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Biodiversité : Quel rôle les entreprises agroalimentaires ont-elles à jouer ?

Selon le dernier rapport de l’IPBES (Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques), plus de 75% des cultures mondiales produisant des fruits et graines pour notre consommation dépendent de la pollinisation animale, dont un tiers sont pollinisés uniquement par les abeilles. Or nous faisons face au déclin spectaculaire des insectes (y compris de nombreuses espèces de pollinisateurs) jouant …

Biodiversité : Quel rôle les entreprises agroalimentaires ont-elles à jouer ?
La valeur annuelle de la production agricole menacée par la perte des pollinisateurs s’élèverait à 530 milliards d’euros, comment les industriels peuvent-ils se mobiliser et intervenir pour lutter contre la perte de cette biodiversité ?

Selon le dernier rapport de l’IPBES (Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques), plus de 75% des cultures mondiales produisant des fruits et graines pour notre consommation dépendent de la pollinisation animale, dont un tiers sont pollinisés uniquement par les abeilles. Or nous faisons face au déclin spectaculaire des insectes (y compris de nombreuses espèces de pollinisateurs) jouant un rôle essentiel à la production alimentaire mondiale. La valeur annuelle de la production agricole menacée par la perte des pollinisateurs s’élèverait ainsi à 530 milliards d’euros (Source : IPBES, 2019). Comment les industriels peuvent-ils se mobiliser et intervenir pour lutter contre la perte de cette biodiversité ? Des pistes avec Les Recommandations de LifeFood Biodiversité et Solagro.

L’industrie agroalimentaire, une opportunité pour endiguer la perte de biodiversité

L.’industrie agroalimentaire, via ses filières d’approvisionnement, représente une immense opportunité pour endiguer la perte de biodiversité et maintenir les services écosystémiques qui en dépendent.

Aujourd’hui, de plus en plus d’entreprises agroalimentaires souhaitent renforcer leurs exigences en matière d’approvisionnement notamment sur ce volet. À la charnière entre producteur et consommateur, les industriels portent des marques, labels, certifications qui peuvent attester de la qualité des produits et de leur production. 

L’intégration de la protection des insectes dans les critères de qualité concernant les produits et les productions, par exemple, peut permettre d’influer sur les pratiques agricoles à grande échelle. C’est pourquoi, l’industrie agroalimentaire, via ses filières d’approvisionnement, représente une immense opportunité pour endiguer la perte de biodiversité et maintenir les services écosystémiques qui en dépendent (pollinisation, régulation naturelle des bioagresseurs, fertilité des sols…) à l’échelle des exploitations et des territoires agricoles. 

Un outil pour aider l’agroalimentaire à préserver cette biodiversité

Le programme européen Life Food & Biodiversity, qui s’est terminé en septembre dernier, s’est consacré à cette question. Quatre ans de travaux menés par Solagro et ses partenaires ont permis de développer un outil adapté aux industriels de l’agroalimentaire afin d’intégrer la préservation de la biodiversité dans leurs critères de qualité : le Diagnostic- Action Biodiversité. 

«Cet outil est destiné aux responsables filières et RSE (Responsabilité sociétale des organisations), au sein des entreprises agroalimentaires mais aussi aux auditeurs et certificateurs. Il a été conçu par des ingénieurs agronomes afin d’élaborer des actions bénéfiques à la biodiversité dans les exploitations», a expliqué Caroline Gibert, responsable de l’activité Agroécologie et biodiversité à Solagro lors de la présentation de l’outil « Diagnostic-Action Biodiversité » à l’occasion de la conférence de clôture du projet Life Food & Biodiversity en septembre dernier. L’outil est traduit dans 5 langues, accessible sur le site : https://bpt.biodiversity-performance.eu/login. Cet outil est actuellement mis à disposition gratuitement, il suffit de s’enregistrer pour effectuer un diagnostic et tester son efficacité. Plus de 350 structures se sont déjà inscrites. La démarche est globale avec une méthodologie basée sur trois piliers : Une identification des enjeux locaux de biodiversité avec une caractérisation des infrastructures agroécologiques quantitative mais aussi qualitative grâce à une approche cartographique ; Une analyse des pratiques agricoles intégrant la gestion des sols, de l’eau, des intrants, l’agrobiodiversité et la gestion de l’élevage ; Et de leur insertion socio-économique dans le territoire. 

Le diagnostic permet de faire un état des lieux des pratiques favorables à la biodiversité dans les exploitations agricoles, au travers d’indicateurs dédiés. 78 indicateurs ont été sélectionnés et testés sur 50 fermes pilotes pour pouvoir s’adapter à toutes les productions : céréalières (Allemagne et France), maraîchères (Espagne), production d’olives (Espagne), élevage à l’herbe : viande (Portugal), lait et produits laitiers (France). 

