Neofood, Ufood, Cofood, Superfood : Quels enjeux pour les marques ?
Partant du constat que la population mondiale devrait dépasser les 9 milliards d’individus à l’horizon 2050, quelle sera notre capacité à nourrir l’ensemble de la planète ? Différentes pistes sont aujourd’hui explorées et une refonte globale de l’ensemble de la chaîne logistique et de création de valeur de l’industrie est engagée. Face à cette mutation, portée notamment par les consommateurs, …
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Partant du constat que la population mondiale devrait dépasser les 9 milliards d’individus à l’horizon 2050, quelle sera notre capacité à nourrir l’ensemble de la planète ? Différentes pistes sont aujourd’hui explorées et une refonte globale de l’ensemble de la chaîne logistique et de création de valeur de l’industrie est engagée. Face à cette mutation, portée notamment par les consommateurs, de nouvelles tendances avec de nouveaux courants Food se développent, engendrant de nouvelles formes de communication et donc de nouveaux enjeux pour les marques. «Sur les réseaux sociaux, les débats font rage et dans les villes, qui accueilleront 65% de la population mondiale en 2050, de nouveaux comportements et postures de consommateurs apparaissent» écrit dans une étude sur le sujet, Kantar Media, acteur majeur des données et analyses médias. «Comment les marques abordent-elles ces changements à la fois radicaux et diffus ?», s’interroge Kantar Média. «Ont-elles pris la mesure de la grande lame de fond alimentaire qui s’apprête à déferler de manière irrégulière sur l’ensemble de la société? ». L’organisme souhaite balayer le spectre des enjeux relatifs à l’alimentation et dresser une «big picture» internationale des mouvements du secteur, en pointant les tendances émergentes et en proposant les clés de décryptage afin d’anticiper les points d’impacts et de se positionner. Parce que rien n’est moins gé que le futur de l’alimentation, Kantar Média parie «sur une juxtaposition de possibles». «Toutefois, si tout parait aujourd’hui possible, tout n’est pas permis. Les consommateurs veillent au grain. L’avenir passera par une prise en compte de ce nouveau contre-pouvoir augmenté ainsi que par de nouvelles formes de collaborations» affirme l’organisme d’étude.
Une baisse des investissements publicitaires
Sur l’année 2016, les secteurs Alimentation et Boissons ont observé une baisse des investissements publicitaires français de l’ordre de 2% par rapport à l’année 2015. Sur les 3.57 Milliards d’euros investis, 2.7 Milliards d’euros ont été dépensés par les marques d’Alimentation, contre 800 Millions d’euros pour le secteur Boissons. A noter que cette tendance baissière semble se renforcer au regard des investissements mesurés sur le premier semestre 2017. 1.72 Milliards d’euros de dépenses, toutes marques confondues, soit une baisse de -2.6% par rapport au premier semestre 2016. Sur le segment Alimentation, les stratégies médias se concentrent majoritairement sur la Télévision qui capte 82% des investissements du secteur. Comparé au segment Boissons, qui accuse un recul de -9.3% des dépenses sur le premier semestre 2017, le segment Alimentation semble relativement stable (-0.6%). L’analyse de la répartition des investissements sur le segment Boissons montre un recours à d’autres structures de dépenses. Le triptyque TV, Presse et OOH capte respectivement 48%, 20% et 21% des investissements médias. Cependant, cette observation est à nuancer notamment par rapport à l’intégration des boissons alcoolisées, qui, au regard de la loi Evin, ne peuvent communiquer en TV et viennent ainsi diluer les investissements sur ce média. «On assiste à un glissement vers le social pendant que le nombre d’annonceurs augmente. Un décalage existe aujourd’hui entre la libération de la parole des audiences et des influenceurs, en comparaison avec l’hypercontrôle des annonceurs » écrit Kantar Média. «Toutefois, cette parole et ces attitudes libérées voire libérales des publics ne se fait pas nécessairement en opposition aux prises de positions des marques. Bien que certains contenus ciblent des marques ou des organisations particulières, bon nombre de débats concernent des débats d’opinions personnels. Cette revendication très forte entraîne une pression supplémentaire sur les maillons de la chaîne que l’on appelle le Coup de la fourchette».
