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Quelles conséquences de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne sur les exportateurs français du secteur agricole et agroalimentaire ?

Les importations françaises de fromages au Royaume-Uni sont en baisse, et les exportations de produits laitiers vers le Royaume-Uni diminuent.

Le Brexit, acte historique marquant le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE) depuis janvier 2021, a eu des répercussions significatives sur divers secteurs économiques, avec un impact particulièrement marqué sur les entreprises agroalimentaires françaises. Cette transformation majeure des relations commerciales entre la France et le Royaume-Uni a soulevé des enjeux complexes, des défis opérationnels et des conséquences économiques auxquels les acteurs du secteur agroalimentaire font face.

Au cœur des enjeux stratégiques, on trouve la redéfinition des flux commerciaux. Le Royaume-Uni était historiquement un partenaire commercial privilégié pour la France dans le secteur agroalimentaire, recevant une part significative de ses exportations. Le Brexit a introduit des barrières commerciales et des formalités douanières, créant ainsi un nouvel environnement réglementaire. Les entreprises françaises se retrouvent confrontées à la nécessité de revoir leurs stratégies d’exportation, d’identifier de nouveaux marchés et de diversifier leurs partenariats.

Des défis opérationnels et des conséquences économiques

Les défis opérationnels résultent des changements structurels dans les procédures douanières, la certification sanitaire et phytosanitaire (SPS) et d’autres exigences réglementaires. Les entreprises agroalimentaires, en particulier les petites et moyennes entreprises (PME), ont dû s’adapter à ces nouvelles réalités. La gestion des formalités administratives, les contrôles aux frontières et les ajustements logistiques représentent des défis significatifs. Les perturbations potentielles des chaînes d’approvisionnement et la complexité des nouvelles règles suscitent des préoccupations quant à la fluidité des opérations.

Sur le plan économique, les conséquences du Brexit pour les entreprises agroalimentaires françaises sont multiples. La fluctuation des taux de change, la volatilité des prix, et les coûts supplémentaires liés aux formalités douanières ont un impact direct sur la rentabilité des entreprises. Les secteurs dépendant fortement des exportations vers le Royaume-Uni, tels que la viande, les produits laitiers, et les fruits et légumes, sont particulièrement touchés. La nécessité d’investir dans des systèmes informatiques pour la gestion des formalités douanières ajoute une pression financière aux entreprises, en particulier aux plus petites.

Des adaptations nécessaires

Face à ces enjeux et défis, les entreprises agroalimentaires françaises ont dû engager des adaptations substantielles. La mise en place de nouvelles procédures internes, la formation du personnel aux exigences post-Brexit et la recherche de solutions logistiques innovantes sont devenues des priorités. Certains acteurs ont opté pour une réorientation de leurs exportations vers d’autres marchés internationaux, cherchant à compenser la réduction potentielle des échanges avec le Royaume-Uni.

Dans ce contexte de changement rapide, l’innovation et la collaboration deviennent des atouts essentiels pour les entreprises agroalimentaires. L’exploration de nouvelles technologies pour optimiser les processus, la recherche de partenariats commerciaux et logistiques plus efficaces, ainsi que l’adoption de pratiques durables pour répondre aux préoccupations croissantes en matière d’empreinte carbone sont autant de moyens par lesquels les entreprises cherchent à se positionner favorablement dans le nouveau paysage commercial post-Brexit.

Depuis le Brexit, les flux de marchandises entre la France et le Royaume-Uni ont donc subi des variations significatives, notamment dans le secteur agricole et agroalimentaire. FranceAgriMer a entrepris un suivi macro-économique pour différentes filières, mettant en lumière des modifications profondes dans le secteur des viandes blanche et rouge.

Les entreprises, en particulier celles de l’industrie agroalimentaire, sont désormais confrontées à de nouvelles formalités et contraintes, notamment dans le domaine de la certification sanitaire et phytosanitaire (SPS). Le Brexit a ainsi généré des défis sans précédent pour les entreprises agroalimentaires françaises, redessinant le paysage commercial avec le Royaume-Uni. Toutefois, au-delà des difficultés immédiates, il offre également des opportunités pour l’innovation, la diversification et l’adaptation, incitant les entreprises à repenser leurs stratégies pour prospérer dans ce nouveau contexte.

Les défis et les opportunités pour les différents secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire

Une étude approfondie a été menée par la mission du CGAAER (Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux), visant à identifier les forces et les faiblesses des entreprises françaises, des services de certification SPS, et de l’écosystème dédié à l’export.

Cette analyse offre un aperçu approfondi des changements dans les flux commerciaux entre la France et le Royaume-Uni post-Brexit, soulignant les défis et les opportunités pour les différents secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire. La nécessité de surveiller attentivement ces évolutions et d’ajuster les stratégies commerciales en conséquence est mise en avant dans le rapport.

