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Le Salon International de l’Agriculture (SIA) a ouvert ses portes samedi 25 février et les refermera dimanche 4 mars. Cette édition 2012 est un peu particulière car elle marque aussi les 50 ans de la Politique Agricole Commune (PAC). Celle-ci a en effet vu le jour avec le traité de Rome qui institue la CEE, en 1962.
En 50 ans, comment la PAC a-t-elle évolué ? Est-elle parvenue à réaliser ses objectifs ? Un demi-siècle plus tard, quel bilan peut-on faire ?
Agro-media.fr vous propose une rétrospective des 50 ans de la PAC.
1962-1984 : la PAC originelle.
A la fin des années 1950, l’Europe est déficitaire en produits agricoles. Son agriculture, bien qu’importante en termes d’emplois (22% de l’emploi total en France en 1950 par exemple), est encore peu développée et peu compétitive. Pour pallier ce constat, les Etats-membres décident de s’allier pour établir une politique agricole, qui sera la première politique européenne commune. L’article 39 du Traité de Rome définit les cinq grands objectifs de la PAC :
- accroître la productivité de l’agriculture en développant le progrès technique, en assurant le développement rationnel de la production agricole ainsi qu’un emploi optimum des facteurs de production, notamment de la main d’œuvre.
- assurer un niveau de vie équitable à la population agricole, notamment par le relèvement du revenu individuel de ceux qui travaillent dans l’agriculture,
- stabiliser les marchés,
- garantir la sécurité des approvisionnements,
- et assurer des prix raisonnables dans les livraisons aux consommateurs.
On constate que finalement les objectifs initiaux de la PAC se rapprochent fortement des problématiques actuelles de l’agriculture… En 1962, les principes d’unicité des marchés, de préférence communautaire et de solidarité financière sont confirmés lors d’un conseil des ministres de l’agriculture. La PAC est officiellement née.
Deux grands types d’instruments sont alors mis en place pour appliquer ces principes : des instruments de soutien des prix et des marchés, les Organisations Communes de Marché (OCM), et des instruments de politique socio-structurelle. Les OCM instaurent ainsi des prix planchers garantis, des prélèvements sur les importations et des subventions aux exportations. Le financement de ces mesures est permis par le Fond européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA). Il faudra attendre 1968 et le plan Mansholt pour voir les premières mesures structurelles prises. Jugées trop drastiques, elles sont abandonnées puis réapparaissent en 1972 de façon plus édulcorée, sous la forme de trois mesures :
- mise en place de plans de développement,
- création d’une aide à la cessation d’activité
- et création d’une aide à la formation.
1975 verra la création de l’Indemnité Compensatrice de Handicaps Naturels (ICHN).
1984-1992 : les premières réformes et l’apparition des quotas.
Les premiers changements sont initiés par la publication d’un « Livre vert » en 1985. Si les mesures originelles de la PAC ont permis d’améliorer l’auto-suffisance de l’Europe, elle a aussi engendré des excédents de production. Par exemple, le lait absorbait, en 1980, 42 % des dépenses du FEOGA-Garantie en raison des excédents très importants. De fait, les quotas laitiers ont été instaurés en 1984. Pour les grandes cultures, notamment pour les oléo-protéagineux et pour les céréales, les seuils de garantie et les quantités maximales garanties (QMG) ont été privilégiées. A la différence des quotas, les seuils de garantie et les QMG consistent à fixer un plafond de production à l’échelle communautaire. En cas de dépassement, l’ensemble des producteurs est pénalisé soit par une taxation soit par une baisse des prix garantis. Dans le cas des QMG, la pénalisation est proportionnelle au dépassement. Ainsi, dès 1982 des seuils de garantie sont introduits pour les céréales, le riz et le colza, pour le blé dur et le tournesol en 1984. Ensuite, les seuils de garantie ont été remplacés par des QMG, en 1986 pour le colza et le tournesol, en 1987 pour les graines de soja et en 1988 pour les céréales.
Le gel des terres volontaire est aussi favorisé à cette époque. En 1988, une « ligne directrice » est instaurée afin de réguler les dépenses européennes liées à l’agriculture, trop importantes.
1992-2013 : trois grandes réformes successives.
Entre 1992 et 2013, trois grandes réformes se sont succédées et ont permis des modifications majeures par rapport à la PAC initiale : la réforme Mac Sharry (1992-1999), la réforme Agenda 2000 (2000-2006) et la réforme de Luxembourg (2003-2013).
La réforme Mac Sharry est la première réforme de fonds de la PAC. Elle a cinq objectifs :
- Assurer la compétitivité de l’agriculture européenne à l’échelle mondiale.
- Permettre la reconquête du marché intérieur dans le domaine des céréales pour l’alimentation animale notamment.
- Maîtriser la production et les dépenses budgétaires.
- Diminuer l’inégalité de la distribution des soutiens à l’agriculture.
- Contribuer à l’aménagement du territoire et à la préservation de l’environnement.