Les consommateurs exercent une pression transversale sur les marques
Pour Kantar Média, il existe un parallèle intéressant entre le coup de la fourchette et la pression qu’exercent aujourd’hui les consommateurs sur l’ensemble de la chaîne de création de valeur de l’industrie alimentaire. Une pression qui s’exerce sur l’ensemble des points stratégiques et de frictions de la supply chain. «De l’agriculture à la transformation des produits, en passant par le packaging, la logistique et la publicité, aucun élément n’échappe à la vigilance du consommateur» rappelle Kantar Média. Le consommateur traditionnel, récepteur et acheteur historique n’est-il pas en train de devenir une nouvelle partie prenante intégrée à l’organisation ? s’interroge l’organisme. En effet, 47% des consommateurs vérifient la provenance de leurs achats, 46% d’entre eux refusent les marques qui ne font pas preuve de transparence, près d’un consommateur sur deux lit les étiquettes qui se trouvent sur les aliments pour voir les ingrédients qui entrent dans leur composition et un quart des Français ne fait pas confiance à cette liste d’ingrédients.
Comment les marques peuvent-elles s’adapter ?
Face à tous ces mouvements et les problématiques qu’engendrent les consommateurs, comment les entreprises s’adaptent-elles, quelles seront les enjeux majeurs de leurs communications ainsi que leurs axes d’amélioration ? A partir d’un corpus de plus de 3000 créations publicitaires issues de la base AdScope sur le premier semestre 2017, Kanter Média a discerné les grandes tendances créatives actuelles. Celles-ci s’articulent autour de 12 axes de communication interdépendants. La totalité des annonceurs observés adoptent une posture de contrôle de leurs prises de parole ne traduisant pas directement la force des attentes et des influences diverses exercées par les publics sur les réseaux sociaux. Ces 12 axes de communication s’articulent autour de 4 grandes tendances (le Neofood, l’Ufood, le Cofood et le Superfood) qui seront au cœur de la communication de demain : Plaisir, Partage et Santé.
Les quatre grandes tendances sociétales
Aux nouvelles attentes des consommateurs correspondent aussi de nouveaux modes de communication. Il existe désormais une multitude de façons de promouvoir l’alimentation : la vidéo, le montage photo, ou bien encore le story-telling… la différenciation passe de plus en plus par les réseaux sociaux. D’une communication de masse à une communication plus personnalisée, les plateformes sociales permettent un rapprochement avec le public.
La tendance Neofood
«Bien avant de manger des insectes lyophilisés, de boire de l’eau en poudre et de réinventer le thé, les industriels ont des problèmes lourds à résoudre. Une grande partie de ce qui empêche les entreprises de dormir ou de manger tient dans la gestion de la fameuse supply- chain» note Kantar Média.
Un alignement optimal de la chaîne de production requiert des milliards de dollars d’investissements sur plusieurs années. L’idée de structurer une neo supply chain prend racine dans la remise en question des logiques consuméristes. Les structures discursives qui servaient à différencier les produits sont désormais de véritables étendards de revendication.
En agissant sur l’agriculture et l’activité de leurs producteurs, les marques font émerger, de nouvelles formes de naturalité, de nouveaux outils de production et de schémas de distribution.
La Neofood définit ainsi une nouvelle façon de penser l’alimentation, en terme d’impact économique, sociétal et environnemental. Pression des consommateurs, exigence de transparence, alignement des marques… sont au cœur de la tendance. Le besoin de mettre en avant ses engagements, le besoin d’adresser le problème à la racine et de s’engager frontalement lorsque cela est nécessaire.
La traçabilité augmentée est également un nouvel enjeu pour une image plus authentique. C’est ainsi que
Nestlé a engagé il y a une dizaine d’année une démarche de réflexion sur sa responsabilité sociétale
et environnementale en tant que géant de l’industrie alimentaire.
La Création de Valeur Partagée, concept théorisé par Michael E. Porter, semble aujourd’hui pleinement intégrée à l’ensemble de la démarche du groupe. Cette Création de Valeur Partagée s’exprime dans certains messages publicitaires de la marque.
Nespresso valorise de son côté l’action de la marque auprès des producteurs locaux, dans le cadre de la sélection des variétés de café et dans la conception des capsules en aluminium. La marque exprime sa pleine conscience de l’impact de chacun de ses actes.
D’autres marques adressent directement un problème précis et cherchent un e et de levier.
L’engagement est un champ d’exploration et de transformation sociétal. Chez Carrefour, les problèmes alimentaires peuvent être adressés de façon politique. Les pouvoirs publics ont
un rôle de régulation, y compris sur des sujets tels que
la biodiversité.
