Les acteurs de l’agroalimentaire doivent-ils revoir les dates de péremption ?
Responsables de 10% des 88 millions de tonnes de gaspillage alimentaire produites chaque année en Europe, soit l’équivalent de 3 à 6 milliards d’euros, les dates de péremption font l’objet d’un livre blanc réalisé par Too Good To Go, application qui lutte contre le gaspillage alimentaire, soutenu et cosigné par France Nature Environnement. «Comment réviser les dates de péremption …
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Responsables de 10% des 88 millions de tonnes de gaspillage alimentaire produites chaque année en Europe, soit l’équivalent de 3 à 6 milliards d’euros, les dates de péremption font l’objet d’un livre blanc réalisé par Too Good To Go, application qui lutte contre le gaspillage alimentaire, soutenu et cosigné par France Nature Environnement.
«Comment réviser les dates de péremption
pour en faire un véritable indicateur sanitaire et durable fiable afin de réduire le gaspillage alimentaire ? », c’est la question centrale qui interpelle Too Good To Go qui a récolté de nombreuses informations recueillies lors d’une table ronde réalisée en octobre 2018, autour du thème “Les dates de péremption, une idée dépassée ?”.
«Les dates de péremption assurent la sécurité sanitaire de nos produits et reposent ainsi sur un jeu de confiance entre les fabricants et les consommateurs. Cependant, la confiance s’est progressivement ébranlée face à la diversité des dates apposées sur les produits. Entre confusion et manque de crédibilité, il est essentiel aujourd’hui de redonner leur légitimité aux dates de péremption en engageant fabricants, producteurs et consommateurs dans une nouvelle relation de confiance», explique Lucie Basch, fondatrice de Too Good To Go.
A l’occasion du 3ème anniversaire de la loi Garot contre le gaspillage alimentaire, Too Good To Go propose donc un aménagement des dates de péremption qui représentent à elles seules 20% du gaspillage alimentaire dans les foyers.
Repenser la façon dont notre système alimentaire fonctionne
«En France, 36% des émissions de gaz à effet de serre sont dues au secteur alimentaire. Le gaspillage alimentaire en est la partie visible, celle que nous voyons chaque jour. Il pèse à lui seul, plus de 16 milliards d’euros sur notre économie et si le gaspillage était un pays, il serait le 3e plus gros émetteur de gaz à effet de serre», explique Lucie Basch, «Ce n’est qu’en rassemblant l’ensemble des acteurs du système alimentaire que nous pourrons repenser la façon dont notre système alimentaire fonctionne (…). C’est aujourd’hui l’appui des industriels et du gouvernement que nous venons solliciter, pour soutenir et engager des actions d’ampleur, qui permettront d’atteindre l’objectif de 2025 : réduire de 50% le gaspillage alimentaire en France».
Ce livre blanc rassemble donc un ensemble de propositions concrètes nécessitant des réglementations, pour une société responsable et durable.
Selon Too Good To Go, les dates de péremption seraient ainsi responsables de 5% du gaspillage au niveau de la production,
entre 55% et 94,8% du gaspillage au niveau de la distribution, et de 20% du gaspillage dans les foyers. «Contraintes par des impératifs sanitaires et économiques, il est aujourd’hui essentiel de redonner légitimité et crédibilité aux dates de péremption pour en faire des indicateurs sanitaires fiables et respectés des consommateurs» rapporte le livre blanc qui indique que «l’industrie agroalimentaire est prête à avancer sur ces sujets face à la demande toujours plus croissante des consommateurs de maîtriser davantage leur alimentation. Les producteurs doivent pouvoir se libérer de contraintes qui pèsent sur leur ligne de production et leur rentabilité, les distributeurs doivent bénéficier d’une meilleure gestion de leurs stocks et les consommateurs sont en droit de se fier à des dates qui ont une réelle valeur sanitaire».
Une harmonisation des dates par interprofession et par produits phares
Pour la directrice de Too Good To Go, les dates de péremption ne sont pas une idée dépassée, si elles s’inscrivent dans une démarche de transparence qui vise à assurer la sécurité alimentaire des consommateurs tout en endiguant le gaspillage alimentaire. Définies en interne par les fabricants qui vieillissent le produit prématurément afin de définir sa durée de vie, les dates de péremption, sans normes nationales, multiples, et différentes pour un même produit seraient ainsi une «source de confusion pour le consommateur», fait remarquer Too Good To Go dans son livre blanc.