À travers une trentaine d’entretiens et un questionnaire diffusé auprès des entreprises, la mission a souligné la sensibilité des petites entreprises, en particulier les primo-exportatrices, et des produits “ultra frais”. Ces derniers, en dépit de leur proximité géographique avec le Royaume-Uni, sont devenus des atouts majeurs pour les exportations françaises.

Le rapport offre ainsi un aperçu des impacts déjà perceptibles et prévisibles du Brexit sur les exportations françaises vers le Royaume-Uni, en mettant l’accent sur l’évolution des importations. Dans un contexte économique difficile au Royaume-Uni, marqué par une inflation alimentaire importante et un déficit commercial agricole, les relations commerciales entre les deux pays ont subi des changements substantiels.

La mission du CGAAER a émis des recommandations, mettant en avant la nécessité d’une vigilance constante sur les flux commerciaux, le maintien du suivi des évolutions réglementaires britanniques, et le renforcement du dispositif d’accompagnement promotionnel des entreprises agroalimentaires.

Cette étude, complémentaire aux analyses macroéconomiques de FranceAgriMer, offre ainsi un éclairage approfondi sur les enjeux et les défis auxquels font face les exportateurs français du secteur agricole et agroalimentaire dans le contexte post-Brexit.

Des tendances émergentes depuis la mise en œuvre du Brexit

L’analyse partielle des flux macro-économiques entre la France et le Royaume-Uni, présentée dans une section du rapport, offre un aperçu détaillé des tendances émergentes depuis la mise en œuvre du Brexit dont voici quelques points saillants issus de cette analyse.

Déficit commercial agricole du Royaume-Uni : En 2022, le déficit commercial agricole du Royaume-Uni s’aggrave, atteignant 36,9 milliards d’euros contre 28 milliards d’euros en 2018. Cette augmentation est principalement due à l’augmentation des importations, en particulier en provenance de pays tiers.

Nouveaux accords de libre-échange : Bien que les accords de libre-échange avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande ne soient entrés en vigueur qu’en mai 2023, le Royaume-Uni a renforcé sa position en tant que plateforme mondiale, établissant des partenariats commerciaux avec plusieurs pays, dont le Japon, la Norvège, l’Islande, Singapour, l’Ukraine, le Canada, le Mexique, les pays du Golfe, Israël, avec une demande pour rejoindre l’« Accord de partenariat transpacifique global et progressiste » (PTPGP).

Évolution des flux d’importations agricoles au Royaume-Uni : Les importations agricoles au Royaume-Uni évoluent, avec une diminution des parts de marché des produits en provenance de l’UE. Les États-Unis et la Chine gagnent en importance, notamment dans les produits agro-alimentaires tels que les poissons congelés, les plats cuisinés et les légumes surgelés.

Déplacement vers des produits de faible valeur : Les flux macro-économiques révèlent un déplacement vers des produits de faible valeur, notamment dans les secteurs de la volaille et de la viande porcine. Des impacts sur les produits premium, tels que les produits festifs, sont également observés.

Impact sur les secteurs spécifiques

Lait et produits laitiers : Les importations françaises de fromages au Royaume-Uni sont en baisse, et les exportations de produits laitiers vers le Royaume-Uni diminuent.

Volailles : Les flux d’importation et d’exportation de volailles évoluent, avec une augmentation des exportations britanniques de produits de faible valeur vers la France, réexportés ensuite vers d’autres États membres.

Viande porcine : Les flux de viande porcine deviennent plus complexes, avec une étape de transformation dans d’autres États membres, soulignant la pénurie de main-d’œuvre au Royaume-Uni.

Fruits et légumes : Les fruits et légumes représentent le plus grand déficit commercial britannique. Les importations sont principalement en provenance de l’UE, mais une désorganisation temporaire a été observée lors du Brexit.

Perte de vitesse des produits qualitatifs : La diminution des parts de marché des produits européens au Royaume-Uni ne s’observe pas dans la part en valeur des importations, masquée par l’augmentation des prix due à l’inflation. Cela suggère une perte de vitesse des produits qualitatifs au profit de commodités dans le contexte économique difficile.

Émergence de hubs de circulation : Une tendance intéressante réside dans l’émergence de hubs de circulation, où la France devient un point d’entrée pour certains produits, tels que la viande ovine et bovine, avant d’être réexportés vers d’autres États membres.

