Ingrédients : la tendance est au naturel
La demande en aliments et ingrédients naturels est croissante. Une tendance qu'ont bien saisie les industriels et les fournisseurs de PAI.
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Les consommateurs sont des plus en plus friands d’aliments naturels. Selon une étude TNS pour le groupe GNT, fournisseur de colorants naturels, réalisée début 2015, manger sainement est une préoccupation essentielle pour les consommateurs dans le monde. Selon ce sondage -auprès de 5 000 personnes, dans dix pays différents- en Allemagne, en Espagne, aux États-Unis, en France, en Pologne et au Royaume-Uni, entre 20 % et 35 % de la population recherche spécifiquement des ingrédients naturels dans les produits achetés.
« Notre étude montre clairement que l’époque où les consommateurs achetaient ou consommaient des produits alimentaires sans se soucier de ce qu’ils contiennent ou de la façon dont ils sont produits est révolue. On note un intérêt majeur et mondial pour les ingrédients naturels et sains, qui prend des formes différentes selon les pays mais qui converge toutefois vers une notion commune », note Baptiste Mattelin, directeur général de GNT France, sur Process Alimentaire.
« Le naturel génère des pensées positives relevant de la symbolique santé et goût. Il y a ainsi un raccourci entre le naturel et les autres bénéfices, ce qui fait que les produits naturels sont en général préférés aux produits artificiels », indique de son côté Pierrick Gomez, spécialiste des comportements des consommateurs à la Reims Management School.
Haro sur les ingrédients non naturels ?
Des études dénonçant l’utilisation d’ingrédients artificiels dans la formulation des aliments ont également influencé les habitudes de consommation. En 2007, une étude de l’université de Southampton avait par exemple affirmé que les colorants artificiels pouvaient être à l’origine de troubles de comportement chez l’enfant. Les colorants ciblés étaient le jaune orangé (E 110), la carmoisine (E122), la tartrazine (E102), le ponceau 4R (E124), le rouge allura (E129) et le jaune de quinoléine (E104).
« Cette étude a eu un impact sur les décisions politiques, notamment en Grande-Bretagne, où la Food Standards Agency, l’institution gouvernementale qui contrôle la sécurité alimentaire, a poussé en faveur de la mention obligatoire, sur les produits concernés, d’un risque d’hyperactivité chez les enfants qui les consomment », indique Robin Wyers, rédacteur en chef de la revue internationale The World of Food Ingredients, sur le Journal du Net.
Deux an plus tard, le Parlement européen imposait d’ailleurs aux industriels de mentionner clairement la présence de ces colorants artificiels sur les étiquettes.
Naturalité : les industriels profitent de la tendance
Les acteurs de l’agroalimentaire ont bien saisi cette tendance de fond. Les industriels sont ainsi de plus en plus nombreux à miser sur le clean labelling ( des produits sans additifs). Les arômes artificiels sont remplacés par des produits naturels, les fruits et légumes concentrés ou pressés se substituent aux colorants, le jus de citron prend la place des correcteurs d’acidité, etc.
Récemment, plusieurs groupes agroalimentaires ont annoncé faire prochainement une croix sur les colorants artificiels. Parmi eux, Kellogg’s, Pizza Hut, ou encore Subway. La chaîne de restauration rapide entend supprimer l’ensemble des colorants et arômes artificiels ainsi que des conservateurs d’ici 2017. « Si notre choix n’est pas encore arrêté entre le recours à des alternatives naturelles ou la suppression pure et simple des colorants dans nos produits, nous sommes en bonne voie d’identifier très prochainement la meilleure solution possible pour nos clients », indique Fatima Attou, directrice marketing de Subway France, sur le Journal du Net.
De son côté, Kraft Heinz a décidé de revoir la recette de ses Macaroni and Cheese, pour remplacer, dès janvier 2016, les colorants synthétiques par des ingrédients tels que le paprika, le rocou ou le curcuma. Autre exemple, General Mills a annoncé supprimer dès 2016 les additifs chimiques de ses céréales Trixen et introduire des coloring foods.
Les coloring foods se développent
Les denrées alimentaires colorantes se développent de plus en plus. Elles sont apparues dans la réglementation européenne en 2013. « Elles peuvent être compétitives par rapport aux colorants chimiques et la différence dans le prix de vente final n’est de l’ordre que de quelques centimes », affirme Baptiste Mattelin, directeur France de GNT, le leader sur le secteur.
Fin 2013, la Commission européenne a publié une note d’orientation visant à clarifier le statut de ces coloring foods. Cette réglementation, applicable depuis le 1er janvier 2014 devra obligatoirement être suivie à la fin du mois. Pour être considéré comme une denrée alimentaire colorante naturelle, l’ingrédient doit ainsi conserver les caractéristiques de la matière première : sa couleur et son profil aromatique et nutritif. Par ailleurs, les teneurs en pigments et en constituants nutritifs ont été spécifiées.