La biodiversité fonctionnelle est bénéfique à la production

À partir de ce diagnostic, l’objectif consiste à proposer un plan d’action en faveur de la biodiversité, en sélectionnant les mesures efficaces dans une démarche d’amélioration continue : aménagements paysagers, limitation des intrants de synthèse, valorisation des régulations biologiques, allongement des rotations, au travers de démarches individuelles ou collectives…  «Des fiches-actions décrivent les actions favorables à la biodiversité pouvant être mises en œuvre au sein des exploitations agricoles tout en répondant aux autres enjeux de préservation de la qualité de l’eau, des sols, de l’air et l’adaptation au changement climatique. Elles incluent une description technique, précisent les critères relatifs à la qualité des mesures et les indicateurs potentiels pour suivre et évaluer leur efficacité» explique Solagro. 

Dans le cadre du programme Life Food & Biodiversity, toutes les actions ont été testées au sein de projets pilotes et éprouvées dans des exploitations agricoles.  L’outil «Diagnostic – Action Biodiversité» permet ainsi de distinguer les pratiques visant à créer et gérer les éléments paysagers (infrastructures agroécologiques) et les pratiques agricoles réduisant l’impact sur la biodiversité avec une diversité de l’assolement, une réduction de l’usage des intrants (pesticides, engrais, concentrés…)… Les autres critères concernent la réduction de l’usage des pesticides, la protection et la gestion de la santé et de la qualité des sols, la protection de l’eau, la diversification… et l’élevage à l’herbe pour les cheptels. Des chercheurs (Pywell et al., 2015) ont montré l’intérêt de l’intensification écologique dans les zones intensives de grandes cultures indique relaye le rapport. En effet, consacrer 3 à 8% des surfaces des parcelles dédiées à supporter les services écologiques de pollinisation et de lutte biologique au travers de semis de mélanges fleuris n’entraîne au final pas de perte de rendement global et de marge brute sur une rotation de 5 ans grâce notamment à l’amélioration du rendement de la féverole par une meilleure pollinisation. 

Des fermes pilotes depuis 2017

Depuis 2017, 9 fermes pilotes de la coopérative agricole Qualisol dans le département du Tarn-et- Garonne participent au projet Life Food & Biodiversity.  L’outil « Diagnostic – Action Biodiversité » a permis d’analyser l’évolution de la performance en matière de biodiversité dans l’exploitation au fil du temps, afin d’en favoriser l’amélioration continue. Ces 9 fermes pilotes sont proches d’un grand nombre de zones « réservoir de biodiversité », le long de rivières (Garonne, Tarn) et de zones boisées. L’enjeu consiste à préserver un couloir écologique entre les espaces pour assurer la continuité des habitats et ainsi favoriser la biodiversité. La plantation de haies y contribue, tout en limitant également les effets de l’érosion par ruissellement. 

Recommandations pour les entreprises et distributeurs agroalimentaires 

Qu’en est-il pour les entreprises et les distributeurs agroalimentaires? Quelles sont les recommandations pour une meilleure prise en compte de la biodiversité dans les référentiels et politiques d’approvisionnement des entreprises et distributeurs du secteur agroalimentaire ? Nous le savons, les entreprises et distributeurs agroalimentaires, fortement dépendants du secteur agricole, ont un énorme rôle à jouer dans la protection de la biodiversité. 

«Malheureusement, la protection de la biodiversité reste insuffisamment considérée par ce secteur», souligne le rapport sur Les Recommandations de Life Food Biodiversité. Les interactions entre activités humaines et biodiversité sont complexes. «Du fait de cette complexité, la réduction des effets négatifs sur la nature de l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement d’un produit agroalimentaire – depuis le champ jusqu’en rayon – constitue un vrai défi» indique le rapport.

Les présentes recommandations sont principalement destinées aux référentiels ainsi qu’aux entreprises du secteur agroalimentaire ayant leurs propres exigences d’approvisionnement. Leur objectif est d’accompagner la gestion des référentiels et des entreprises dans leurs ef- forts d’amélioration de la biodiversité, elles sont donc destinées aux personnes responsables de la RSE, des audits de référentiels, des choix d’approvisionnement, de la qualité des produits et de la durabilité des filières. 

S’orienter vers des processus respectueux de l’environnement

«Les coopératives et les entreprises du secteur agroalimentaire sont invitées à utiliser ces recommandations pour s’orienter vers des processus de production agricole plus respectueux de la biodiversité et à promouvoir leur mise en oeuvre. D’autre part, les décisionnaires politiques devraient prendre en compte ces recommandations, ainsi que les mesures associées, comme critères d’exigences pour attribuer les subventions dans les programmes de financement. Ceci représenterait une avancée importante vers un cadre de travail agricole plus respectueux de la biodiversité, qui aurait le mérite de soutenir les ag- riculteurs qui mettent en oeuvre des pratiques plus respectueuses de la biodiversité» indique le rapport. 