Concrètement, les OCM sont réformés en introduisant une sorte de « découplage partiel » entre le niveau de soutien et les quantités produites. Les prix de soutien sont ainsi diminués, les aides directes compensatoires sont découplées du niveau de production en étant calculées sur une base historique et un encadrement quantitatif et une conditionnalité des aides sont mis en place.
La réforme Agenda 2000 a été adoptée en mars 1999 au sommet de Berlin. Elle a trois grands objectifs :
- poursuivre la réforme Mac Sharry,
- répondre aux nouvelles attentes de la société à l’égard de l’agriculture (santé et bien-être animal, environnement, développement rural)
- et atteindre un meilleur équilibre entre les décisions nationales et européennes.
Pour cela, le découplage partiel des aides est poursuivi et des règles communes pour le versement des aides sont établies.
La réforme de Luxembourg est issue d’un bilan à mi-parcours de la réforme Agenda 2000, le 26 juin 2003 lors du conseil des ministres de l’Agriculture de Luxembourg. Elle a engendré des modifications importantes. Ainsi, la réforme du 1er pilier de la PAC a consisté à rénover les modes de versement des aides à l’agriculture en introduisant un régime de paiement unique instituant le découplage total de certaines aides et en rendant obligatoires l’éco-conditionnalité (les agriculteurs ne peuvent recevoir des aides que s’ils appliquent certaines mesures en faveur de l’environnement) et la modulation (réduction des aides en fonction de la main d’œuvre employée, du résultat et du total des aides perçues par les exploitations). Le 2nd pilier, pour sa part, a été renforcé grâce à la mise en place de la modulation obligatoire. Des mesures sont prises pour favoriser la qualité alimentaire, faire respecter les normes, améliorer le bien-être animal, aider les jeunes agriculteurs à s’installer, soutenir le programme Natura 2000 et améliorer la gestion des forêts. La réforme de Luxembourg prévoit enfin une rénovation du fonds assurant le financement de la PAC et a ainsi créé le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADR) et le Fonds européen de garantie agricole (FEAGA) le 1er janvier 2007.
Quel bilan peut-on faire ?
Les réformes successives ont permis à la PAC de s’adapter aux changements mondiaux qui ont touché l’agriculture. La PAC a du évoluer pour paraître moins protectionniste tout en préservant l’agriculture européenne. Par rapport à ses objectifs initiaux, la plupart ont été remplis. En effet, la productivité a augmenté et l’autosuffisance est atteinte pour les principaux produits agricoles de zone tempérée. Ainsi, au sein des 12 pays membres initiaux de la CEE, le taux de couverture moyen est passé de 22 à 67% entre 1960 et 1990. Les mesures environnementales ont aussi eu des effets positifs sur l’extensification de la production et sur les conversions à l’agriculture biologique notamment.
Cependant, de nombreuses critiques sont aussi à faire sur la PAC. En effet, elle garde un coût très élevé, malgré les différentes mesures prises pour réguler son budget. De plus, elle est très mal perçue par les autres pays mondiaux et notamment par les Etats-Unis qui la considèrent comme une politique protectionniste et qui dénoncent en particulier le caractère distorsif des aides à l’exportation (c’est-à-dire le fait qu’ils influent sur les décisions des entreprises). De fait, la PAC a constamment évolué dans le sens d’une réduction des effets distorsifs des aides aux agriculteurs avec un développement des aides directes puis le découplage.
Enfin, les revenus agricoles restent un problème d’actualité et sont toujours inférieurs en moyenne à ceux des autres secteurs. La PAC n’a en outre pas empêché la disparition des exploitations, qui s’est progressivement accélérée.
Quel avenir pour la PAC après 2013 ?
Les réformes récentes subies par la PAC ont engendré des modifications profondes et ont instauré des mesures à venir pour la PAC d’après 2013. L’objectif de ces mesures est de « permettre aux agriculteurs de mieux réagir aux signaux des marchés » et de ne pas bloquer, par des mécanismes d’intervention, le fonctionnement auto-régulateur des marchés agricoles. Trois types de mesures entrent dans cette optique : la suppression des quotas laitiers en 2015, la suppression des jachères obligatoires depuis 2008 et la révision des mécanismes d’intervention. Toutes les aides directes devront progressivement être découplées. Les moyens de financement du 2nd pilier de la PAC seront développés. Néanmoins, dans le système de libéralisation actuel et dans l’optique de la disparition prochaine des quotas, la légimité-même des aides pourrait être remise en cause. L’Union européenne devra s’adapter pour faire face à des concurrents mondiaux ayant un poids de plus en plus important et à des règles commerciales de plus en plus strictes. Elle reste néanmoins un outil de régulation de l’agriculture européenne puissant, et une assurance pour les agriculteurs européens. V.D.
Agro-media.fr remercie Mme Virginie Baritaux, maître de conférences en économie agroalimentaire à VetAgro Sup, pour sa contribution à cette analyse.