonée et mieux rémunératrice pour les agriculteurs», a déclaré Marc Fesneau. Pour Roland Lescure : « L’Etat est aux côtés des acteurs de l’agroalimentaire pour renforcer la compétitivité de la filière et conforter notre souveraineté alimentaire. Rien ne se fera néanmoins sans la détermination de tous les acteurs d’aller également dans ce sens et de travailler à des solutions collectives innovantes et créatrices de valeur ».
Trois volets pour aider les industriels
Ce plan est divisé en trois volets : un soutien à court terme en trésorerie ; un soutien de moyen terme pour aider les industries agroalimentaires à grandir, se consolider et se moderniser ; un soutien à l’export pour aller à la conquête de nouveaux marchés à l’international et miser sur la marque France. La principale mesure de ce plan consiste en la création d’un fonds public/privé dont la cible est de 500 M€. La stratégie d’investissement du fonds fera l’objet d’une concertation dans les semaines qui viennent.
Que contiennent les mesures de ce plan ? En premier lieu, celles-ci se focalisent sur les maillons industriels de la transformation alimentaire, maillons stratégiques liant les activités de production agricole et le consommateur, via la distribution ou la restauration. Trois volets de mesures de soutien, de court terme pour sortir des crises par le haut, et de moyen/long terme pour engager des dynamiques vertueuses et être au rendez-vous des transitions alimentaire, écologique, environnementale et énergétique dans la filière en renouant avec la compétitivité : Le volet 1 a pour objectif d’apporter un soutien de court terme en trésorerie ; le volet 2 doit permettre de relancer la dynamique à l’export en accompagnant les entreprises agroalimentaires françaises à l’international et le volet 3 a pour objectif de déployer une vision stratégique pour la compétitivité de la filière via la consolidation et l’investissement et accélérer la transition écologique.
Le Gouvernement veut mettre en place une politique structurante et ambitieuse pour la consolidation des entreprises agroalimentaires qui leur permettra de poursuivre leurs dynamiques vertueuses au service de la transition écologique et de la souveraineté alimentaire. «Cette politique se construit à partir d’une vision stratégique faisant de l’agroalimentaire un pivot au service des transitions de l’ensemble des chaines de valeur alimentaires et du regain de sa capacité à générer de la valeur», explique-t-il.
Apporter un soutien de court terme en trésorerie
Ce plan de soutien propose des facilités de paiements spécifiques pour certains types de charges qui seront mises en place. Pour les charges fiscales : impôt sur les sociétés, contribution foncière des entreprises [CFE] et cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises [CVAE] : les entreprises en situation difficile peuvent demander un report sur justification de cette situation. Pour les charges sociales : en l’occurrence les cotisations patronales, des demandes d’octrois de délais de paiement sont possibles. Le Gouvernement demande aux directions départementales des finances publiques (DDFIP) et Unions de recouvrement des cotisations de Sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) de regarder les demandes des entreprises de l’industrie agroalimentaire avec la plus grande bienveillance.
Les entreprises de l’agroalimentaire sont invitées à se saisir des dispositifs aides énergie mises en place par le gouvernement (et amortisseur et bouclier électricité). Une campagne d’appels téléphoniques opérés par les CCI a été lancée en janvier 2023, afin d’accompagner les dirigeants de l’industrie dans leur réponse face à la flambée des prix de l’énergie et notamment leur recours aux aides. La hausse de tous les postes de coût des entreprises agroalimentaires avec une capacité limitée à les répercuter sur la grande distribution, combinée avec le remboursement des PGE, engendre une forte pression sur les trésoreries. Les Commissaires aux Restructurations et Prévention des difficultés des entreprises se tiennent à disposition des entreprises.
Relancer la dynamique à l’export
L’excédent de la balance commerciale agroalimentaire connait une érosion sur l’ensemble des catégories de produits (à l’exception des vins et spiritueux) dans une filière pourtant historiquement exportatrice. « La France souffre d’un déficit de diffusion large de ses produits sur certaines filières de grande consommation », explique le Gouvernement dans son plan de soutien.
Dans l’objectif d’améliorer la capacité des industriels de l’agroalimentaire à exporter et à croître à l’international, ce plan contient des mesures pour aider les entreprises à pénétrer les marchés de masse, à disposer des connaissances nécessaires pour se lancer à l’export ou continuer à exporter et à s’organiser collectivement.
Un dispositif « Booster industrie agroalimentaire » sera lancé en 2023. Il s’agit d’un programme sur plusieurs mois à destination des chefs d’entreprise du secteur agroalimentaire pour les soutenir dans la conquête de nouveaux marchés. En effet, partir à l’export peut représenter des risques pour une entreprise : le partage d’expériences et les ateliers collectifs prévus dans le programme Booster peut permettre de se lancer à l’export pour en saisir toutes les opportunités, tout en en maitrisant les risques potentiels.
D’autres mesures de soutien à l’export pourraient bénéficier aux industries agroalimentaires dans le cadre du plan de soutien des entreprises à l’export qu’Olivier Becht, ministre délégué auprès de la ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, chargé du Commerce extérieur, présentera prochainement.
Consolider l’investissement et accélérer la transition écologique
Ce plan propose également d’accompagner la consolidation de la filière et la croissance des PME agroalimentaires grâce à la création d’un fonds public/privé. Le Gouvernement crée un dispositif d’accompagnement public-privé en fonds propres à hauteur de 500 M€, lequel suivra deux logiques : Une logique de consolidation pour accompagner des PME et ETI positionnées dans des filières identifiées pour consolider leur filière et leur compétitivité ; Une logique de capital développement pour accompagner des PME agroalimentaires à construire une croissance pérenne et investir dans les nécessaires transitions (numérisation des usines, transition écologique des processus de production, agroécologie, etc.)
