Associations de consommateurs : meilleur ennemi de l’industrie agroalimentaire ?
Les associations consuméristes ont de plus en plus de poids dans l'agroalimentaire, notamment en raison de la défiance croissante des consommateurs et de la récente mise en place de l'action de groupe.
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La défiance des consommateurs à l’égard des industriels de l’agroalimentaire n’a jamais été aussi forte. C’est du moins ce que montrent les derniers sondages. Il est cependant un acteur qui semble tirer son épingle du jeu dans cette conjoncture morose: les associations de consommateurs. Leur indice de confiance est au beau fixe et leur poids au sein du secteur agroalimentaire est grandissant. Selon un sondage d’Ipsos de novembre 2013, 90 % des consommateurs font confiance aux associations consuméristes alors qu’ils ne sont que 24 % à accorder le même crédit aux industriels du secteur.
Ils sont par ailleurs 8 % à consulter régulièrement les sites Internet des associations de consommateurs et 29 % d’entre eux les visitent de temps à autre. Ces sites sont davantage consultés que ceux des producteurs, des coopératives, des marques, des enseignes de distribution ou que les blogs de consommateurs.
L’influence grandissante des associations de consommateurs dans l’agroalimentaire
Internet a ainsi renforcé l’ascendant des associations de consommateurs. Mais la création de ces dernières date néanmoins du début du siècle dernier, avec la fondation de la Ligue des consommateurs en 1910 et de la Confédération générale de la consommation en 1927. Leur réel développement remonte quant à lui aux années 1950 avec l’émergence de la société de consommation. D’organismes de concertation, elles sont progressivement devenues des acteurs économiques à part entière dans le secteur agroalimentaire.
Nationales, régionales, locales, généralistes ou plus spécialisées…, ces associations sont aujourd’hui pléthoriques. Seize d’entre elles sont agrées par l’État* et sont en partie financées grâce aux subventions publiques. Elles se chargent de la défense, de l’information et de la représentation des consommateurs. « Nous rédigeons de nombreux tests comparatifs, détaille Olivier Andrault, chargé de missions alimentation de l’UFC-Que Choisir. C’est notre mission la plus connue. Mais nous réalisons également une veille réglementaire, nous informons les consommateurs grâce à nos articles, nous apportons une aide individuelle via nos antennes locales et nous avons également une fonction de lobbying auprès du législateur. »
Associations consuméristes : premiers détracteurs des IAA
Ces missions ont peu évolué ces dernières années. Mais l’activité de lobbying et la contribution à l’élaboration des normes se sont néanmoins accentuées plus récemment. Les problématiques ont également changé: « Avant, nous nous attaquions plutôt à des affaires sanitaires, telles que le scandale de la vache folle. Aujourd’hui, notre combat touche davantage à la qualité nutritionnelle des aliments, bien qu’il y ait un retour récent des problématiques d’hygiène », précise Olivier Andrault.
Les associations consuméristes sont aussi les premiers détracteurs des groupes agroalimentaires. « Les industriels sont en grande partie responsables de leur image déplorable auprès du grand public, estime le chargé de mission de Que Choisir. Les consommateurs sont de moins en moins dupes face à l’image artificielle diffusée par les services marketing. Notre rôle est d’aider les consommateurs à faire la part des choses entre les caractéristiques du produit lui-même, les arguments marketing et les informations véhiculées par les médias généralistes, qui sont parfois sources d’inquiétudes exagérées. »
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— Agro-media.fr (@agro_media) 11 Mars 2014
Industriels de l’agroalimentaire et consommateurs : une relation déséquilibrée ?
Le rôle de ces organisations serait primordial en raison du déséquilibre entre les entreprises du secteur agroalimentaire et les consommateurs. Difficile pour un individu de faire le poids face un groupe industriel en cas de conflit. Mais les IAA ont bien souvent l’avantage sur les associations consuméristes elles-mêmes. En effet, le grand nombre d’organisations joue en la défaveur du mouvement. Leurs moyens financiers, matériels et humains, sont souvent insuffisants pour peser réellement dans le débat. De plus, nombre d’entre elles s’avèrent peu représentatives car elles ne comptent que peu d’adhérents.
Pour Olivier Andrault, le déséquilibre est bien plus prégnant. « Les pouvoir publics ont toujours pris le parti des industriels, notamment concernant les qualités nutritionnelles des aliments. Les entreprises ont droit à une écoute préférentielle », affirme-t-il. A l’origine, les associations de consommateurs ont pourtant été créées sous l’impulsion des pouvoirs publics. En 1951, ce sont les responsables du bureau de la consommation du ministère de l’Économie qui ont par exemple créé l’Union fédérale de la consommation (UFC). Et à partir des années soixante, les associations ont pu s’appuyer sur différentes structures étatiques, telles que le Conseil national de la consommation (CNC), des instances consultatives, l’Institut national de la consommation ou encore les centres techniques régionaux de la consommation.