La technologie, un autre allié des marques
L’AgTech peut permettre aux producteurs d’être plus efficient dans leurs tâches quotidiennes. Les robots viennent soutenir les humains confrontés à des problèmes de gestions des ressources et de l’espace. Ils se montrent d’une aide précieuse au niveau opérationnel (travail du terrain) et au niveau de la prise de décision (collecte et visualisation de données utiles) sans dénaturer le travail de fond.
L’ Université de Sydney a développé un robot capable de compter les fruits, de les représenter sur une carte et de restituer un ensemble de données utiles aux agriculteurs. D’autres robots viennent renforcer l’arsenal d’outils disponibles pour les agriculteurs du futur. La traçabilité augmentée est une démarche engagée par des acteurs globaux de la grande distribution.Grâce au blockchain, l’ensemble de l’industrie sera en mesure d’identifier l’origine des produits, les conditions dans lesquelles ils ont été transformés ou transportés. Les consommateurs pourront accéder à des niveaux de transparence inégalés jusqu’alors. Cela permettra d’identifier rapidement les causes possibles d’une crise sanitaire ou d’un problème engageant la responsabilité des entreprises ou celle de leurs fournisseurs.
La tendance Superfood
«Le pouvoir de l’alimentation s’exprime à différents niveaux : personnel, social/sociétal et universel. Les marques montrent leur capacité à proposer une alimentation dont la consommation permet d’impacter positivement le monde, de l’infiniment petit (à l’échelle du moment de consommation), à l’infiniment grand (à l’échelle de la planète et de l’écosystème).
L’alimentation reconnecte l’individu à des valeurs profondes et lui redonne une vision holistique de lui-même. Cette idée d’une nourriture positive et superpuissante prend différentes formes. Elle n’est pas l’apanage des marques et des industriels, même si ceux- ci peuvent y trouver un intérêt plus que flagrant», explique Kantar Média. Le thème principal de cette tendance est la responsabilité sociétale et l’humanisme moderne. La Foodtech doit agir pour le bien de la communauté, via la création de nouveaux emplois et de liens sociaux, en misant sur la responsabilité de chacun. Inventer la nourriture de demain, éduquer à des modes de consommation plus durables, et surfer sur le Do It Yourself (recyclage de produits pour une seconde vie).
La tendance Ufood
«L’alimentation n’est pas qu’une histoire de masses et de comportements globaux. Le consommateur n’est pas toujours conditionné par les choix de la foule. Il est parfois question de comportements spécifiques et individuels. Rencontres et tensions culturelles, apprivoisement de la technologie, dérives urbaines, rejets tribaux jusque dans les plus petits espaces de consommation. L‘alimentation s’enrichit de la destruction. Uncrafted, urbaine et ubérisée, elle devient difficile à saisir», précise l’organisme d’étude.
La Ufood se caractérise ainsi par des signaux faibles et des applications concrètes plus disparates, des initiatives de start-ups ou d’entreprises à plus grandes échelles qui proposent des alternatives aux produits traditionnels comestibles. Elle se présente aussi par une multiplication de «villages urbains» produisant de manière autonome des produits frais de qualité en circuit fermé. Cette tendance proposera un packaging fonctionnel, pratique et responsable (exemple des capsules d’eau comestibles qui remplaceraient des bouteilles d’eau). Elle proposera aux clients des infrastructures afin de produire leurs propres produits, dans une démarche de valeurs d’usage des biens de consommation.
La tendance Cofood
«Le secteur de l’alimentation est composé d’un lot d’individus reliés entre eux et de tribus intelligentes. Les pressions qu’exercent les consommateurs ne se font pas à partir de démarches isolées d’individus indépendants agissant chacun dans leur propre coin. En réalité, le futur du secteur devra également compter avec des conglomérats de consommateurs impactant le marché d’une nouvelle manière. Dans ce contexte, comment les intérêts des consommateurs et des marques peuvent-ils converger, comment les consommateurs eux-mêmes s’organisent- ils pour créer un nouveau tissu économique qui viendra se superposer à un maillage plus large de grands distributeurs ?» s’interroge Kantar Média. Cette tendance consiste à bâtir des communautés économiques autour de réseaux alimentaires, en misant sur l’éducation, co-investir afin de révolutionner l’agriculture urbaine, c’est un processus plus collaboratif de la part des entreprises ou encore construire une marque en fonction des priorités des consommateurs. Ce n’est pas le packaging et le design produit mais la conception du produit lui-même!
