Monsanto, condamné pour avoir intoxiqué un agriculteur, fait appel.
En 2004, alors que Paul François, agriculteur dans les Charentes, s’apprête à traiter ses 400 hectares de cultures de céréales avec l’herbicide Lasso, fabriqué par le géant américain Monsanto, il cherche à vérifier le contenu de sa cuve d’épandage et en respire alors des vapeurs. Très vite, il est victime de nausées, puis d’évanouissements.
En 2004, alors que Paul François, agriculteur dans les Charentes, s’apprête à traiter ses 400 hectares de cultures de céréales avec l’herbicide Lasso, fabriqué par le géant américain Monsanto, il cherche à vérifier le contenu de sa cuve d’épandage et en respire alors des vapeurs. Très vite, il est victime de nausées, puis d’évanouissements. Malheureusement pour lui, ces troubles ne passent pas, bien au contraire… Pendant près d’un an, il enchaîne les problèmes de santé anormaux : bégaiements, vertiges, maux de tête, troubles musculaires… Finalement, la présence de chlorobenzène est décelée dans ses urines et ses cheveux, preuve de l’intoxication à l’herbicide. En 2008, il est reconnu victime d’une maladie professionnelle, et est alors considéré comme invalide à 50%.
Pour l’agriculteur, aucun doute possible : tous ses problèmes de santé partent d’un seul et même évènement, le fait qu’il ait respiré des vapeurs de Lasso. Convaincu, il lance une procédure en responsabilité civile contre Monsanto et l’audience se déroule le 12 décembre 2011, à Lyon. Son avocat, Me François Lafforgue, insiste pendant l’audience sur le fait que Monsanto a « tout fait pour laisser le Lasso sur le marché », alors que son innocuité était mise en doute dès les années 1980 et que le Canada, l’Angleterre et la Belgique avaient interdit son utilisation. En France, il n’a été retiré du marché qu’en 2007. De plus, la présence de chlorobenzène n’était pas indiquée sur l’étiquette du Lasso.
Hier lundi 13 février, le tribunal de grande instance de Lyon a pris sa décision en « condamnant Monsanto à indemniser entièrement Paul François de son préjudice ». Le montant exact sera évalué par une expertise qui évaluera les préjudices subis par l’agriculteur. « Le tribunal a reconnu le lien de causalité entre la maladie de Paul François et l’inhalation du Lasso », a déclaré Me Stéphane Teyssier. Il a ajouté : « cette décision est historique. Elle fera jurisprudence pour tous les dossiers similaires car nombre d’agriculteurs sont dans la même situation ».
En effet, c’est la première fois en France qu’un fabricant de pesticides est reconnu coupable de l’intoxication d’un agriculteur. Suite à l’annonce du verdict, l’Anses a décidé de mener sa propre enquête sur la santé des agriculteurs.
Paul François a déclaré : « Je ne me rends pas encore trop compte, mais c’est une très grande satisfaction pour moi et mes proches. C’est un pied de nez à l’industrie pétrochimique, qui se croit au-dessus de toutes les lois et dans un système d’impunité ».
De nombreuses organisations se sont aussi félicitées de cette décision :
- Phyto’Victimes, tout d’abord, l’association que Paul François a créé et dont le rôle est de venir en aide aux agriculteurs victimes des pesticides ;
- Générations Futures, qui a salué « cette décision courageuse du TGI de Lyon » et a estimé que « la reconnaissance de la responsabilité de Monsanto dans cette affaire est essentielle : les firmes phytosanitaires savent dorénavant qu’elles ne pourront plus se défausser de leurs responsabilités sur les pouvoirs publics ou l’utilisateur et que des comptes leur sont demandés » ;
- la porte-parole d’Eva Joly, Michèle Rivasi, a déclaré qu’il s’agissait d’une « très bonne nouvelle et une belle victoire, en attendant que Monsanto fasse appel. Comme Paul François, de nombreux agriculteurs manipulent quotidiennement des produits extrêmement nocifs pour la santé et déclarent par la suite des maladies neurologiques qui peuvent dans certains cas s’avérer très graves. […] Maintenant que les résultats médicaux et scientifiques sont indéniables, il faut supprimer les autre produits phytosanitaires concernés » ;
- José Bové, de son côté, a estimé que « le problème des autorisations de ces herbicides est complètement à revoir. Les pouvoirs publics ont laissé traîner au-delà des risques reconnus au niveau international » et a dénoncé « les pressions permanentes de Monsanto pour maintenir et faire homologuer ses produits ».
Monsanto, de son côté, a évidemment regretté cette décision du TGI de Lyon. Me Jean-Philippe Delsard, avocat du géant américain, s’est notamment déclaré « déçu », étant donné qu’il estimait « qu’il n’y avait pas d’éléments suffisants pour établir un lien de cause à effet entre les symptômes de Paul François et une éventuelle intoxication au chlorobenzène mais le tribunal dit le contraire ».
De plus, si Monsanto reconnaît que l’étiquette du Lasso ne spécifiait pas l’obligation de porter un masque ou des gants, il affirme que « cela fait partie des recommandations d’usage diffusées lors des sessions de formation des agriculteurs à l’utilisation de ces produits ».
Enfin, Yann Fichet, le directeur des affaires institutionnelles et industrielles de Monsanto France, s’est défendu : « Nous avons toujours répondu aux obligations de transmettre toutes les informations scientifiques aux autorités compétentes ». Il a ajouté : « cette décision est inquiétante car elle risque d’ouvrir la porte à un nombre accru de procédures ».
Monsanto a donc fait appel de cette décision. Un nouveau procès devrait donc avoir lieu d’ici plusieurs mois voire un an.
Source : agro-media.fr avec Bioaddict (Mathilde Emery), Reuters, 20 Minutes (Audrey Chauvet), Sud Ouest (Aude Boilley) et Les Echos (Marie-Josée Cougard).
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