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Voilà un peu plus d’un an que les quotas laitiers ont disparu en Europe. Depuis le 31 mars 2015, pour être précis. Depuis, les conséquences de cette dérégulation du marché se font ressentir. La production a connu une hausse de 2 %, en Europe. Au niveau mondial, les prix ont quant à eux chuté de 3 %. Cette tendance a été renforcée par la baisse de la demande chinoise, en particulier la demande en poudre de lait écrémé, qui a chuté de 22 %. L’embargo russe a également joué un rôle fort. 238 000 tonnes de fromages allemand, néerlandais et danois, pour la plupart, se sont vus refouler.
La France pâtit de la fin des quotas
La France a été directement impactée par la disparition des quotas. Les éleveurs, qui avaient anticipé la dérégulation dès 2014, ont accru leur production, qui a augmenté de 1,1, entre janvier et novembre 2015. L’hiver doux, qui a fait pousser davantage d’herbe a également favoriser la hausse de la production. Les prix ont de leur côté reculé de 29 euros par tonne de lait sur un an, à 297 euros/tonne en décembre. En janvier et février 2016, Lactalis, qui collecte a lui seul près de 5,5 milliards de litres de lait chaque année, a acheté le lait à 270 euros la tonne, en prix de base. Alors qu’en 2014, le prix avait atteint 365 euros la tonne.
Ces prix sont bien inférieurs au coût de revient pour les éleveurs. En conséquence, de nombreuses manifestations ont éclaté à l’été 2015. La crise va se traduire par l’arrêt de nombreux élevages faute de rentabilité, estime d’ailleurs Agritel.
Pour ne pas arranger la situation, la grande distribution a augmenté les importations de lait de consommation de 16 %, à 210.000 tonnes sur onze mois en 2015. « Ces importations équivalent à priver d’activité près de 1.500 fermes », selon Dominique Chargé, président du groupe Laïta.
Disparition des quotas : hausse de la production et baisse des prix en Europe
La France n’est pas le seul pays à avoir été impacté par la disparition des quotas laitiers. Mais dans les pays d’Europe, les éleveurs mise sur une hausse des volumes produits pour compenser la perte de chiffre d’affaires, affirme Agritel.
L’Irlande était l’un des plus fervent défenseur de la dérégulation du marché européen. Le pays vise d’ailleurs une hausse de sa production de 50 % d’ici à 2020. En 2015, la production a déjà bondi de 13,5 %. Et de 48 % sur le seul mois de décembre. Le pays s’était bien préparé à l’échéance. Les éleveurs irlandais ont investi 1,5 milliard d’euros ces cinq dernières années pour augmenter leur production. L’an dernier encore, le cheptel a encore progressé de près de 9 %. Par ailleurs, l’Irlande est favorisée par son climat qui permet à ses vaches de paître dix mois par an. Ses coûts de production sont ainsi les plus bas de l’Europe.
Pourtant, le pays pâtit de la baisse de prix. La plupart de éleveurs vendent en dessous de leurs coûts de production, si bas soient-ils. « Combiné avec le fait que certains éleveurs se sont endettés significativement pour s’agrandir, la durée de la baisse des prix sera cruciale pour la survie de certains élevages », explique l’association des producteurs de lait irlandais (ICMSA), l’AFP. « Beaucoup d’éleveurs ne peuvent plus se payer car les cours sont descendus à peu près au niveau des coûts de production », précisé Catherine Lascurettes, de l’Irish Farmers’ Association (IFA), le principal syndicat d’exploitants, dans Les Echos.
La fin des quotas touche aussi la Nouvelle-Zélande
La hausse de la production de lait concerne en réalité le plupart des pays européens. Entre janvier et novembre 2015, la Belgique a accru sa production de 6,5 %. En 2015, les Pays-Bas ont connu une hausse de 7 % et de 17 % rien que sur le mois de décembre.
En Allemagne aussi, la fin des quotas a entraîné une hausse de la production et une hausse des prix. Pourtant, la majorité des éleveurs ne regrettent pas la fin des quotas. Ils tablent sur d’hypothétiques nouveaux marchés à l’export, notamment au Japon et en Amérique du Sud
Les conséquence de la dérégulation du marché européen dépasse en réalité les frontières du continent. La Nouvelle-Zélande, premier exportateur mondial, est également touché par la baisse des prix. Le pays reproche à l’Europe d’avoir joué un rôle dans cette baisse, en produisant trop de lait. La coopérative Fonterra, géant mondial de l’industrie laitière, a dû supprimer plus de 700 emplois et a baissé deux fois le prix payé à ses éleveurs. Cependant, la plupart des fermes devraient retrouver leur viabilité à moyen terme.
Vers un retour des quotas ?
Face à ces difficultés, Bruxelles s’est déclarée favorable, en mars dernier, à des mesures temporaires pour limiter la production de laitiers. Pour les première fois, les vingt-huit pays de l’UE ont recouru à l’article 222 des règles de la PAC, qui permet à des organisations de producteurs et à des coopératives « d’établir des accords volontaires sur leur offre » en cas de grave déséquilibre sur le marché. Cette mesure sera valable six mois. Elle prévoit également un doublement des niveaux de stockage pour la poudre de lait et le beurre. Il vont croître respectivement à 218.000 tonnes et 100.000 tonnes. Un niveau qui est d’ailleurs plus élevé que celui demandé par la France. De plus, le plafond d’aides autorisées a été triplé, passant à 15 000 euros par an et par exploitation. « C’est un vrai signal pour les acteurs de la filière », a indiqué Stéphane Le Foll. De son côté Xavier Beulin, dirigeant de la FNSEA estime dans Les Echos que « ce n’est pas très ambitieux. S’il n’y a pas de financement, la réduction de la production sur la base de l’article 222 n’a pas d’intérêt. »