Les futurs possibles de l’alimentation
« Le futur reste une obsession moderne et l’avenir de l’alimentation est relié à l’humanité. L’objectif n’est pas de livrer une vérité immuable et dogmatique concernant les aliments ingérés demain mais il se passe quelque chose de différent et de nombreux rythmes et natures d’évolutions cohabitent. Les bases du marché alimentaire de demain sont déjà posées» constate Kantar Média. En 2050, sur 9,5 Milliards de personnes, la planète comptera 6.37 milliards de personnes vivant dans un environnement urbain, soit 65% de population mondiale.
L’analyse des données consommateurs issues de l’ outil Kantar Media TGI montre une rencontre des attentes
et des opinions des consommateurs urbains (résidant dans les villes de plus de 100 000 habitants) et cela peut importe les générations. Les publics jeunes (18-25 ans) semblent en accord avec leurs ainés (45-55 ans) sur des opinions concernant la provenance, et la composition des produits. Concernant les critères d’achat, la génération Y se démarque car en affinité avec des critères de choix et influencée par les internautes, la publicité et l’équité. Les X cristallisent leur attention sur le goût, la marque, les promotions ou encore la composition.
Pour Kantar Média, au regard des tendances sur les futurs possibles de l’alimentation, «cette progression vers un monde ultra peuplé et ultra urbain ne se fera pas sans tensions. Ces tensions s’expriment déjà dans les rapports qui s’exercent entre les communautés actives et les logiques de standardisation qu’essaient de maintenir les marques». La tendance Ufood, s’inscrit dans cette idée avancée d’une alimentation de plus en plus urbaine, uberisée et donc personnalisée.
A l’inverse les schémas de masse sont lisibles dans la tendance Neofood et les contraintes aménagées par les grands acteurs du secteur. «Mais s’il y a tension dans le spectre consumer-marques, la rencontre est également possible.
Dans le champ social, les marques et les consommateurs peuvent trouver des points de jonctions et de collaborations qui peuvent accélérer la transformation positive du secteur et faire converger les intérêts de l’ensemble des parties prenantes. Si les deux générations apparaissent, intellectuellement et culturellement en accord, sur des opinions relatives à la nourriture, elles traduisent ces considérations de manière totalement opposée dans leurs actes d’achat» en conclut Kantar Média.
Quels enseignements pour les marques ?
«L’idée est donc de s’impliquer au plus haut niveau de la chaîne de valeurs pour proposer, in fine, une marque alignée avec les attentes plurielles du consommateur» affirme Kantar Média. D’un côté, des comportements alimentaires de masse et de l’autre, des consommateurs aux comportements très urbanisés et individuels.
Les consommateurs oscillent entre chaque groupe selon leurs attentes et leurs croyances à un instant t. C’est l’opportunité pour les marques d’aller rencontrer le consommateur dans un espace social. Il est impossible de créer un produit qui répond respectivement aux attentes de chaque individu type. D’où l’importance de cibler des communautés préalablement segmentées.
De ce constant, la supply-chain ou chaîne de production doit apparaître clairement dans les stratégies communication et marketing de l’entreprise.
Selon le segment ciblé, l’entreprise pourra choisir quelle attente consommateur favoriser plutôt qu’une autre. Chaque attente consommateur correspond à une étape clé de la chaîne de production. « Une entreprise à tout intérêt à bien soigner ses parties prenantes afin de créer une vraie valeur ajoutée à son produit. Les entreprises doivent prendre conscience de tous les enjeux sociétaux et adapter leurs chaînes de production en fonction. Même si une étape peut être privilégiée dans la stratégie plutôt qu’une autre, chaque étape demeure essentielle pour construire une image de marque solide et la stratégie de communication qui en découle».
En conclusion, parmi les points essentiels à retenir, Kantar Média conseille de segmenter et bien cibler les communautés ; d’opter pour la transparence de la chaîne de production qui sera mise en valeurs dans la stratégie de communication/marketing de l’entreprise ; d’intégrer les consommateurs dans la conception et la production des produits et d’initier une stratégie de marketing collaboratif. (Sources : Kantar Media d’après le Foodoscope 18 “Futurs possibles de l’industrie alimentaire”).