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L’ESB, 15 ans après.

En 1996, l’Europe est touchée par un mal qui reste encore dans nos mémoires : la crise de la vache folle. Scènes morbides de vaches abattues puis brûlées, d’animaux morts jetés dans des fosses au moyen de tractopelles… La cause de ces décès massifs : le prion, vecteur de la maladie de la vache folle.

En 1996, l’Europe est touchée par un mal qui reste encore dans nos mémoires : la crise de la vache folle. Scènes morbides de vaches abattues puis brûlées, d’animaux morts jetés dans des fosses au moyen de tractopelles… La cause de ces décès massifs : le prion, vecteur de la maladie de la vache folle. Cette « protéine infectieuse », mise en évidence en 1982, détruit les neurones de l’hôte. C’était il y a 15 ans. Retour sur les faits ; analyse d’une crise…

 

Récit d’une crise

L’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), ou maladie de la vache folle, décime les troupeaux européens depuis la fin des années 1980. Le premier cas a été identifié en Angleterre en novembre 1986. La maladie s’est progressivement étendue à l’Europe. Toute transmission à l’homme est écartée.

Le 2 mars 1991, le premier cas français était avéré. Le 20 mars 1996, Stephen Dorrell, alors Secrétaire d’Etat à la Santé en Grande Bretagne, annonce un lien vraisemblable entre la maladie de la vache folle et un variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Les victimes sont jeunes, 29 ans en moyenne. C’est le début de la crise de la vache folle.

Deux jours après l’annonce retentissante, un embargo est décrété sur la viande bovine britannique dans plusieurs pays, dont la France. Des programmes de recherches sont lancés.

Principales mises en causes, les farines animales. Produites à partir de déchets d’abattoir, ces farines rentrent dans la composition des rations animales afin d’augmenter les rendements. Les prions, présents dans les systèmes digestifs, lymphatiques et nerveux, se transmettent par voie orale. Les méthodes de traitement des farines animales, allégées en 1981, ont largement contribué à la propagation de la maladie : température de traitement abaissée à 90°C et étape de délipidation à l’hexane supprimée.

Au total, l’ESB aura infecté 300 000 vaches et fait 181 victimes humaines dans le monde en 15 ans.

 

Interdiction de commercialisation de cervelle de bœufs de plus de 6 mois, suppression des farines animales, traçabilité… Quels changements découlent de cette crise ? Un impact sur la consommation de viande et une profonde modification de la règlementation française et européenne.

 

Une consommation freinée

La crise de la vache folle de 1996 est la première grande crise sanitaire pesant sur la consommation de viande des ménages. L’inquiétude des consommateurs fait chuter la consommation « intérieure » de viande bovine. Six mois seront nécessaires pour retrouver l’évolution tendancielle.

Dès le début de la crise, la consommation « intérieure » de viande bovine chute en France. En juin 1996, elle est inférieure de 20 % à son niveau de mars. Sur l’ensemble de l’année 1996, la consommation « intérieure » diminue de 10 %, les exportations de 14 %, les importations de 34 %. Face à la forte baisse de la demande, l’activité d’abattage chute : en avril 1996, elle est de 10 % inférieure à son niveau de février. Le déséquilibre entre l’offre et la demande s’accompagne d’une baisse brutale des prix à la production (-17 % d’août 1995 à août 1996). Cependant, les prix à la consommation de viande bovine restent stables pendant toute la durée de la crise.

En 1996, la marque collective VBF (viande bovine française) est créée par l’association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes (Interbev), en partenariat avec le ministère de l’agriculture, afin de rassurer le consommateur. Elle assure l’origine française de l’animal (né, élevé et abattu en France).

