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Après plus de dix ans de croissance ininterrompue, les marques de distributeur (MDD) semblent être parvenues à un tournant historique en ayant pour la première fois stagné en termes de parts de marché en 2011. Pourtant, les distributeurs rivalisent à coup d’innovations pour séduire toujours davantage de consommateurs et l’on pourrait penser que la crise incite ces derniers à choisir ces produits moins coûteux que les marques nationales.
Alors, comment les consommateurs considèrent-ils ces marques quelque peu particulières ? Les MDD ont-elles encore une marge de progrès ou bien ont-elles atteint leurs limites ? Sont-elles parvenues à devenir des marques à part entière ?
Agro-media.fr vous propose de faire un tour d’horizon des marques de distributeurs.
Présentation des marques de distributeurs
Pour commencer, connaissez-vous bien les marques de distributeurs ? Il faut savoir qu’elles sont apparues sous leur forme actuelle dès 1975, principalement grâce à Euromarché et sa marque « Orange » et à Carrefour avec ses produits « libres » (1976), mais aussi grâce à Casino.
Les produits libres de Carrefour
Carrefour est la première enseigne à apposer son nom sur un produit. Excepté Intermarché, les enseignes ne fabriquent généralement pas leurs produits vendus sous MDD. Elles s’approvisionnent auprès de fournisseurs et élaborent à leur intention les cahiers des charges des produits qu’elles vendront ensuite sous leurs marques. En France, les principaux fournisseurs de produits vendus sous MDD restent les PME, même si certaines grandes entreprises se mettent à ces produits pour amortir leurs charges fixes. Les enseignes se tournent de plus en plus vers des entreprises locales, pour pouvoir ensuite communiquer sur cet approvisionnement régional auprès de leur clientèle.
Les MDD se déclinent en trois catégories :
- les MDD entrées de gamme,
- les MDD standards
- et les MDD haut de gamme.
Les MDD standards, ou coeur de gamme, restent les plus plébiscitées par les consommateurs. Ce sont d’ailleurs les seules qui ont vu leurs parts de marché progresser l’an dernier. Leur principal atout réside dans leur prix, étant donné que ces produits bénéficient de moins d’investissements publicitaires que les produits de marques nationales et qu’ils parviennent à supprimer des intermédiaires. Selon les chiffres de SymphonyIRI, les écarts de prix observés entre les produit MDD et les produit à marque peuvent atteindre 50% sur certains marchés !
En revanche, les MDD ont pendant longtemps été considérées comme de moins bonne qualité que les marques nationales, en raison de leur positionnement prix. Si elles sont aujourd’hui perçues comme un gage de qualité, elles ne parviennent toujours pas à s’imposer sur certains segments, comme les pâtes à tartiner chocolatées, par exemple (Nutella restant le leader incontesté du segment). Elles proposent parfois même des produits de meilleure qualité que les marques nationales concurrentes (c’est le cas des équivalents sous MDD du Nutella, qui sont plus sains nutritionnellement parlant que leur homologue sous marque nationale), mais qui ne sont pas perçus comme tels par les consommateurs. Néanmoins, les mentalités évoluent peu à peu en faveur des MDD.
Après dix ans de croissance ininterrompue, les MDD sont en stagnation en France depuis 2009, à 30% de parts de marché en valeur selon Nielsen Scan Track.
Un formidable terrain d’innovations pour la grande distribution
Si, pendant des années, les MDD se sont contentées de reproduire des références de grandes marques nationales très appréciées par les consommateurs, sans prendre de risques, on s’aperçoit qu’aujourd’hui la tendance s’inverse. En effet, les enseignes de grande distribution n’hésitent plus à travailler en partenariat avec leurs fournisseurs pour élaborer des produits innovants, au nez et à la barbe des marques nationales. Car, après tout, les enseignes de grande distribution ne sont-elles pas les mieux placées pour identifier les besoins des consommateurs ? Elles se retrouvent en effet à l’interface directe entre transformation et consommation et peuvent de fait élaborer des produits en adéquation avec les attentes de leurs clients.
Les principales innovations des MDD suivent globalement les tendances de l’agroalimentaire de façon générale. Ainsi, santé, nutrition, développement durable et plaisir en sont les maîtres-mots. Par exemple, Système U a récemment devancé les géants des sodas en innovant avec des boissons sans conservateurs et sans aspartame, élaborées en partenariat avec l’entreprise L’Abeille. Carrefour et Auchan avaient déjà précédé Système U sur le segment des boissons sans aspartame.
