En France, le marché des boissons rafraîchissantes (BRSA) est un secteur diversifié qui comprend toutes les boissons non alcoolisées à l’exception de l’eau minérale. Deux grandes catégories se distinguent dans ce secteur à savoir les boissons rafraîchissantes gazeuses et les boissons rafraîchissantes non gazeuses. Il rassemble ainsi plusieurs familles de produits fabriqués principalement à base d’eau et de sucre, telles que les colas (premier segment sur le marché), les boissons aux fruits plates ou pétillantes (les boissons gazeuses aux fruits occupent la deuxième place), les limonades, lime, tonics, les boissons à base de thé, les eaux aromatisées… Le marché français des BRSA se classe à la troisième place en Europe, après Allemagne et Italie. Coca-Cola, Pepsi Co et Orangina Suntory sont les principaux acteurs de ce marché.
Si depuis quelques années, le chiffre d’affaires de ce marché n’a cessé de croître en réponse aux évolutions de comportements des consommateurs, le secteur a été cependant impacté par les différents confinements durant la pandémie.
Avec un chiffre d’affaires pour les soft drinks en France avoisinant les 8 milliards d’euros en 2019, le secteur a ainsi connu une forte baisse en 2020 durant la crise. Les consommateurs ont en effet modifié leurs habitudes de consommation et se tournent désormais vers plus de naturalité et de bio. De nombreuses entreprises ont ainsi apparu dans ces marchés de niche proposant moins de sucre, plus de végétal et d’arômes exotiques.
Surfer sur la vague du «sans» et de la naturalité
«Les eaux embouteillées tentent de se faire une place aux côtés des soft-drinks, tandis que les bières sans alcool y voient une bonne occasion de se positionner. (…) Les frontières disparaissent et tous les acteurs du marché veulent surfer sur la vague du « sans » et de la naturalité, nouvelles habitudes de consommation qui s’avèrent être de redoutables facteurs déclencheurs d’achat», souligne la Fédération Nationale des Boissons (FNB).
Selon CHD Expert, Nielsen, 60 millions de consommateurs, 86% des Français veulent consommer de façon responsable, 83% d’entre eux font attention au caractère naturel des produits et 41% déclarent adopter un mode de vie 100% healthy.
Face à la transformation du marché, où les consommateurs sont en quête de transparence, naturalité et bien-être, les marques ont bien compris qu’il fallait réagir. Orangina Suntory France a par exemple réduit le taux de sucre dans ses recettes de plus de 25%. Schweppes Agrumes est passé à une recette sans colorant ni arôme artificiel. Et, pour sa version Zéro, a supprimé le sucre et l’aspartame.
Les sodas ont ainsi accusé un revers historique (une baisse de 1% des ventes en 2019 selon le cabinet Xerfi). Coca-Cola Sprite, Fanta, ont vu leur croissance à la baisse. Coca-Cola a ainsi amorcé un nouveau virage avec des boissons « santé » tels que Honest ou encore sa référence bio, le thé glacé Fuze Tea et sa Smartwater, une eau haut de gamme.
Le succès des eaux arômatisées et des bières sans alcool
Les softs étant jugés trop sucrés, le secteur des eaux embouteillées, aromatisées, infusées ou fruitées performent avec une croissance de consommation de 3,6% en RHD en 2018 (source : Gira Food Service). Aux boissons rafraîchissantes, l’eau, principal concurrent des BRSA, s’est aussi positionnée comme une alternative.
Des fusions/acquisitions en nombre
Selon les dernières transactions réalisées par M&A Worldwide, sociétés de conseil en fusions et acquisitions, le marché des boissons en général a été «plus que porteur ». En termes de chiffres, il représente entre 18% et 23% des transactions opérées ces cinq dernières années dans l’industrie Food & Beverage. En 2019, de manière générale c’est en Europe que le marché a été le plus actif, comptabilisant 50% des opérations. Néanmoins, la transaction la plus importante de l’année a été réalisée en Australie, puisque la firme japonaise Asahi Group Holdings a annoncé l’acquisition du leader australien de production de bière et de cidre Carlton & United Breweries pour la somme de 11,3 milliards de dollars. «Objectif de cette opération d’ampleur : rassembler certaines des marques d’alcool et de boissons non alcoolisées les plus connues et les plus aimées, exploiter des opportunités de cross-selling dans différents pays et s’appuyer sur des économies d’échelle en termes aussi bien de distribution que de coûts logistiques», relaye le cabinet conseil MBA Capital.