Des critères d’impact ambitieux sur les stratégies et processus des entreprises qui seront accompagnées en fonds propres seront définis, afin que ce fonds appuie la transition écologique du secteur. Des dispositions spécifiques seront également prises afin que les coopératives agricoles aient aussi accès à ce dispositif. Cette initiative de l’Etat redressera la compétitivité de nos entreprises agroalimentaires, leur permettra d’impulser la transition de la production primaire, tirer la transition écologique du système alimentaire – en particulier de l’amont agricole, et de répondre aux besoins alimentaires des Français.
Ce plan veut également aider les industries agroalimentaires à se robotiser : France 2030, à travers son volet « robotique », permettra aux industries agroalimentaires de se moderniser et de se robotiser. Les industries agroalimentaires sont innovantes pour tout ce qui concerne les innovations de produits ou d’emballages. Elles accusent néanmoins un retard important en termes de numérisation et de robotisation. Les industries agroalimentaires sont moins robotisées (60 robots pour 10 000 salariés) que le reste de l’industrie française (132 robots) et sont avant- dernières dans l’Union européenne.
Permettre aux coopératives agricoles d’être pleinement éligibles aux dispositifs de soutien à la décarbonation France 2030 : Les coopératives sont des acteurs essentiels dans les filières agroalimentaires, représentant environ 40% du chiffre d’affaire de la filière. Désormais, les coopératives ayant des activités industrielles seront éligibles aux dispositifs de soutien à la décarbonation de France 2030, de la même manière que les autres formes d’entreprises industrielles1. Le seuil d’investissement minimal pour participer aux prochains appels à projet « Décarbonation » sera également abaissé pour permettre aux petites entreprises de l’agroalimentaire de déposer plus facilement des projets.
Les autres actions et subventions en cours
D’autres actions sont en cours afin de soutenir la filière agroalimentaire et ses investissements pour donner de l’ampleur aux dynamiques amorcées en faveur de la transition écologique et de la souveraineté alimentaire.
Dans le cadre de France Relance, un volet de l’appel à projets « (Re)localiser dans les secteurs critiques » a comporté un volet consacré à l’industrie agroalimentaire : 97 projets lauréats, ont ainsi été soutenus à hauteur de de 130 millions d’euros enclenchant au total 600 millions d’euros d’investissements productifs. Les investissements ont porté majoritairement sur cinq catégories de produits : nouvelles sources de protéines végétales, produits issus de la transformation (viande, poisson, fruits et légumes), ferments et enzymes, ingrédients et additifs, et emballages alimentaires. En outre, dans le cadre du volet agricole du plan de relance, doté de 1,2 Md€, les entreprises agroalimentaires ont été soutenues massivement au travers des mesures « structuration de filières » (79 M€), « protéines végétales » (50 M€), « plan de modernisation des abattoirs » (115 M€), fonds avenir bio (13 M€ par an).
Dans le cadre de France 2030, 2,3 milliards d’euros sont dédiés à l’innovation dans les domaines de l’agriculture et de l’alimentation (objectif 6 « Investir dans une alimentation saine, durable et traçable »). Parmi les dispositifs de soutien, l’appel à projet « résilience et capacités agroalimentaires 2030 », lancé en octobre 2022 dans le contexte de la guerre en Ukraine, vise à renforcer le secteur agricole et agroalimentaire français. Cet appel à projet, dont quinze projets sont déjà lauréats, vient soutenir les initiatives innovantes, permettant de renforcer la souveraineté agroalimentaire française. Il consiste notamment à soutenir la relocalisation des maillons industriels stratégiques, la réindustrialisation dans le domaine agroalimentaire et agroécologique et le soutien des démarches collectives de transition et de résilience de ces filières. Les industries agroalimentaires bénéficient également des soutiens à la décarbonation dans le cadre de France 2030. En plus de ces subventions à l’investissement à long terme, des dispositifs conjoncturels de soutien ont été mis en place et sont accessibles aux entreprises agroalimentaires comme les aides énergie dans le cadre de l’inflation des coûts de l’énergie et les aides à l’export par le biais de Business France ou de la Direction Générale du Trésor, soutenu par le Ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Zoom sur le Comité Stratégique de Filière Agroalimentaire (CSFA)
Les filières agroalimentaires, marquées par une diversité de types de produits beaucoup plus grande que dans d’autres secteurs industriels, travaillent de concert au sein du Comité Stratégique de Filière Agroalimentaire (CSFA), dans lequel les parties prenantes (Etat, représentants des entreprises, organisations syndicales) s’engagent par un Contrat Stratégique de Filière à travailler au développement de la filière. Plusieurs chantiers sont actuellement en cours pour renforcer la capacité de la filière à innover, à prendre le tournant de la digitalisation, à exporter, à être attractive, à se décarboner.
Par exemple, afin d’atteindre une réduction des émissions de gaz à effets de serre de 40% en 2030 (par rapport à 2015), une feuille de route, déclinée en feuilles de routes sectorielles, est en cours de rédaction. Aussi, un des projets phares du CSFA est la numérisation du secteur par la mise en place d’une base d’informations exhaustive et fiable, nommée NumAlim, accessible aux consommateurs. Un autre chantier porte sur l’emploi afin de développer l’attractivité des métiers du secteur, favoriser l’insertion professionnelle dans les entreprises de l’agroalimentaire et développer l’apprentissage, en passant de 30 000 alternants en 2020 à 60 000 en 2028.
(SOURCE : Plan de soutien aux industries agroalimentaires/ mars 2023)