Les MDD ont d’ailleurs pris tellement d’ampleur en France qu’elles ont leur propre salon, MDD Expo, qui s’est tenu les 3 et 4 avril derniers. A cette occasion a eu lieu le challenge « 100 nouveautés 2012 » et le cœur du salon était réservé au « Innovations Store », véritable vitrine de l’innovation pour les enseignes de distribution de huit pays.
Néanmoins, si les distributeurs français ont augmenté leur nombre de références en 2011, cette hausse a été plus faible que les années précédentes.
Les MDD ont-elles encore de l’avenir ?
Il existe de grandes différences en termes de performances des MDD entre les segments de produits. Ainsi, elles ont une marge de progression plus importante sur le rayon liquides, par exemple, sur lequel elles ne possèdent que 22,3% des parts de marché, que sur le rayon saurisserie et poissons fumés où elles s’affichent en leaders avec 54,6% des parts de marché (source : Kantar WorldPanel/LSA).
Les MDD ne se sont lancées sur certains marchés que tardivement, à l’instar de celui du halal. Selon Abbas Bendali, du cabinet Solis, qu’agro-media.fr avait interviewé en exclusivité, « 2011 est la première année où les MDD ont gagné des positions sur ce marché : c’est l’année de lancement de Carrefour Halal et on voit dans notre dernière étude que cette marque est reconnue par les consommateurs en termes de notoriété. Elle a été repérée dans les linéaires et dispose d’un taux de pénétration conséquent un an après son lancement ».
Les enseignes n’hésitent donc plus à segmenter leurs MDD en fonction de leurs cibles, afin d’adapter au mieux leurs mix-marketing. Des MDD spécialisées sont ainsi apparues pour :
- les enfants (Leader Price Kids et BéBé par exemple),
- les consommateurs allergiques (MDD sans gluten d’Auchan),
- le halal, comme nous venons de le voir,
- le bio,
- la nutrition et la santé (Bien pour vous ! de Casino),
- les produits ethniques ou de terroir ( Reflets de France de Carrefour, Nos régions ont du talent de Leclerc, Itinéraire des Saveurs d’Intermarché…),
- etc.
Enfin, il est intéressant d’observer que les MDD ne se sont pas développées pareillement en Europe. Ainsi, les MDD suisses triomphent avec 53% des parts de marché quand les MDD turques n’atteignent que 16% (source : PLMA). Les MDD françaises se situent plutôt dans le haut du classement avec 36% des parts de marché en volume en 2011.
Les exemples de la Suisse et du Royaume-Uni, pays dans lesquels les MDD affichent jusqu’à 90% de taux de pénétration sur certaines catégories de produit, laissent encore de belles perspectives de croissance aux MDD en France. Cependant, la partie est loin d’être gagnée pour les MDD françaises, étant donné que leurs homologues belges ou allemandes ont vu leurs parts de marché décliner après avoir atteint des sommets… Tous les pays ne sont donc pas logés à la même enseigne !
En conclusion, on peut dire que les marques de distributeurs (MDD) ont réussi l’exploit en 25 ans de s’implanter totalement dans nos habitudes de consommation. Elles sont parvenues à se faire une place de choix dans les paniers des français, grâce à leur positionnement prix mais pas uniquement. Si en effet elles ne toléraient jusque-là aucune innovation, la tendance s’inverse pour laisser la place à des distributeurs inventifs, qui maîtrisent de mieux en mieux l’intégralité de la filière agroalimentaire, à l’instar d’Intermarché qui possède ses propres usines. Nous vous avions d’ailleurs demandé sur agro-media.fr si vous considériez les MDD comme des marques à part entière et c’est sans conteste le « oui » qui l’emporte avec 78% des suffrages ! La proximité des distributeurs avec les consommateurs leur permet d’être à l’écoute de leurs attentes et ainsi de proposer des innovations qui s’inscrivent dans les tendances actuelles. Il est indubitable que les MDD françaises ont encore une marge de progrès. Néanmoins, elles devront rivaliser d’inventivité tout en sacrifiant leurs marges pour tenir tête à leurs concurrents nationaux qui ne sont pas prêts de laisser leur part du gâteau. V.D.