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Alicaments et réglementation : est-ce encore une bonne stratégie pour les IAA ?

Ces dernières années, les aliments santé ou alicaments ont inspiré les entreprises agroalimentaires. En effet, de nombreuses innovations leur ont été dédiées. Les emballages se sont peu à peu ornés de phrases comme « renforce les défenses immunitaires », « rend les os solides » ou encore « réduit le cholestérol ».

Ces dernières années, les aliments santé ou alicaments ont inspiré les entreprises agroalimentaires. En effet, de nombreuses innovations leur ont été dédiées. Les emballages se sont peu à peu ornés de phrases comme « renforce les défenses immunitaires », « rend les os solides » ou encore « réduit le cholestérol ». Seulement, si ces arguments ont largement fait vendre, ils ne se sont pas toujours révélés réalistes. Etant donné qu’aucune réglementation n’était en place, certaines entreprises ont profité de cette tendance santé pour vendre en masse des alicaments qui n’en étaient pas. Face à ce constat, l’EFSA a réagi et la réglementation est devenue beaucoup plus sévère, voire très contraignante pour les industriels.

De fait, on peut se demander si innover sur le segment santé est encore une bonne stratégie pour les IAA à l’heure actuelle.

Entre réglementation, innovation et consommation, agro-media.fr répond pour vous à cette question.

Point sur la réglementation.

Après plusieurs années de tractations et de réflexions, la Commission européenne a finalement validé une liste de 222 allégations de santé génériques. Mais reprenons le processus depuis le début :

  • Au tout départ, les Etats membres de l’Union européenne ont eu à transmettre à la Commission quelques 44 000 allégations nutritionnelles avant janvier 2008.
  • Ensuite, la Commission a éliminé les doublons et a retenu 4 500 allégations qui ont été transmises à l’EFSA pour avoir un avis scientifique.
  • L’EFSA a alors émis son avis sur chaque allégation entre octobre 2009 et juillet 2011. Plus de 80% des allégations ont été considérées comme sans fondement scientifique. Un peu plus de 500 allégations ont été retenues.
  • Finalement, la Commission a validé 222 allégations sur ces 500.
  • Mais tout n’est pas encore fini ! En effet, le Conseil et le Parlement européens doivent à présent étudier la liste adoptée et ils ont trois mois pour formuler des objections. S’ils n’en ont pas, un règlement pourra être mis en place par la Commission au premier trimestre 2012.

Parmi les heureuses allégations élues : « le calcium est nécessaire au maintien de la densité osseuse », « le fer contribue à la bonne circulation d’oxygène dans le corps », ou encore « les chewing-gums sans sucre contribuent à la réduction de la sécheresse bucco-dentaire ». Les bienfaits des vitamines et minéraux sont largement représentés dans cette liste car étant les plus documentés.

La communication autour des bienfaits nutritionnels des produits alimentaires sera très encadrée à l’avenir, avec des libellés d’appellations précis et traduits dans chaque langue. Si le règlement est mis en place, la liste des allégations sera diffusée sur internet. Les IAA auront alors six mois pour se mettre en conformité avec ces nouvelles allégations. Toutes les mentions ne faisant pas partie de la liste ne seront plus autorisées et ne pourront plus figurer sur les emballages. Un porte-parole de la Commission a expliqué que : « début 2013, les allégations trompeuses devront avoir été retirées. Ce sera de la compétence des États-membres de veiller à leur respect ». En France, la DGCCRF veillera à la bonne application de cette décision.

Du point de vue des consommateurs : entre méfiance et croyance.

Des étudiants de l’Université Pierre et Marie Curie ont enquêté auprès de consommateurs pour évaluer leur perception des alicaments et leur comportement vis-à-vis de ces derniers (Les consommateurs face aux aliments santé : « Freins, motivations & intentions », 2011). Ils se sont ainsi aperçus que les consommateurs étaient complètement perdus au milieu de la jungle des allégations santé, allant parfois jusqu’à confondre aliments et médicaments. Néanmoins, seuls 19% des sondés consomment des alicaments pour résoudre un problème de santé précis, alors que 41% le font uniquement de façon préventive, afin de préserver leur santé. Les preuves scientifiques, les déclarations d’un professionnel de santé ou encore les explications sur le mécanisme d’action des alicaments leur donnent davantage de crédit et les consommateurs sont alors plus enclins à les acheter. Les labels rassurent les consommateurs sur l’efficacité des alicaments. Il est cependant intéressant de noter que le goût de ces produits est aussi un facteur d’achat pour un quart des personnes interrogées. 75% des sondés ont déclaré vouloir continuer à consommer des aliments santé. Ce marché présente donc toujours un potentiel. Mais les consommateurs veulent avoir des preuves ; plus question d’acheter des aliments santé à l’efficacité douteuse !

Du point de vue des industriels : entre innovation et ruse.

Du côté des industriels, alors que certains rusent pour tenter de contourner les mesures mises en place par Bruxelles, d’autres se résignent et préfèrent encore éviter le dépôt de dossier à l’EFSA, souvent voué à l’échec. Danone, Yoplait ou encore Bongrain ont vu leurs dossiers de promesse spécifique invalidés par les scientifiques de l’EFSA. « L’EFSA a été très stricte, ce qui est bien car la plupart des produits n’avaient aucune action concrète sur le public auquel ils étaient destinés, mais les exigences relèvent plutôt de la pharmacopée que de l’alimentaire », a expliqué Béatrice de Reynal du cabinet Nutrimarketing.