 

Une règlementation renforcée

Suite à la crise de la vache folle, les mesures prises concernant l’identification et la traçabilité des animaux au niveau européen ont permis à la filière d’améliorer largement les pratiques dans ce domaine. Ainsi, les boucles, déjà obligatoires en France depuis 1978, doivent depuis 1997 être apposées dans les quarante-huit heures qui suivent la naissance, et à chaque oreille. De plus, chaque animal dispose dans les quarante-huit heures suivant sa naissance d’un Passeport, attestant de son identité et de sa filiation et d’une Attestation Sanitaire à Délivrance Anticipée (ASDA ou Carte Verte), garantissant la qualification sanitaire de l’exploitation et les différents propriétaires de l’animal.

C’est surtout dans les ateliers de découpe et les abattoirs que la traçabilité apparaît comme une nouveauté. Tous les intermédiaires de la filière bovine doivent pouvoir assurer le suivi des produits de manière à pouvoir retrouver de quel animal chaque produit fini provient. En 1997, le gouvernement français impose un système d’identification et d’enregistrement des bovins et rend obligatoire l’apposition sur les étiquettes produits de la provenance de l’animal, de son type racial (race laitière, race à viande, ou race mixte) et de sa catégorie (taureau, bœuf, jeune bovin, génisse, vache). En 1999, le numéro de tuerie doit être inscrit à l’encre alimentaire sur les carcasses, demi-carcasses, quartiers et découpes de gros avec os dans les abattoirs.

Par la suite, en réponse à une demande de transparence toujours plus forte, la règlementation européenne évolue avec notamment la publication du règlement (CE) n°178/2002, également appelé « Food Law ». Il constitue le socle de la sécurité sanitaire des aliments avec un champ d’application couvrant, à la fois, les denrées alimentaires et l’alimentation animale, et officialisant la responsabilité de l’exploitant en matière de traçabilité.

Aujourd’hui, les dispositions en matière d’hygiène sont regroupées au sein du Paquet Hygiène, entré en vigueur au 1er janvier 2006, dont le règlement principal reste le 178/2002. L’objectif général est de mettre en place une politique unique et transparente en matière d’hygiène, applicable à toutes les denrées alimentaires et à tous les exploitants du secteur alimentaire y compris ceux de l’alimentation animale et à créer des instruments efficaces pour gérer les alertes, sur l’ensemble de la chaîne alimentaire. Le Paquet Hygiène impose non seulement la traçabilité mais étend également l’obligation de mise en place un système HACCP.

 

Une économie modifiée

Depuis 1996, les matériels à risque spécifiés (MRS) sont systématiquement retirés à l’abattoir et détruits par incinération. Il s’agit des tissus qui, en cas de contamination des ruminants par l’ESB et même en l’absence de symptômes apparents, seraient susceptibles d’être infectieux. Par souci de précaution, ils sont retirés de la chaîne alimentaire humaine, et ne font l’objet d’aucun recyclage dans l’alimentation animale. L’Etat intervient directement dans le dispositif économique en créant le Service Public de l’Equarrissage (SPE) financé par la « taxe d’équarrissage » (supprimée en 2003) prélevée auprès du commerce de détail des viandes. En 2001, les surcoûts liés à l’ESB étaient d’environ 50 centimes d’euros par kilogramme de carcasse. Depuis 2004, le financement du SPE est assuré par la « taxe d’abattage », exclusivement supportée par les abattoirs en fonction du volume de MRS et des saisies générés par l’abattoir, ainsi que du tonnage équivalent à la carcasse (TEC).

La crise de la vache folle a mis à genoux bon nombre d’opérateurs de la filière bovine. Les nouvelles exigences règlementaires, et en particulier les nouvelles règles d’hygiène et de traçabilité, ont conduit à la fermeture d’abattoirs. Pour répondre à des cahiers des charges de plus en plus contraignants, la filière a connu une concentration des opérateurs sur tous ses maillons. Aujourd’hui, seuls quelques opérateurs contrôlent la filière bovine en France : Bigard, Elivia, Arcadie… C.T.

ParLa rédaction

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