L’engouement que connaissent les circuits courts nous amène à nous interroger sur l’évolution de nos modes de consommation alimentaire.
Mais qu’est ce qu’un « circuit court » ? Il s’agit en général d’un circuit de distribution comportant au maximum un intermédiaire entre le producteur et le consommateur.
Au-delà de la seule notion d’intermédiaire, le concept de circuit court intègre la notion de proximité entre le producteur et le consommateur.
Cette proximité est à la fois :
- Spatiale : je consomme des produits locaux.
- Relationnelle : je connais le producteur et j’entretiens avec lui une relation privilégiée1.
Les formes les plus connues de circuits courts sont :
- La vente à la ferme,
- La vente sur les marchés,
- Les magasins de producteur,
- Et plus récemment les AMAP2.
La dernière étude Agreste3 estime qu’un agriculteur sur 5 commercialise sa production en direct. En tête arrivent le miel et les légumes : près d’un producteur sur deux pratique la vente. Ce chiffre passe à un sur quatre pour les fruits et concerne plus d’un éleveur sur trois pour les produits à base de lait de vache. Le mode de production a également beaucoup d’influence puisque les producteurs Bio commercialisent proportionnellement plus en circuit court que leurs homologues conventionnels.
Quelles sont les grandes motivations à l’origine de l’essor des circuits courts ?
Au niveau du consommateur, on peut en citer 3 principales :
- Une sensibilisation croissante à la protection de l’environnement et à la réduction des GES4. Les circuits courts étant perçus comme moins énergivores (à tort ou à raison).
- Une réaction face à la mondialisation, vécue comme anxiogène et le besoin de rattachement à un territoire ou terroir. On parle alors de « locavorisme », à savoir privilégier des approvisionnements de proximité.
- Au-delà on trouve également l’envie de redonner du sens à ses actes d’achat et de redevenir acteur de son mode de consommation, on parle alors de « consom’acteur »
Au niveau des pouvoirs publics, des tendances de fond sont amorcées depuis quelques années :
- « plan ministériel circuits courts » de 2009 (dit « Plan Barnier ») qui avait pour objectif de développer la part des produits de saison et de proximité dans les achats alimentaires dans le double intérêt des consommateurs et des agriculteurs.
- Le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche de 2010 qui vise « le développement des circuits courts et l’encouragement de la proximité géographique entre producteurs et transformateurs ».
- Enfin, le grenelle de l’environnement qui vise à favoriser l’introduction de 20% de produits bio en Restauration collective dès 2012 .
Cela conduit les collectivités publiques à rechercher des solutions d’approvisionnement locale pour la restauration collective notamment.
Si les « circuits courts » concernent initialement la production agricole et ses modes de commercialisation, ils affectent également les industries agroalimentaires et les distributeurs.
L’étude Xerfi / Credoc5 sur les marchés de la proximité à l’horizon 2015 ne s’est d’ailleurs pas trompée et a mis en évidence les nouvelles opportunités de croissance portées par ces tendances de fond :
- Proximité des produits en favorisant l’ancrage avec le territoire.
- Proximité affinitaire en se rapprochant des valeurs des consommateurs (Bio, équité sociale, développement durable, approvisionnement local).
- Proximité de distribution en vendant directement aux consommateurs (magasin d’usine, Ecommerce, vente par correspondance).
Alors quel avenir pour les circuits courts ? Simple effet de mode ou tendance de fond ? Il est encore difficile de répondre tant la Grande Distribution a une place prépondérante dans le domaine alimentaire avec près de 66% de parts de marché. De nombreux projets voient le jour et doivent passer aux fourches caudines du réalisme économique, qui plus est, en temps de crise.
Les circuits courts disposent pourtant d’un allié de taille : Internet et le web 2.0. Cet outil permet de raccourcir l’espace et de développer de véritables communautés motivées par un approvisionnement local.
Devant ce « nouveau champ des possibles », nous vous invitons à venir faire un petit tour de France et d’Europe des initiatives en circuit court qui vont changer nos manières de consommer.
Dans ce premier article, nous nous intéresserons à une initiative de commercialisation de paniers Bio dans la région Lyonnaise : Les paniers de Martin.
http://www.lespaniersdemartin.com
Entretien réalisé avec Martin Deslandres, fondateur et dirigeant de la société Les Paniers de Martin, située à Vaugneray près de Lyon.
La société a été créée en 2005, elle commercialise des paniers Bio. Elle collecte les produits auprès d’une trentaine de producteurs, principalement dans un rayon de 50 km.
L’approvisionnement est réalisé à 95% en local à quelques exceptions près pour un producteur de châtaignes en Sud-Ardèche et un maraicher. « Pour la poire, nous démarrons la saison en local puis nous nous approvisionnement en Haute-Savoie, pour le raisin de table, il est difficile d’en trouver localement et complétons avec un agriculteur du Gard ».
Petite entorse au locavorisme, elle propose en hiver des oranges Bio d’Espagne « Nous nous sommes longuement interrogés sur la pertinence de distribuer un produit ‘lointain’. Le fait de proposer des oranges Bio, de qualité, sourcées auprès d’un petit producteur espagnol et qui ne concurrencent pas nos produits locaux nous a convaincu. Nous les proposons en commande supplémentaire de telle manière à ce que nos clients puissent décider d’eux mêmes ».
L’offre principale est portée par les fruits et légumes de saison (80% du chiffre d’affaires). L’entreprise propose des paniers à 10, 17 et 27€. Elle peut être complétée par de la viande, des œufs, des produits laitiers, des jus de fruits…
Les clients passent leur commande au plus tard le lundi midi grâce au site Internet. « Cela nous permet d’avoir une vision exacte des besoins réels et d’organiser la semaine en conséquence ». 3 tournées sont organisées dans la semaine pour approvisionner les 22 points relais situés à St Etienne, Lyon et son agglomération.
Un soin particulier est porté afin de faire varier la composition des paniers chaque semaine car il faut faire attention à ne pas lasser les consommateurs : « nos clients ont la possibilité de noter leur panier et de nous donner leurs impressions, cela nous permet de nous ajuster ».
Et parce que les systèmes par abonnement peuvent être vécus comme contraignants, les clients sont libres de passer commande « la seule contrainte est de passer commande au plus tard le lundi midi pour une livraison en semaine ».
Et que dire de la pérennité de cette forme de distribution ? « Nous existons depuis 7 ans maintenant et avons connu une forte croissance en 2008/2009. Au départ nos clients recherchaient des fruits et légumes locaux, aujourd’hui c’est un véritable mode de consommation différent que recherchent les consommateurs (…). Aujourd’hui la base de clientèle est moins large par contre le panier moyen est plus élevé, or il ne nous faut guère plus de travail pour préparer et livrer un panier à 25/30€ que pour un à 8€. Cela nous permet d’être plus efficients ».
Reportage Euronews sur Les paniers de Martin :
Dans notre prochain blog, nous verrons comment des agriculteurs ont fait le tour de force de vendre en circuit court……dans des hypermarchés Auchan !
- Les circuits courts en agriculture : un modèle de distribution alimentaire à contre-courant Christine Aubry et Jean Baptiste Traversac INRA http://www.inra.fr/la_science_et_vous/apprendre_experimenter/questions_d_actu/circuits_courts
- Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne
- Agreste Primeur N°275 – Janvier 2012
- Gaz à Effet de Serre
- Etude Xerfi/Credoc, Mai 2011 « Industriels agroalimentaires, coopératives agricoles, distributeurs : quelles stratégies sur les marchés de la proximité à l’horizon 2015 ?»