Forum Labo 2025 : Les défis et opportunités des laboratoires dans l’agroalimentaire  

Le secteur des laboratoires est en pleine mutation, porté par l’essor des technologies émergentes, l’automatisation des process et la nécessité d’optimiser le temps et la précision des analyses. Dans l’agroalimentaire, ces évolutions sont d’autant plus stratégiques qu’elles doivent répondre à des exigences de contrôle de plus en plus strictes, tout en intégrant des pratiques durables et responsables.

À l’approche du Forum Labo Paris 2025, qui se tiendra du 25 au 27 mars à Porte de Versailles, seront mises en lumière les avancées et tendances qui façonnent l’avenir des laboratoires. Cette année encore, les quatre grandes thématiques – Recherche, Production, Contrôle et Process – structureront les débats et innovations présentées par les acteurs de la filière.

Fort d’une expertise de plus de 30 ans dans le domaine des instruments scientifiques et de laboratoire, Loïc Thomas, Président du Forum Labo et du CIFL (Comité Interprofessionnel des Fournisseurs du Laboratoire), nous éclaire sur ces transformations mais aussi sur les défis et perspectives des laboratoires dans l’agroalimentaire, les tendances émergentes ou encore l’IA qui redéfinit les pratiques du secteur.

Entretien réalisé par Nathalie Delmas

Quels sont aujourd’hui les enjeux et défis des laboratoires en Recherche et Développement pour le secteur de l’industrie agroalimentaire ?

Loïc Thomas : Le secteur agroalimentaire a connu une croissance significative ces dernières années, entraînant de nouveaux défis pour les laboratoires en R&D. La sécurité alimentaire reste une priorité absolue, notamment dans un contexte marqué par des scandales sanitaires. Les laboratoires doivent garantir des produits exempts de risques tout en préservant leurs propriétés organoleptiques, ce qui représente un véritable défi, en particulier avec l’évolution des formulations. Par exemple, la substitution d’ingrédients d’origine animale par des alternatives végétales ouvre des perspectives intéressantes, mais nécessite des ajustements pour maintenir le goût, la texture et l’apparence des produits finis.

Un autre enjeu majeur est la digitalisation des données. Elle permet d’optimiser les coûts et d’améliorer l’efficacité en facilitant l’accès et l’analyse rapide des informations. Cette transformation numérique contribue également à renforcer la traçabilité et la conformité réglementaire.

Enfin, l’augmentation du nombre d’ingrédients et la complexification des listes de contaminants imposent aux laboratoires d’élargir leurs analyses, rendant la gestion des tests plus complexe. Cette évolution est d’autant plus marquée dans un contexte où les investissements ont été ralentis depuis la crise de 2020, obligeant les laboratoires à hiérarchiser leurs priorités.

Au niveau européen, l’harmonisation des normes apporte une certaine homogénéité, mais des disparités subsistent quant aux exigences sur l’importation et l’origine des produits. La tendance actuelle pousse vers une libération plus rapide des lots, favorisée par l’utilisation d’ingrédients d’origine végétale, nécessitant moins de tests que les ingrédients d’origine animale.

“Le volume d’analyses en laboratoire augmente d’environ 10 % chaque année”

Quelle est l’évolution du marché des laboratoires de R&D dans ce secteur ? Et la place de la France ?

L.T. : Le marché des laboratoires de R&D évolue principalement autour de la nécessité d’accélérer les processus de libération des lots, tout en répondant aux exigences réglementaires croissantes. Aujourd’hui, le consommateur attend des produits aux caractéristiques gustatives stables, ce qui implique un renforcement des tests organoleptiques. Les laboratoires recherchent donc des ingrédients offrant une constance optimale pour éviter toute altération des propriétés sensorielles.

D’un point de vue technologique, la digitalisation joue un rôle central dans cette évolution. La gestion des données, leur traçabilité et l’intégration de logiciels associés aux instruments deviennent des éléments incontournables. Par ailleurs, les innovations dans le traitement et la réutilisation de l’eau s’imposent comme un axe stratégique pour optimiser les ressources des professionnels de l’agroalimentaire.

En France, le secteur des vins, spiritueux et boissons représente un domaine clé pour les laboratoires, tant sur le plan de l’exportation que de la recherche et du contrôle qualité. Ce segment, moteur du marché, est un exemple concret de l’expertise française en matière de R&D appliquée à l’agroalimentaire.