La loi Hamon au service des associations de consommateurs
Si les associations de défense des consommateurs demandent toujours plus d’encadrement des pratiques commerciales et que les industriels veulent d’éviter une surprotection des consommateurs, il arrive tout de même que les deux acteurs tombent d’accord. En matière de sécurité sanitaire et d’hygiène, leurs avis sont notamment convergents la plupart du temps. « Nous étions par exemple unanimes concernant le renforcement des contrôles », précise Olivier Andrault. La loi sur la consommation de Benoît Hamon, adoptée définitivement au début de l’année 2014 prévoit en effet un durcissement des contrôles de la DGCCRF sur les produits carnés et le poisson et une hausse des effectifs dans les années à venir.
C’est également ce texte qui donne le droit aux associations de consommateurs d’intenter des actions de groupe. Plus connue sous le nom de « class action » aux États-Unis, la procédure d’action de groupe, qui existe déjà dans plusieurs pays européens, était dans les tuyaux du Parlement depuis de nombreuses années. Elle permet de regrouper, en une seule procédure, les demandes de réparation d’un grand nombre de consommateurs. Et ce sont les associations consuméristes qui jouent le rôle de filtre et agissent en justice pour obtenir réparation.
Les « class actions » dans l’agroalimentaire
Outre-Atlantique, les « class actions » à l’encontre des groupes agroalimentaire sont nombreuses et ont tendance à se multiplier. Aujourd’hui, les actions en justice qui aboutissent portent avant tout sur les ingrédients et l’étiquetage promotionnel.
Certaines de ces procédures ont fait couler beaucoup d’encre et illustrent les dérives potentielles du système. Le groupe Ferrero a notamment été contraint de verser quatre dollars de dédommagement à chaque Américains ayant acheté un pot de Nutella entre janvier 2008 et février 2012 et s’estimant flous. Une mère de famille avait en effet initié une « class action » en 2011 estimant que la publicité faite autour de la pâte à tartiner la présentait « comme plus saine qu’elle ne l’était en réalité ». Au final, l’entreprise de confiserie a dû débourser plus de trois millions de dollars pour réparer le préjudice.
Association de consommateurs : acteur central des actions de groupe
La chaîne de restauration rapide Subway fait quant à elle l’objet de sept procédures, notamment car son sandwich à cinq dollars, le Footlong, n’atteindrait pas réellement la taille d’un « pied » (environ 30,48 centimètres). Dernière “class action” en date : la société Herbalife, spécialisée dans les compléments alimentaires, qui commercialiserait ses barres énergétiques via un réseau de distributeurs indépendants, et tirerait ses profits non pas de la vente de ses produits aux particuliers, mais grâce au recrutement de nouveaux revendeurs, contraints d’acquérir les produits eux-mêmes.
Mais, la “class action” américaine et l’action de groupe française sont loin d’être similaires. Cette dernière est réservée aux petits préjudices matériels et concurrentiels. En cas d’entente des fabricants ou de produit non-conforme, le consommateur lésé par des pratiques anticoncurrentielles peut ainsi demander à être remboursé. Mais chaque consommateur doit manifester le souhait d’être remboursé : c’est le principe de l’opt-in. L’opt-out aurait contraint les entreprises à rembourser tous les consommateurs lésés, ce qui aurait eu des conséquences bien plus importantes pour les IAA.
Action de groupe : un impact limité pour les IAA
Et si les associations de consommateurs ont été choisies par le législateur pour être le relais des consommateurs sur ces questions, c’est en premier lieu pour éviter les dérives du système américain, où les avocats rivalisent d’imagination pour mettre sur pieds des affaires qui leur rapportent bien souvent très gros.
De plus, « il est vrai que le secteur alimentaire est déjà très réglementé, malgré les insuffisances des services de la DGCCRF. Ce ne sera donc sans doute pas le premier secteur visé par les actions de groupe », concède Olivier Andrault. De manière générale, si le rôle des associations de consommateurs s’est accentué dans le secteur agroalimentaire, ce dernier n’est pas le premier cheval de bataille de ces organisations représentatives. Bailleurs et fournisseurs Internet leur donnent bien plus de grain à moudre.
* Les seize associations agréées par l’Etat sont : le Cnafal, la CNAFC, la CSF, Familles de France, Familles Rurales, l’Unaf, l’Adeic, l’AFOC, l’Indecosa-CGT, l’ALLDC, l’UFC-Que Choisir, la CLCV, la CGL, la CNL, la Fnaut, l’ASSECO-CFDT.