Les recommandations émises dans le rapport portent sur le maintien d’une veille sur les flux de produits agricoles et agro-alimentaires de la « Global Britain platform » ; le maintien du dispositif de suivi des évolutions réglementaires britanniques, y compris celles concernant la reconnaissance du label Bio européen au Royaume-Uni ; la poursuite des formations sur TRACES NT des services certificateurs et des opérateurs, harmonisation des instructions données aux services et mise à jour des enregistrements des entreprises ; la poursuite des discussions sur le dispositif du Volontariat international en entreprise ; l’organisation dès la rentrée de webinaires d’information conjoints DGDDI/DGPE/DGAL ; la rréation d’un portail d’accès unique aux informations concernant l’exportation des produits agricoles et de l’agroalimentaire vers le Royaume-Uni et le renforcement du dispositif d’accompagnement promotionnel des IAA.

Pour l’information et l’accompagnement des entreprises, le rapport recommande l’organisation de Webinaires Coordonnés DGDDI/DGPE/DGAL. Suite à la clarification des modalités d’application du TOM, levant ainsi plusieurs incertitudes ayant impacté la mobilisation des entreprises, notamment les PME et TPE, il est ainsi suggéré de mettre en place des webinaires courts. Ces séances d’information, réalisées en collaboration entre la DGDDI, la DGPE, et la DGAL, ont pour objectif de fournir aux entreprises des informations à jour sur le nouveau contexte commercial. Des déclinaisons régionales de ces webinaires pourront être envisagées pour une diffusion plus étendue.

Le rapport recommande également la création d’une Plateforme Centralisée d’Accès à l’Information. L’expérience britannique souligne la nécessité pour les entreprises de rechercher des informations auprès de multiples sources et sites. Dans cette perspective, le rapport recommande de mettre en place une plateforme électronique dédiée à l’exportation des produits agricoles et agroalimentaires vers le Royaume-Uni. Cette plateforme, continuellement actualisée, offrira un accès unifié à toutes les informations pertinentes. Son hébergement et sa gestion pourraient être assurés par la DGE ou le MEAE, en tirant parti du dispositif Beta.gouv pour garantir un développement rapide et adapté aux besoins des utilisateurs. Ce modèle pourrait également être reproduit et adapté pour d’autres pays tiers nécessitant un accompagnement.

Enfin, concernant les recommandations portant sur le renforcement de l’accompagnement de la promotion des IAA, il est recommandé de renforcer, sur une période de deux ans à partir de 2023, le soutien à la promotion des Industries Agroalimentaires (IAA). Cette démarche viserait à accompagner les entreprises dans leurs initiatives de promotion sur le marché britannique. Bien que le plan de relance export agroalimentaire soit déjà en place depuis octobre 2020, une intensification de ces efforts est jugée nécessaire pour maintenir la compétitivité des entreprises françaises sur ces salons.

“Ces recommandations visent à répondre de manière originale et adaptée aux défis spécifiques du nouveau contexte commercial post-Brexit, fournissant un soutien efficace aux entreprises françaises opérant dans le secteur agricole et agroalimentaire”, souligne le rapport dont la conclusion rappelle de l’importance du Royaume-Uni en tant que 7e importateur mondial de produits agricoles et agroalimentaires, tout en demeurant fortement dépendant de ses partenaires étrangers malgré une autosuffisance de 50%. La France, en tant que deuxième fournisseur en 2021, occupe une position privilégiée en raison de sa proximité géographique, un avantage crucial dans le contexte actuel de préoccupation croissante quant à l’empreinte carbone des produits.

La mise en place immédiate des contrôles à l’entrée des marchandises britanniques sur le territoire européen contrastait avec les annonces et reports côté britannique, créant des défis pour la préparation des entreprises françaises aux nouvelles conditions d’exportation vers le Royaume-Uni en tant que pays tiers. Cependant, l’écosystème d’accompagnement des industries agroalimentaires s’est révélé solide, évitant leur démobilisation. Les prochaines échéances, notamment en ce qui concerne les formalités sanitaires, phytosanitaires et l’étiquetage, sont désormais connues, offrant une certaine clarté, bien que des inquiétudes subsistent.

Les produits à faible marge pourraient souffrir des coûts supplémentaires, tandis que les produits frais à durée de vie courte demeurent un atout essentiel pour la France sur ce marché. Une attention particulière est recommandée pour les PME et TPE qui doivent adapter leur organisation aux nouvelles contraintes.

L’utilisation de la certification électronique est saluée comme un progrès, nécessitant un accompagnement étendu par les services et les opérateurs. Des webinaires courts conjoints avec les services des douanes sont recommandés pour fournir des informations actualisées aux entreprises, en particulier aux primo-exportatrices. Une plateforme électronique dédiée à l’export vers le Royaume-Uni, consolidée en permanence, est suggérée pour faciliter l’accès à toutes les informations nécessaires.

Enfin, le rapport met en avant la nécessité de renforcer l’accompagnement des opérateurs pour accroître la visibilité des produits français, notamment lors des salons promotionnels, où les concurrents d’autres États membres semblent avoir un accès plus aisé.

Télécharger le rapport en entier : CGAAER_23037_Rapport 

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