Premier secteur industriel français, l’agroalimentaire est un poids lourd. Cependant, la crise économique a affecté nombre d’entreprises et l’activité du secteur. Les politiques l’assurent : la crise est derrière nous ! Mais dans ce cas, la reprise, elle est pour quand ?
La reprise, voilà une interrogation sur les lèvres de tous les industriels. Et un bref coup d’œil en arrière et sur l’actualité n’engage pas à l’optimisme. Entre la hausse des matières premières, les entorses à la loi de modernisation de l’économie (LME) lors des négociations commerciales annuelles avec la grande distribution et l’envol des prix de l’énergie, la reprise est-elle pour demain ou la crise traine-t-elle du pied ?
Certes, les résultats de 2010 ont été satisfaisants. Le chiffre d’affaires du secteur agroalimentaire a atteint 143 milliards d’euros, soit une légère progression de 3% par rapport à 2009. « La reprise constatée en 2010 (+3%) a été inférieure à celle de l’industrie manufacturière (+11,3%) et n’a pas été à la hausse de la chute de 2009 (-7%) ». Le constat fait par Jean-René Buisson, Président de l’Association nationale des industries alimentaires (Ania), est simple : il y a reprise, mais elle n’est pas suffisante !
Les exportations de 2010 se sont très bien portées, avec une augmentation de 9,9% des échanges en 2010 pour un chiffre d’affaires de 36,1 milliards d’euros « et une balance commerciale en forte croissance, à 5,7 milliards d’euros (+52,7%) » a précisé Jean-René Buisson, lors de la présentation des chiffres clefs du secteur le 29 mars dernier.
L’un des points noirs à la reprise semble être la faiblesse des investissements engagés par les industries agroalimentaires : -14% en 2009 et -8% en 2010. Pour l’Ania, « la reprise attendue en 2011 ne devrait pas dépasser les 7%, contre 14% pour l’ensemble de l’industrie manufacturière. Cela reste trop faible. » Selon les données de l’Insee, les capacités de production de 2010 étaient de 2% à 3% inférieures à la moyenne des dix dernières années, les industriels semblent donc être en surcapacités et ne ressentiraient pas le besoin d’investir.
Autre élément pouvant affecter le secteur : la grande distribution. Les négociations commerciales ont été difficiles en ce début d’année et les hausses des prix des matières premières agricoles, du pétrole, des emballages et de l’électricité ont dû être, en majeure partie, absorbées par les industriels. Les entreprises n’ont pu répercuter qu’entre 30 et 40% de la hausse du coût des matières premières à leurs clients de la grande distribution. En moyenne, les distributeurs n’ont accepté qu’entre 0% et 2% d’augmentation de prix, selon les filières. Ainsi, bien que le secteur agroalimentaire soit le deuxième employeur en France, avec 477 000 salariés, l’Ania s’inquiète pour l’emploi. « Nous devrions, pour la première fois depuis six ans, enregistrer des conséquences sur l’emploi dans les petites et moyennes entreprises […] 20% des PME pourraient être en difficulté cette année » estime Jean-René Buisson, avant de poursuivre « entre 3 000 et 5 000 postes pourraient disparaître ».
Les augmentations de prix sont inévitables selon l’Ania qui estime que la consommation ne permettra pas d’assurer la croissance du secteur : « le coût des matières premières ayant poursuivi son augmentation depuis le début de l’année (2011), y compris après la clôture des négociations, les industries agroalimentaires ne pourront pas faire face à ce contexte en 2011 ». Le cabinet d’étude Xerfi reste cependant optimiste : l’activité du secteur devrait s’approcher du niveau enregistré avant la crise. Cependant, le cabinet émet des réserves : une chute des marges brutes est à prévoir sur 2011 ainsi que sur 2012. C.T.