La filière ovine : une filière en crise.
La filière ovine est depuis de nombreuses années une filière touchée de plein fouet par la crise. Ainsi, le nombre d’exploitations n’a cessé de chuter depuis plus de 25 ans. En 2009, le cheptel ovin français comptait 7,5 millions de têtes, en recul de 2,4% par rapport à 2008, alors qu’en 2004 il atteignait quasiment 9 millions d’animaux.
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La filière ovine est depuis de nombreuses années une filière touchée de plein fouet par la crise. Ainsi, le nombre d’exploitations n’a cessé de chuter depuis plus de 25 ans. En 2009, le cheptel ovin français comptait 7,5 millions de têtes, en recul de 2,4% par rapport à 2008, alors qu’en 2004 il atteignait quasiment 9 millions d’animaux. Les producteurs n’arrivent plus à vivre de la seule production ovine ; leurs revenus sont extrêmement bas. Pourtant, la filière ne bénéficie pas d’autant d’aides que les autres productions agricoles. De plus, ce naufrage agricole est totalement passé sous silence.
Quelles sont les principales difficultés auxquelles se heurte la filière ? Y a-t-il encore des solutions envisageables pour sauver le secteur ovin français ? Agro-media a enquêté pour vous sur la filière ovine, une filière en crise.
La filière ovine, entre concurrence et crises sanitaires
La filière ovine n’a cessé de régresser depuis plus de 25 ans. Ainsi, la production a chuté de 36% depuis 1979. Le cheptel, qui est concentré dans le sud de la France, n’a cessé de se réduire. Entre 2004 et 2007, la chute s’est accentuée avec 600 000 têtes perdues, soit 7% du troupeau. Maigre réconfort : la France n’est pas la seule à voir sa filière ovine péricliter. En effet, la production européenne est également à bout de souffle… Il faut savoir que la France détient le 3ème cheptel ovin, loin derrière l’Espagne et le Royaume-Uni, ses principaux concurrents. L’érosion du cheptel concerne en très grande partie le troupeau viande, majoritaire (80% de l’effectif total). Le troupeau laitier est pour sa part parvenu à se stabiliser grâce aux bons résultats du marché du fromage de brebis.
Les différentes crises sanitaires qui ont frappé le secteur, dont la tristement célèbre Fièvre Catarrhale Ovine (FCO) ont fortement ébranlé la confiance des producteurs et décimé les troupeaux. De plus, la fièvre aphteuse du mouton, qui a sévi en 2001, a entraîné une pénurie de viande et une baisse de la consommation.
Les principales difficultés de la filière
Ce qui frappe tout de suite lorsque l’on se penche sur la filière ovine, ce sont les faibles aides dont elle bénéficie. Ainsi, Jean-Yves Gardoni, éleveur ovin dans le Loiret (45) expliquait en 2008 : « on subit comme tous les éleveurs ovins les manquements d’une politique agricole globale vis-à-vis de notre production. On voit bien que lorsqu’on produit des céréales on a des niveaux de soutien intéressants, qui sont cohérents par rapport à la réalité économique de la production de céréales, et lorsqu’on est producteur ovin on est délaissé par les pouvoirs publics et plus globalement par la politique agricole commune depuis une dizaine d’années ». Un bon résumé de la situation.
Les producteurs ovins doivent en outre tenter de survivre avec des revenus extrêmement faibles. Ainsi, ces derniers ont chuté de près de 32% entre 2006 et 2007 ! Un éleveur de moutons gagnait environ 8 000 € par an en 2007, soit moitié moins que le revenu moyen agricole… Suite à ce constat, la Fédération Nationale Ovine (FNO) avait mis en garde : « Si rien n’est fait, les brebis et leurs agneaux vont progressivement disparaître de nos territoires ». Or, l’élevage ovin français fournit des produits de qualité, participe au respect de l’environnement et à l’aménagement du territoire. Une bien maigre récompense pour le travail fourni, donc. Les coproduits (laine, peaux, abats) sont en outre très mal valorisés.
De plus, ce ne sont pas les français qui vont aider le secteur à se maintenir dans l’hexagone. En effet, les productions ovines sont de moins en moins consommées par ces derniers, qui les délaissent, préférant se tourner vers d’autres viandes. En 2007, la consommation avait chuté de 4,5%, atteignant 3,8 kg de viande ovine consommés par personne et par an contre 4,9 kg en 2000. Les principaux consommateurs de viande ovine sont les personnes âgées, qui possèdent un revenu supérieur aux autres. Les jeunes considèrent pour leur part qu’il s’agit d’une viande difficile à préparer, et essentiellement traditionnelle. Le secteur ne bénéficie donc pas d’une image dynamique.
Mais là où cela devient troublant, voire choquant, c’est lorsque l’on se penche sur les importations françaises de viande ovine. On s’aperçoit alors qu’en 2008 par exemple plus de 50% de la viande consommée en France provenait de l’étranger ! Paradoxal, surtout lorsque l’on sait que la France peut tout à faire couvrir ses besoins… Voilà qui a de quoi laisser dubitatif ou faire rager nos producteurs !
Vers une reconquête ovine ?
Au bout de 25 ans, l’Union européenne s’est finalement aperçue des difficultés de la filière. « Il était temps ! » diront certains, « mieux vaut tard que jamais ! » penseront d’autres. Les aides DPU ovines ont finalement été revalorisées en 2009 et une aide ovine supplémentaire de 21€ par brebis ainsi qu’une prime de 3€ par brebis dans le cadre d’une contractualisation ont été mises en place en 2010, essentiellement dans la filière viande. Et ces aides ont aussitôt porté leurs fruits ! L’effectif des agnelles saillies s’est alors maintenu pour la première fois après des années de baisse et l’effectif des agnelles non saillies a progressé de 7% entre 2008 et 2009 avec une hausse plus importante pour le secteur viande (8% contre 4% pour le secteur laitier). Mais l’on peut se demander pourquoi il aura fallu attendre 25 ans pour en arriver là…
En tous cas, une véritable « reconquête ovine » doit être mise en place, et développer la résistance des animaux à certains parasites et à certaines pathologies semble la seule voie d’avenir. La FNO a lancé un site web dédié à la reconquête ovine, et présente un véritable projet technico-économique pour relancer la filière. Ainsi, les éleveurs n’ont pu investir sur leurs exploitations depuis des années, étant donné les faibles revenus qu’ils dégageaient. Il est donc grand temps de leur permettre d’améliorer leur compétitivité. De même, la recherche de valeur ajoutée passera nécessairement par une consolidation de la filière et une meilleure valorisation des produits français.
Finalement, notre enquête nous amène à réaliser que les producteurs ovins sont depuis des années considérés comme les parents pauvres de l’agriculture. Délaissés par la PAC, malmenés par les importations étrangères massives faisant concurrence à leurs produits et asphyxiés par les faibles revenus du secteur, autant dire que les producteurs ovins qui continuent de se battre pour leur filière sont des passionnés qui méritent une véritable reconnaissance. Pourtant, les ovins sont fortement ancrés sur le territoire et participent à la valorisation des surfaces enherbées. Les 35% de la SAU européenne en herbe ne pourront se passer des éleveurs ovins et sont en partie vouées à l’enfrichement si ces derniers continuent de disparaître. Les pouvoirs publics semblent avoir pris conscience de l’importance de la filière et de la détresse qui submerge les producteurs. Des solutions semblent envisageables, et bien qu’elles ne permettront peut-être pas de relancer le secteur elles pourraient tout au moins limiter la casse. Reste au gouvernement à prendre les mesures qui s’imposent. V.D.