Site icon Agro Media

Quel avenir pour le pôle frais du groupe Doux ?

A une semaine du verdict du tribunal de Quimper, l’incertitude plane toujours sur l’avenir du pôle frais de Doux. Liquidé le 1er août dernier, le pôle frais du groupe agroalimentaire Doux connaît depuis le 10 août ses cinq repreneurs potentiels. Sur les 1 700 emplois que comptent le pôle frais de Doux, 1 000 emplois seraient menacés. Stéphane le Foll et Guillaume Garot, les ministres de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, doivent recevoir cette semaine les repreneurs déclarés pour tenter de limiter au maximum la casse. Mais ici ou là, des voies s’élèvent et s’interrogent sur la nécessite d’améliorer les offres de reprise. Agro-media fait le point sur la situation, à une semaine de la décision finale du tribunal qui, quelle qu’elle soit, fera des déçus.

 

Présentation des repreneurs potentiels

Exceptée l’offre iranienne, jugée irrecevable en l’état, les cinq repreneurs déclarés pour le pôle frais de l’entreprise agroalimentaire Doux sont les suivants :

Axereal est issue du rapprochement entre les deux coopératives agroalimentaires françaises Agralys et Epis-centre, coopératives céréalières. L’entreprise agroalimentaire beauceronne a déposé une offre pour le site de Clémont, dans le Cher, spécialisé dans la fabrication d’aliments pour volailles. Forte de ses 13 000 adhérents, Axereal réalise un chiffre d’affaires de 3,4 milliards d’euros en France.

Glon Sanders, la filiale de Sofiprotéol, a déposé conjointement avec l’entreprise agroalimentaire Duc, une offre de reprise pour trois sites industriels situés dans la région Centre : l’usine de fabrication d’aliments pour volailles de Clémont dans le Cher, le couvoir de poussins situé à Amilly et l’abattoir de poulets basé à Boynes, tous deux dans le Loiret. Spécialisée dans la nutrition animale et humaine, Glon Sanders est issue du rapprochement des sociétés agroalimentaires d’André Glon et Louis Sanders. Glon Sanders est une filiale de Sofiprotéol depuis 2007, conglomérat présidé par Xavier Beulin, patron de le FNSEA. Rappelons également que Sofiprotéol avait fait une offre de reprise “indivisible” pour Doux, avant la décision du tribunal de Quimper le 1er août dernier.

Duc a également déposé une offre pour le site de Sérent (Morbihan). L’industrie agroalimentaire Duc emploie 845 salariés et réalise un chiffre d’affaires de 180 millions d’euros. Duc intègre l’ensemble de la chaîne de production de poulets, de la nutrition à la commercialisation. Un rapprochement entre Glon Sanders et Duc serait à l’étude…

LDC, avec ses 60 sites de production et ses 15 800 salariés, a réalisé un chiffre d’affaires de 2,8 milliards d’euros. L’offre de reprise que l’industriel de l’agroalimentaire à formuler concerne l’abattoir de Laval (Mayenne), et une reprise partielle du site de Sérent.

Enfin, Tallec, présent sur les produits frais et surgelés, a déposé une offre de reprise pour l’abattoir de Sérent.

 

Les salariés et l’Etat veulent sauver le maximum d’emplois

L’ensemble des offres présentées ci-dessus permettraient de sauver entre 450 et 500 emplois. A cela, il faut ajouter les 134 salariés de l’abattoir de Pleucadec (Morbihan) qui seront repris par le groupe agroalimentaire Doux, dans le cadre du plan de continuation. Ce qui laisserait environ 1 000 salariés sur le carreau.

Pour les syndicats de salariés, qu’il s’agisse d’un « massacre » pour FO ou d’un grand « dépeçage » pour la CGT, c’est une grande déception. Pour la CGT, « les LDC, Duc et autres font (…) leur marché pour s’accaparer ce qui les intéresse dans leur recherche de profits immédiats ». FO rajoutait : « on ne prend pas en considération le volet social. Tout ce qui intéresse les repreneurs, ce sont les sites. Même parmi ceux qui sont repris, il y aura des licenciements, des plans de sauvegarde de l’emploi ». Sans parler des sites de Blancafort (dans le Cher) ou de Graincourt (Pas-de-Calais) pour lesquels aucune offre de reprise n’a été formulée…

En ces temps de crise, on comprend que les ministres de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, Stéphane le Foll et Guillaume Garot, soient sur le pont pour tenter « d’arracher » des emplois supplémentaires dans les offres de reprise. Le ministère de l’Agriculture déclaré par communiqué : « d’ici à l’audience qui déterminera l’avenir du pôle frais, Stéphane le Foll et Guillaume Garot continueront à tout mettre en œuvre pour améliorer les offres sur les sites repris et pour trouver une solution pour les sites menacés de fermeture ».