Ainsi, si les dates de péremption répondent à deux impératifs pour les fabricants : l’impératif de responsabilité (le fabricant est responsable de son produit tout au long de la chaîne alimentaire) et l’impératif de loyauté (le fabricant garantit la qualité de son produit pour le consommateur), «il est nécessaire d’harmoniser les dates de péremption et de partager les bonnes pratiques dans le but de leur redonner leur raison d’être : servir d’indicateurs fiables d’hygiène ou de qualité», explique le livre blanc. Ce dernier préconise ainsi une harmonisation des dates par interprofession et par produits phares.
Ajouter un jour supplémentaire sur la durée de vie des produits
«En ajoutant un jour supplémentaire sur la durée de vie des produits : le gaspillage alimentaire serait réduit de 0,3% soit une réduction de 20% du gaspillage alimentaire dû aux dates de péremption. Cette réduction équivaut à 80 000 tonnes de gaspillage évitées chez les distributeurs avec un gain financier de 100 millions d’euros (Source WRAP, “Reducing foodwaste by extending product life”, 2015). En gardant les produits 1% du temps en plus sur les étals de vente, l’augmentation des ventes est de 0,5% (WRAP, “Reducing foodwaste by extending product life”, 2015) » relate le Livre Blanc. Les bénéfices pour les consommateurs seraient également présents poursuit le Livre Blanc de Too Good To Go.
En ajoutant un jour supplémentaire sur les produits : le gaspillage alimentaire serait réduit de 170 000 kilos dans les ménages, avec un gain financier de 350 000 euros (WRAP, “Reducing foodwaste by extending product life”, 2015).
Supprimer les DDM sur tous les produits listés dans l’annexe X du règlement INCO
Selon une étude européenne, certains producteurs et distributeurs ont déjà travaillé ensemble afin d’allonger la durée de vie de leurs produits, et cela a montré ses bénéfices sur la réduction du gaspillage alimentaire. «Carrefour a par exemple augmenté la durée de vie de 500 de ses produits marque distributeur en 2015 sans en changer nullement la composition et sans impacter la rotation de ses stocks. Ils sont à flux tendus et le stock coûte toujours moins cher que la perte sèche induite par le gaspillage alimentaire. La DLC a été allongée entre 7 et 10 jours pour les yaourts, et entre 2 et 8 jours sur les crèmes dessert. Afin d’assurer l’adhésion des consommateurs, Carrefour a pratiqué des test consommateurs afin de vérifier que les produits respectaient le principe de loyauté» explique Too Good To Go.
Le Livre Blanc préconise de supprimer les DDM sur tous les produits listés dans l’annexe X du règlement INCO, comme l’a fait Carrefour qui a déjà supprimé la DDM sur leurs produits marques distributeurs compris dans la liste européenne.
Favoriser les emballages plus performants
Le Livre Blanc de Too Good To Go encourage également à investir et favoriser les emballages plus performants et plus innovants pour augmenter la durée de vie des produits : la viande vendue sous vide permet de doubler sa durée de vie en magasin et réduit le gaspillage entre 2 et 6% (WRAP, “Reducing foodwaste by extending product life”, 2015 ; DGCCRF, «Conservation des aliments : toutes les techniques», 2018). Mais aussi de favoriser l’apposition d’étiquettes intelligentes qui changent de couleur ou de texture lorsque le produit approche de sa date de péremption afin de faciliter le suivi des produits pour le consommateur.
«Franprix a par exemple mis en place les étiquettes intelligentes de Cryolog pour son e-commerce sur Paris. Cryolog est basé sur un système microbiologique qui passe du vert, au orange foncé et enfin au rouge lorsque le produit n’est plus bon à consommer. Les retours clients seraient très positifs, les consommateurs sont rassurés sur la qualité de leurs produits» souligne le Livre Blanc.
Soumises à la règle des 1⁄3 2⁄3, beaucoup de produits sont exclus du circuit de vente s’ils ne respectent pas cette condition. Il est donc nécessaire de repenser la relation entre fabricant et distributeur estime l’application, cela en révisant la règle des 1⁄3 2⁄3 pour les DDM afin d’éviter le gaspillage généré par une mauvaise gestion des stocks.