Danone a ainsi choisi de ruser. Bien que son dossier déposé à l’EFSA pour son Actimel ait été refusé, le géant a lancé très discrètement une nouvelle boisson en région parisienne. C Optima, jus 100% naturel, met en avant ses 200 mg de vitamine C. Et cette fois pas question de déposer un dossier scientifique, Danone ne dira rien de plus : C Optima contient beaucoup de vitamine C, point. Libre à chacun d’en déduire ce qu’il veut. Et c’est là que réside l’astuce ! « C’est malin car chacun comprend que c’est bon pour la santé sans avoir à faire la moindre promesse », a ajouté Béatrice de Reynal.

Même technique chez Bonduelle, comme l’explique Christophe Château, directeur de la communication : « les légumes sont, par définition, bons pour la santé. Nous proposons très peu de produits comportant des allégations santé. Par contre, nous essayons de faire connaître les vertus nutritionnelles des légumes, et en particulier des légumes transformés ».

Mais la réglementation n’a pas empêché les IAA d’innover dans les produits santé. Ainsi, les principales innovations santé ont eu lieu autour de la stévia, récemment autorisée par la Commission européenne. Sucres et yaourts contenant ce fameux édulcorant naturel ont fleuri dans nos rayons. Mais ce n’est pas tout : diététique, produits sans gluten, produits allégés en sel, superfruits, céréales complètes et produits sans graisses ajoutés font également partie des innovations 2011. La santé continue donc bel et bien d’inspirer les industriels.

Et si la tendance santé se changeait en tendance plaisir ?

Après de nombreuses années de gloire, les alicaments s’essouflent… Par exemple, au sein du rayon ultra-frais seuls les aliments santé voient leurs ventes reculer. De nombreuses innovations, même des plus grand industriels, se sont soldées par des échecs, comme Danone Essensis ou Taillefine calci +. Pour Béatrice de Reynal, « il est de toute façon déraisonnable d’avoir des promesses santé fortes sur les produits alimentaires ». Même les fruits et légumes, produits sains par excellence, ont décidé de changer leur fusil d’épaule.

On ne parle donc plus de santé, mais de plaisir ou d’équilibre, à l’instar de Spécial K, qui ne propose plus des céréales de régime mais des céréales alliant plaisir et diététique. L’interprofession des fruits et légumes frais, Interfel, mise pour sa part sur « la valorisation et l’exaltation des sens pour faire passer des messages clés ».

Les innovations santé restent néanmoins dynamiques dans certains rayons sur lesquels elles sont arrivées plus tardivement. C’est le cas de la boucherie ou de la charcuterie, où les produits allégés en sel font un tabac. Une autre mention, à la fois sanitaire et environnementale, a le vent en poupe : il s’agit du « sans huile de palme », qui conquiert peu à peu tous les rayons en raison de la mauvaise publicité faite autour de cette huile.

Enfin, les alicaments semblent avoir laissé la place aux produits « authentiques » ou « naturels ». Autrement dit, sans additifs et avec un goût se rapprochant le plus possible du « fait maison ». Les produits industriels ne font plus vendre ; aujourd’hui les consommateurs recherchent la naturalité de ce qu’ils consomment. Ils veulent des produits plus sains, voire gourmands ! Car le goût reste bel et bien le premier critère d’achat d’un produit, et il n’y a pas de mal à se faire plaisir de temps en temps, comme le dit l’adage…

Conclusion : finalement, est-ce une bonne stratégie ?

Suite à cette enquête sur les alicaments, il est difficile de répondre de façon tranchée à cette question. En effet, il est clair que l’époque de gloire des aliments santé est derrière nous. De plus, à 500 000€ minimum le dossier de demande d’allégation, la réglementation est très contraignante et il est très difficile pour les industriels de sortir des clous. Au sein de certaines entreprises, la tendance santé a été abandonnée. C’est le cas d’Orangina Schweppes France ; le directeur général a ainsi déclaré : « je ne crois plus du tout aux produits fonctionnels, c’est du marketing des années 1980 ». Les alicaments ne seraient donc plus une si bonne stratégie que cela… A moins de contourner la réglementation ! Car suggérer sans énoncer clairement reste possible… Et cela donne des idées.

Néanmoins, sur certains segments de produits, les allégations santé restent vendeuses. C’est le cas notamment des rayons dans lesquels les alicaments ont fait leur apparition un peu tard. Et certains PAI, à l’instar de la stévia, donnent des idées aux IAA pour lancer de nouveaux produits. La tendance santé n’est donc pas complètement dépassée.

Finalement, la santé n’est globalement plus une bonne stratégie. Les consommateurs sont passés à autre chose, et investir sur ce créneau est devenu excessivement coûteux et laborieux. Le seul type d’innovation qui parvient à passer à travers les mailles du filet est celui concernant la composition des aliments. Sans sucres ajoutés, sans sel, sans gluten, sans huile de palme, sans additifs… Ces arguments font mouche et rassurent les consommateurs. Néanmoins, les IAA devront bel et bien rechercher un nouvel eldorado dans lequel investir. Et si c’était le plaisir ? V.D.

ParLa rédaction

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