Et ce malgré l’avortement de la réunion initialement prévue le 23 août, lors de laquelle le ministre de l’Agriculture et le ministre de l’Agroalimentaire devait rencontrer les cinq candidats à la reprise du pôle frais de Doux. Guillaume Garot, ministre de l’Agroalimentaire, expliquait que l’objectif de ce report était de « d’améliorer les offres qui ont été déposées ». Il a également rajouté qu’il n’y aurait « pas d’argent public sans un volet industriel fort et sans un volet social consistant ».

Lors du comité d’entreprise du groupe Doux qui s’est tenu le 23 août dernier à Châteaulin (Finistère), les syndicats ont obtenu de la direction, après d’âpres négociations, la réaffectation de deux millions d’euros supplémentaires pour le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). Deux millions avaient déjà été placés sous séquestre comme garantie pour payer les salaires.

 

Mais certains s’interrogent sur l’intérêt du sauvetage de la filière

C’est le cas notamment de Patrick Déniel, le journaliste de l’Usine Nouvelle, qui souligne le risque que l’amélioration des offres pourrait représenter. Le journaliste s’explique, notamment sur le cas de Blancafort, « spécialisé dans l’abattage de dindes, un marché encore plus difficile que celui du poulet ». L’article de l’Usine Nouvelle rappelle notamment que les syndicats du volailler Doux avaient tiré la sonnette d’alarme il y a longtemps déjà, sur le manque d’investissement réalisé dans l’outil industriel.

« Forcer les acteurs candidats à la reprise à aller plus loin dans leurs offres, c’est peut-être aussi mettre certains d’entre eux en danger », poursuit l’article. Patrick Déniel pointe notamment du doigt l’entreprise agroalimentaire Duc, « qui peine à être à l’équilibre depuis plusieurs années ». L’auteur rappelle également fort justement le changement du contexte du marché agroalimentaire depuis la date de dépôt des offres le 10 août dernier : « le marché mondial des matières premières agricoles s’emballe et les prix du maïs et du soja s’envolent. Or, le coût de production d’une volaille, c’est d’abord celui de l’aliment, et celui-ci risque de flamber dans les prochaines semaines ».

Dès lors Patrick Déniel n’hésite pas à mettre les pieds dans le plat en posant la question qui fâche : « faut-il chercher à maintenir ces emplois dans la filière volaille, ou alors tenter de revitaliser les bassins d’emplois concernés avec d’autres activités ? Et engager la restructuration d’une filière – au-delà des abattoirs, il y a des éleveurs et de l’alimentation animale – régulièrement en difficulté ».

Enfin, l’article d’Usine Nouvelle rappelle qu’entre l’évolution des prix des matières premières d’une part, la pression de la grande distribution et la concurrence allemande et néerlandaise croissante d’autre part, « les volailles français sont cernés ».

D’autant plus qu’un article paru dans Marianne rappellait que sur les 15 dernières années, le groupe agroalimentaire Doux aura perçu un milliard d’euros de subventions publiques.

 

A la recherche de valeur ajoutée pour l’agroalimentaire français

Concernant la filière avicole, et le groupe agroalimentaire Doux en particulier, Jean Charrouin, directeur de l’école de commerce Audencia de Nantes, affirme qu’il y a eu «  un sous investissement chronique de la part de ce groupe depuis plusieurs années. Les recherches de productivité ont été insuffisantes. Produire des volumes, la Bretagne a su faire. On ne peut plus s’en contenter ».

Et c’est peut-être là une des clés du problème, le manque de valeur ajoutée de certains produits agroalimentaires. Car depuis la fin des années 70, apogée de l’export pour la filière volaille française, le monde a bien changé. De puissants concurrents mondiaux ont fait leur apparition. Notamment au Brésil, pour la filière avicole, avec des groupes comme JBS ou Brasil Foods, dont les chiffres d’affaires se comptent en milliards d’euros. Comme le fait remarquer Jean Charrouin, « nous avons du mal à structurer des groupes au-delà d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires ». Difficile alors de lutter contre ces nouveaux méga-groupes agroalimentaires mondiaux.

 

On peut alors raisonnablement se poser la question : quel avenir pour le pôle frais du groupe Doux ?

Quitter la version mobile