Flou sur la réglementation des ingrédients naturels
Cependant, pour les autres ingrédients naturels, la réglementation et surtout leur définition restent floues. Une note d’information de la DGCCRF, de 2009, précise que le terme « naturel » doit être réservé aux aliments « provenant de la nature et présentés à la vente en l’état ou après une transformation mécanique n’entraînant pas de modification profonde (ingrédients parés, tranchés, hachés, etc.) »
Le document privilégie l’utilisation de l’allégation « origine naturelle » pour les aliments ayant subi une stabilisation (réfrigération, congélation, surgélation), un conditionnement sous atmosphère protectrice, un traitement thermique (pasteurisation, stérilisation, cuisson), ou une fermentation- emprésurage – torréfaction ou infusion.
Aujourd’hui, il existe une réelle volonté de clarifier cette définition. « Face à une multiplication des allégations dans le monde entier et à la nécessité d’informer loyalement les consommateurs, des professionnels et industriels de l’agroalimentaire du monde entier ont souhaité élaborer un document de référence destiné aux échanges entre entreprises de la filière, et proposant des définitions et critères communs» indique Bernadette Ruetsch, secrétaire de la commission Afnor Ingrédients alimentaires naturels.
Des travaux de normalisation pilotés par la Suisse, sont en cours au niveau international (ISO). « Afnor vient de créer une nouvelle commission de normalisation “miroir” du groupe de travail ISO qui offre aux acteurs français la possibilité de contribuer activement au développement du projet de norme », précise-t-elle.
Ces lignes directrices communes sont attendues pour 2017. Elles devront permettre de qualifier l’ingrédient sur la connaissance ou non de l’origine des ingrédients, les critères techniques des procédés de transformation, mais aussi proposer une liste de procédés acceptés.
Ingrédients naturels : un marché dynamique
Plus que les industriels, ce sont les fabricants d’ingrédients et de PAI qui cherchent à profiter de cette demande croissante pour les produits naturels. Les lancements de nouveaux produits sont nombreux. Darégal vient par exemple d’étoffer sa gamme inFuze en proposant du beurre concentré infusé avec des plantes. La technique a été spécifiquement développée pour apporter une aromatisation intense et gourmande aux produits laitiers et l’entreprise affirme restituer à 100 % le profil aromatique complet de l’herbe fraîche.Seah International propose pour sa part des graines de chia Bio riches en acide alpha-linolénique, en protéines et en fibres.
De nouveaux acteurs s’immiscent également sur ce marché porteur. C’est le cas de Triballat Noyal, qui vient de créer la division Triballat Ingredients et propose une gamme d’ingrédients issus de procédés de fabrication clean label et fabriqués à partir de matières premières 100 % naturelles. On trouve ainsi un ingrédient obtenu à partir de graines françaises, non OGM riche en fibres et en protéines naturelles de soja, Sojyfib ; un autre obtenu à partir de protéines de pois jaune, Peptipea. Ces peptides fonctionnels se substituent aux protéines de blanc d’œuf et à la gélatine dans des applications relatives à la pâtisserie, confiserie et glace ; une poudre de lait biologique de France, GalaSpray, ou encore Galactation, un ingrédient laitier riche en protéines, en phospholipides et en choline, obtenu selon un procédé naturel et breveté, particulièrement adapté pour les produits de nutrition clinique et les formules pour Seniors.
Rachats et cessions sur le marché des ingrédients naturels
Quant aux acteurs déjà présents sur le marché, ils tentent de conforter leur place, à coup d’acquisitions et de cessions. Ainsi, en avril 2014, le fournisseur français d’arômes et de solutions nutritionnelles Diana a été cédé au groupe allemand Symrise, numéro quatre mondial du secteur arômes et parfums pour 1,3 milliard d’euros.
Dernièrement, ADM a pour sa part acquis les divisions Flavors et Dairy Ingredients de l’allemand Wild. « Les arômes et ingrédients naturels sont une des plus grandes tendances et une de celles qui ont la croissance la plus rapide dans les marchés développés ou émergents. Wild Flavors est un des principaux fournisseurs de solutions aromatiques naturelles pour l’industrie alimentaire et les boissons. Ensemble, ADM et Wild Flavors vont devenir l’un des leaders mondiaux dans les arômes et les ingrédients de spécialités, avec des ventes approchant les 1,8 milliards d’euros », a indiqué Patricia Woertz, Pdf d’ADM à cette occasion.
Pendant ce temps là, Naturex s’est renforcé sur le quillaia avec le rachat de la société chilienne Chile Botanics et des activités quillaia de l’Américain Berghausen. Et Ajinomoto s’est allié à l’aromaticien Hasegawa pour développer des arômes naturels issus de biotechnologies et de méthodes de fermentation.