So good, le poulet KFC ? Rien n’est moins sûr selon Greenpeace. L’ONG a lancé fin mai une campagne contre le géant américain du poulet frit. En cause, les emballages en carton qui seraient fabriqués à partir de bois illégal.
Lié au groupe Yum ! qui possède entre autres Taco Bell et Pizza Hut, KFC se revendique comme la plus grande entreprise mondiale de restauration rapide et a enregistré un chiffre d’affaires dépassant 9 milliards d’euros en 2011. Si l’ONG n’a pas lésiné sur les moyens, la campagne a été peu suivie dans l’Hexagone et Greenpeace France a fait preuve de timidité par rapport à ses homologues canadien ou indonésien. Les médias français ont, eux, difficilement relayé l’information.
Greenpeace demande à l’entreprise, auparavant accusée d’entretenir l’opacité autour de sa politique environnementale, de rompre ses relations commerciales avec Asian Pulp and Paper (APP), une entreprise appartenant au conglomérat indonésien Sinar Mas. Car la société spécialisée dans l’huile de palme et la pâte à papier est la véritable cible de cette campagne. D’après une analyse cartographique réalisée par l’ONG, au moins 180 000 hectares de forêts marécageuses, où survivent aujourd’hui 400 tigres de Sumatra et situés sur les propriétés d’APP, auraient été déboisés depuis 2001. Le papier d’emballage utilisé par KFC serait en outre fabriqué à partir de bois provenant de forêts déjà menacées par la déforestation.
Déjà le 4 mars dernier, Greenpeace remettait au ministère indonésien chargé des forêts les résultats d’une enquête menée clandestinement sur les terres d’APP. La propriété de deux millions d’hectares alimenterait l’usine Indah Kiat Perawang située sur l’île de Sumatra (Indonésie) et qui fabrique du « mixed tropical hardwood » (MTH). Or, cette matière première issue de forêts naturelles serait en réalité un mélange de divers bois tropicaux et de grumes de ramin, une essence dont l’exploitation et la commercialisation sont interdites depuis 2001.
Le rapport de l’ONG intitulé « How KFC is junking the jungle by driving rainforest destruction in Indonesia » précise par ailleurs que la « Lunchbox Streetwise », qui contient du poulet et des frites, et la « Snackbox », une boîte à emporter composée d’une pièce de poulet et d’un demi épis de maïs, seraient fabriquées à partir de carton conçu dans l’usine d’Indah Kiat Serang sur l’île de Java (Indonésie). Ce site industriel serait approvisionné en bois par l’usine Perawang. De son côté, Greenpeace Royaume-Uni avait analysé des fibres prélevées sur les emballages KFC. Sept boîtes sur dix affichaient un taux de MTH dépassant 50 %.
L’agroalimentaire, 72 % du marché d’APP
APP s’est plusieurs fois défendu face à ces accusations. En mars 2012, l’entreprise indonésienne affirmait « prendre très au sérieux tout ce qui peut indiquer une violation des réglementations concernant la protection d’espèces d’arbres en danger » et précisait qu’elle aurait recours à du bois provenant exclusivement de plantations d’ici à 2015. Aujourd’hui, le MTH représente 15 % du bois exploité par la filiale de Sinar Mas.
Ces promesses restent insuffisantes pour Greenpeace qui, en attaquant KFC, compte bien inciter les entreprises à choisir du bois provenant de forêts gérées selon les principes du développement durable. L’agroalimentaire fait partie des premiers secteurs concernés : les emballages alimentaires et les contenants de boissons représentent 72 % du marché d’APP. Les professionnels du conditionnement et plus largement de l’agroalimentaire disposent donc de leviers d’action efficaces.
Plusieurs géants du secteur tels que McDonald’s, Nestlé, Unilever ou encore Delhaize l’ont bien compris et se sont engagés afin de promouvoir des pratiques durables au sein de leur chaînes de production. Une stratégie commerciale qui plait aux consommateurs et que KFC devrait adopter.
Ecrit par Anna Demontis.