Les recommandations abordent la dégradation et la destruction des écosystèmes, la surexploitation des ressources naturelles et les espèces exotiques invasives. Si le changement climatique n’a pas été pris en compte comme facteur supplémentaire de perte de la biodiversité, il est néanmoins important de souligner que toutes les mesures en faveur de la protection du climat (par exemple, de courtes distances de transport) contribuent à la protection de la biodiversité. 

Préférence aux régions et fournisseurs de cultures alternatives

Accorder une préférence aux régions et fournisseurs de cultures alternatives ainsi qu’aux produits et producteurs régionaux, une des recommandations du rapport

Ainsi, selon le rapport, les fournisseurs de l’agroalimentaire devraient proposer des variétés / races anciennes et/ou traditionnelles en privilégiant celles qui sont régionales et rares. Des engagements contractuels d’achats envers les producteurs sont un autre aspect de la promotion de la culture des variétés et races traditionnelles. Ces derniers devraient accorder une préférence aux régions et fournisseurs de cultures alternatives ainsi qu’aux produits et producteurs régionaux qui peuvent faire la preuve d’une meilleure performance de la biodiversité et répondre aux critères correspondants. Mais également : motiver les acteurs de la chaîne logistique à rémunérer l’agro-biodiversité ; reconnaître la contribution des petits agriculteurs à la préservation de la biodiversité et promeuvent la production des petits ex- ploitants et les pratiques agricoles traditionnelles, respectueuses de la biodiversité ; prendre en charge une part appropriée des coûts qui peuvent résulter pour les producteurs de l’amélioration de la protection de l’environnement et de la biodiversité et de la responsabilité sociale ; ne pas prendre part au dumping des prix au détriment des stan- dards environnementaux et sociaux ; contribuer de manière significative à éviter et à réduire le gaspillage alimentaire. 

Les fournisseurs ont un rôle important à jouer

Les Recommandations se basent également sur le fait que les fournisseurs, en matière d’information et communication sont informés des dernières connaissances sur la production agroalimentaire et la biodiversité et incluent cette connaissance dans la politique et les activités d’entreprise ; promeuvent les projets/études qui analysent et documentent les économies de coûts qui peuvent être réalisées par des mesures de protection de la biodiversité (par exemple des changements dans l’utilisation de substances pour la protection des plantes) ; sont transparents par rapport à l’impact sur la biodiversité de leurs produits et communiquent sur les activités mises en œuvre pour améliorer la protection de la biodiversité en s’appuyant sur des faits (pas de greenwashing) ; utilisent leur influence sur les décideurs politiques pour provoquer la révision des directives qualité existantes ; utilisent différents moyens de communication pour informer les acteurs (partenaires commerciaux, fournisseurs, associations com- merciales etc.) et les consommateurs sur l’importance de la biodiversité pour la production agroalimentaire. La communication avec les parties pertinentes aide à améliorer la prise de conscience parmi les parties prenantes de la nécessité de préserver la biodiversité ; informent les consommateurs sur l’importance et la valeur de l’agro-biodiversité et de la variété génétique, placent le terme “diversité” dans un cadre holistique, communiquent et font de la publicité en conséquence ; sensibilise les consommateurs pour éviter / réduire le gaspillage alimentaire. 

«Il est important que les référentiels, les entreprises agroalimentaires et les exploitations agricoles comparent les recommandations à leurs critères et pratiques. Ils devraient définir des priorités et commencer par la mise en œuvre des recommandations les plus importantes, et ensuite améliorer en continu leur performance de biodiversité en mettant en œuvre toutes les recommandations. Les critères et exigences qui n’apparaîtront bien que sur le papier ne vont pas améliorer la performance de la biodiversité. C’est sur l’engagement de la direction du référentiel et de l’entreprise que repose l’amélioration de la compréhension et de la connaissance de la biodiversité. Les agriculteurs, mais aussi les conseillers et les gestionnaires devrai- ent être compétents en ce qui concerne la biodiversité et comment la protéger, améliorer les écosystèmes et la diversité des espèces; une gestion de plus haut niveau doit aussi être visée. Les recommandations pour les politiques fournissent des orientations en termes d’objectifs et de décisions stratégiques pour les référentiels et entreprises » indique le rapport sur Les Recommandations. 

(Sources : Solagro / Les Recommandations de LifeFood Biodiversité)

ParLa rédaction

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