La frontière entre alcools et sodas rétrécie
«Cette tendance à la consolidation est également visible sur les opérations de plus petite taille. Les plus grands producteurs de marques de boissons sont confrontés à de nouveaux challengers, notamment des artisans et des producteurs premium qui leur prennent des parts de marché. Les leaders cherchent de nouveaux moyens d’endiguer la baisse des ventes. En raison des synergies potentielles dans la fabrication et la distribution, les rapprochements représentent une opportunité tactique et stratégique, aussi bien pour les vendeurs que pour les acheteurs» explique MBA Capital. Les habitudes changent, et les nouvelles tendances « healthy » n’ont pas fini d’impacter le marché de l’agroalimentaire.
Les producteurs de boissons alcoolisées se sont vus contraints de trouver de nouvelles alternatives, comme des versions sans alcool de leurs bières, cidres, vins ou encore cocktails. Les bières sans alcool tirent ainsi leur épingle du jeu et pèsent aujourd’hui 5,5% du marché total (tous segments confondus), un chiffre record, souligne la FVB.
«Marcher sur les platebandes des soft-drinks semble être une stratégie gagnante. Elles se proposent fruitées, acidulées, s’habillent de robes hautes en couleurs et attirent notamment les jeunes et les femmes. Ce marché, longtemps en sommeil, revient en force avec une nouvelle image, plus branchée et plus qualitative. Cette opportunité de toucher un public plus large est saisie par bon nombre de brasseurs, qui lancent régulièrement de belles innovations» commente la FNB.
«En 2018, 10% de nos chiffres d’affaires étaient liés aux innovations» affirme Pascal Sabrié, président directeur général de la Brasserie Heineken. Idem pour Kronenbourg avec le succès de Tourtel Twist qui en 2018, enregistre une hausse de ses ventes de 30% (tous segments confondus). Face à ces chiffres encourageants le brasseur a proposé de nouvelles références. Sur ce marché qui n’a pas fini d’évoluer, on observe ainsi que des entreprises initialement spécialisées dans les boissons alcoolisées produisent aussi désormais des sodas, et inversement. Coca-Cola a ainsi lancé au Japon une boisson alcoolisée «Lemon-do».
Bio et CBD : les nouvelles tendances
Parallèment, de nouvelles tendances de fonds apparaissent. «Le marché des boissons non alcoolisées est l’un des marchés les plus innovants, tiré par de nouvelles demandes des consommateurs et l’intégration de nouvelles matières premières», souligne Alcimed, entreprise qui aide les sociétés à innover et développer de nouveaux business, de nouvelles technologies, produits et services.
«Les industriels et start-ups débordent de dynamisme. La naturalité et la fonctionnalité sont des tendances persistantes chez les consommateurs (…) Si en 2018 nous faisions déjà référence aux consommateurs en quête de naturalité et de « clean label », en 2020 les consommateurs restent autant, voire plus, attentifs à la qualité et au profil nutritionnel de leurs boissons non alcoolisées préférées. Avec la pression supplémentaire de la taxe sucre imposée désormais par de nombreux pays, les produits se déclinent : light, sans aspartame, enrichis en fruits… Danone, qui avait annoncé en 2018 un plan massif sur le bio dans sa catégorie eaux, dénombre aujourd’hui plusieurs gammes de produits bio, notamment sur ses marques emblématiques Volvic et Evian, et ne compte pas s’arrêter là. Pour répondre aux demandes des consommateurs toujours plus exigeants, les nouvelles recettes promettent zéro additif, zéro conservateur et zéro sucre» analyse Alcimed.
Plus attentifs à l’impact santé de leur consommation de boissons, les consommateurs misent également sur leur fonctionnalité avec de nouvelles stars sur ce segment qui sont le cannabidiol (CBD) boostant le système immunitaire et diminuant le stress, la dihydromyricétine (DHM) comme remède contre les soirées trop arrosées, et l’ashwagandha pour gérer le stress et l’anxiété.
Energy drink et fermentation, une nouvelle génération de boissons
Les boissons énergisantes se renouvellent également avec des alternatives plus naturelles telles que le guarana et le ginseng pour remplacer la taurine. La start-up française Nossa! utilise les vertus de la baie d’açaï, Matahi Juice propose des jus de fruits bio et naturels énergisants avec le baobab, Runa propose des recettes à base de feuilles de Guayusa…
Les boissons fermentées sont aussi au cœur de cette nouvelle tendance avec les Kombucha, Kéfir, Kvas… Ces boissons santé ont le vent en poupe tant et si bien que Coca Cola a fait l’acquisition d’Organic & Raw Trading Co, fabricant australien d’une marque bio de Kombucha tandis que PepsiCo a acquit Kevita, une marque de boissons aux probiotiques.