A l’image par exemple de Système U qui a mis en place un dispositif d’enregistrement des DLC qui permet un suivi localisé et précis des produits arrivant à date de péremption afin de les placer au-devant des étals et de les retirer au bon moment pour les donner aux associations par exemple. Le groupe Delhaize a de son côté décidé de mettre prioritairement en rayon les produits dont la date de péremption est la plus courte (en gardant les autres produits dans la chambre froide) afin d’encourager les ventes vers les produits qui risquent le gaspillage.
Assurer l’accompagnement progressif tout au long de la chaîne de production pour faire reposer l’allongement de la durée de vie des produits sur le consommateur et tirer bénéfice de la disruption des flux, et favoriser les logiques de réutilisation, de valorisation et de transformation des produits font ainsi partie des recommandations de Too Good To Go dans son Livre Blanc qui recommande la nécessité de «s’assurer que l’allongement des dates profite entièrement au consommateur afin d’avoir davantage de marge pour consommer son produit. L’allongement des dates est un avantage si l’on assure que le bénéfice revient en fin de chaîne».
Face au conditionnement des consommateurs, repenser les informations inscrites sur le packaging
Faute d’être comprises, et de par leur diversité, les consommateurs oscillent entre confiance et défiance quant aux dates de péremption, estime le Livre Blanc. Une bonne compréhension des dates de péremption n’assure pas pour autant leur respect : la consommation est avant tout régie par l’habitude et l’expérience.
«Éduquer et sensibiliser afin d’aligner habitudes et compréhension est essentiel afin d’éviter le gaspillage inutile généré par les dates de péremption» conseille Too Good To Go qui recommande de repenser les informations inscrites sur le packaging pour une meilleure compréhension des dates : «Les informations obligatoires à inscrire sur le packaging sont nombreuses, ce qui a obligé les industriels à partager l’espace entre leur marketing et la règlementation. La lisibilité des dates et de leur mention s’est donc faite au détriment des consommateurs qui passent déjà très peu de temps à lire les étiquettes».
Le défi est donc de rendre les dates et les mentions plus lisibles, visibles et compréhensibles. Pour exemple, la Norvège en 2017, avec les quatre plus importantes industries laitières du pays ont décidé de rajouter “mais pas mauvais après” sur les produits concernés. D’après l’étude de la commission européenne, une telle initiative, accompagnée d’une campagne de sensibilisation a permis de clarifier la différence entre les deux dates et a eu un impact positif sur la réduction du gaspillage alimentaire (Source European Commission, 2018).
Privilégier l’apposition côte à côte de la dénomination DLC/DDM et de la date en elle-même est aussi préconisé. En effet, bien souvent la date est apposée loin de l’indication “à consommer jusqu’au / à consommer de préférence avant” ce qui conduit le consommateur à ne prendre en compte que la date chiffrée, et non ce qu’elle signifie.
Transformer le coût des pertes en revenu
Too Good To Go préconise donc de préparer un encart afin que les consommateurs puissent écrire la date d’ouverture du produit et ainsi suivre la durée de vie de leurs produits : «Tous ces changements peuvent se faire au moment où les packagings sont révisés, afin d’éviter les surcoûts. Seuls, ils ne suffisent pas et doivent aussi s’accompagner de campagnes d’éducation et de sensibilisation afin d’augmenter l’intérêt du consommateur pour ces indications et de leur redonner pouvoir et légitimité».
Afin de sensibiliser davantage les professionnels de l’industrie à la lutte contre le gaspillage alimentaire, en plus de son Livre Blanc, Too Good To Go s’est associé à Sysco France, le leader de la production et de la distribution de produits alimentaires frais, surgelés et d’épicerie pour la restauration.
En effet, le grossiste alimentaire leader issu de la fusion entre Davigel et Brake France, a décidé de s’engager aux côtés de Too Good To Go contre le gaspillage alimentaire. Dans le cadre de ce partenariat, Sysco France présentera la solution Too Good To Go à ses clients (restauration, restauration snacking et boulangerie-pâtisseries) et partenaires pour leur permettre de transformer le coût de leurs pertes en revenu. (Sources : Livre Blanc de Too Good To Go : “Les dates de péremption, une idée dépassée?”.