Quelles sont les tendances émergentes dans les laboratoires de demain pour l’industrie agroalimentaire ?

L.T.: Les tendances actuelles mettent en avant des outils d’aide à la décision et des solutions permettant de modéliser les produits sans avoir à réaliser systématiquement des tests physiques. L’approche prédictive se développe, notamment pour la maintenance des équipements, grâce à l’intégration de l’intelligence artificielle.

L’automatisation et la robotisation des laboratoires se renforcent également afin d’optimiser la rapidité et la précision des analyses. Ces avancées permettent de simuler certaines interactions entre ingrédients, réduisant ainsi le temps nécessaire au développement de nouveaux produits.

L’intelligence artificielle joue un rôle clé dans ces évolutions, notamment pour anticiper l’évolution des produits, optimiser la gestion des ressources et renforcer la sécurité alimentaire. Selon nos études réalisées au CFIL, le volume d’analyses en laboratoire augmente d’environ 10 % chaque année, en raison des exigences réglementaires croissantes et de l’évolution des attentes des consommateurs.

Les équipements de laboratoire continuent d’évoluer pour s’adapter à ces nouvelles exigences. Aujourd’hui, les solutions numériques permettent d’optimiser la gestion des analyses et d’affiner la compréhension des interactions entre les ingrédients, y compris sur des critères aussi précis que la couleur des produits alimentaires, qui revêt une importance particulière pour les consommateurs.

Enfin, les laboratoires sont désormais impliqués tout au long de la chaîne alimentaire, du champ à l’assiette, y compris dans des domaines comme le recyclage des emballages et la réduction de la présence de plastiques dans les produits alimentaires.

“De nouveaux métiers émergent, comme les data scientists spécialisés en agroalimentaire”

Comment vont évoluer les métiers du laboratoire dans ce secteur ?

L.T. : Les métiers du laboratoire en général évoluent vers une exigence accrue de rapidité et d’efficacité. Les technologies de tests non destructifs se développent pour répondre à cette demande.

L’intégration croissante de la digitalisation et de l’IA transforme également les compétences requises. La gestion des données et leur exploitation prédictive deviennent des éléments stratégiques pour anticiper les évolutions des produits. De nouveaux métiers émergent, comme les data scientists spécialisés en agroalimentaire, qui jouent un rôle clé dans l’analyse et la valorisation des données collectées.

Quelles sont les demandes les plus récurrentes en matière de recherche, production, contrôle et process dans ce secteur ?

L.T. : Les principales attentes du secteur se concentrent sur la sécurité et la rapidité des analyses. La traçabilité des produits, la mesure et le contrôle des ingrédients sont au cœur des préoccupations. Les tests permettent de garantir la conformité des produits et de renforcer la confiance des consommateurs.

Par ailleurs, la gestion de la conservation, de la stabilité des couleurs et des propriétés gustatives reste un enjeu essentiel. Ces éléments influencent directement la perception et l’acceptabilité des produits sur le marché.

Les dates limites de consommation sont également un sujet clé, car elles impactent directement la sécurité et le gaspillage alimentaire. Les laboratoires doivent ainsi développer des solutions pour allonger la durée de vie des produits tout en préservant leurs qualités nutritionnelles et organoleptiques.

Parmi les grandes thématiques qui seront abordées pendant le Forum Labo, on retrouve l’intelligence artificielle. Quelle place va-t-elle occuper selon vous dans le secteur de l’agroalimentaire ?

L.T. : L’intelligence artificielle joue un rôle croissant dans la R&D agroalimentaire. Elle permet de traiter plus rapidement les données et d’effectuer des analyses prédictives, réduisant ainsi les délais de mise sur le marché des nouveaux produits. L’IA devient un outil incontournable pour optimiser les processus, anticiper les variations des ingrédients et garantir une qualité constante des produits alimentaires. Son intégration au sein des laboratoires va se poursuivre et s’intensifier dans les années à venir sans nul doute.

On la retrouvera au sein du Forum Labo, dans Le Village de la Sécurité Alimentaire, qui mettra en avant les innovations en matière d’IA et de robotique appliquées aux laboratoires, avec une grande nouveauté en 2025 : l’espace « Services » qui sera dédié aux fournitures d’instruments, de réactifs et de logiciels, avec un focus sur la gestion de la maintenance et des stocks.