PPWR : Les enjeux et défis pour l’industrie agroalimentaire face au règlement 2025/40 pour les emballages
Avec le règlement 2025/40, l’Europe a annoncé vouloir s’engager pour une gestion durable des emballages. Adopté en décembre 2024 et publié au Journal officiel de l’Union européenne le 22 janvier 2025, le règlement 2025/40 devrait marquer un tournant dans la régulation des emballages et des déchets d’emballage. Cette initiative, anciennement connue sous le nom de PPWR (Proposal Packaging and …
Avec le règlement 2025/40, l’Europe a annoncé vouloir s’engager pour une gestion durable des emballages. Adopté en décembre 2024 et publié au Journal officiel de l’Union européenne le 22 janvier 2025, le règlement 2025/40 devrait marquer un tournant dans la régulation des emballages et des déchets d’emballage.
Cette initiative, anciennement connue sous le nom de PPWR (Proposal Packaging and Packaging Waste Regulation), vise à harmoniser les pratiques des 27 États membres pour réduire l’impact environnemental des emballages, un défi de taille face à l’augmentation constante des déchets générés.
Chaque Européen produit en moyenne 180 kg de déchets d’emballage par an. Sans intervention, ces chiffres pourraient augmenter de 19 % d’ici 2030, avec une hausse de 46 % des déchets plastiques. Pour inverser cette tendance, le règlement fixe des objectifs ambitieux : réduire de 15 % les déchets d’emballage par habitant d’ici 2040 et aligner cette réduction sur les engagements climatiques du Green Deal européen.
Dès 2030, tous les emballages devront être recyclables
Le règlement 2025/40 introduit un cadre réglementaire strict pour garantir une transformation profonde de la gestion des emballages. Dès 2030, tous les emballages devront être recyclables, une obligation qui repose sur plusieurs critères précis : la conception pour le recyclage, une collecte efficace et la production de matières premières secondaires de qualité suffisante pour remplacer les matériaux primaires.
En parallèle, l’utilisation de matières recyclées dans les emballages plastiques deviendra obligatoire. Les emballages en PET, par exemple, devront intégrer au moins 30 % de matière recyclée dès 2030, tandis que ce taux passera à 50 % en 2040. Les bouteilles plastiques à usage unique devront, elles, contenir 65 % de matière recyclée à cette même échéance.
La lutte contre le suremballage constitue également une priorité. Les emballages inutiles, comme ceux comportant un espace vide excessif (supérieur à 50 %), seront progressivement limités. De même, les matériaux de calage, tels que les frisures de papier ou les coussins d’air, devront être réduits.
Promouvoir le réemploi et la consigne
Pour encourager une économie circulaire, le règlement impose des mesures favorisant le réemploi des emballages. Chaque producteur devra concevoir des emballages réutilisables ou rechargeables, tout en informant les consommateurs sur leur réemploi. Un objectif ambitieux de collecte pour recyclage a également été fixé : 90 % des bouteilles et canettes de boissons en plastique devront être collectées via des systèmes de consigne d’ici 2029.
Une harmonisation européenne pour un impact global
En établissant des normes communes pour les États membres, le règlement 2025/40 ambitionne de simplifier et d’améliorer la gestion des emballages à l’échelle européenne. Cette harmonisation inclut non seulement des objectifs de réduction des déchets, mais aussi des exigences strictes concernant la conformité des emballages. Les fournisseurs devront fournir des déclarations de conformité pour garantir que leurs produits respectent les nouvelles règles.
Avec des échéances progressives et des objectifs ambitieux, le règlement 2025/40 veut se positionner comme un pilier essentiel de la transition écologique européenne. Il s’inscrit dans une dynamique globale visant à réduire les déchets, à promouvoir le recyclage et à diminuer l’impact environnemental des emballages, tout en préparant l’Europe à atteindre ses objectifs climatiques pour 2050.
Les enjeux et défis pour l’industrie agroalimentaire face au règlement 2025/40
Avec l’entrée en vigueur du règlement 2025/40 sur les emballages et déchets d’emballage, l’industrie agroalimentaire se trouve au cœur des transformations attendues. Ce secteur, fortement dépendant des emballages pour garantir la sécurité, la conservation et la présentation des produits, devra relever des défis majeurs pour se conformer à ces nouvelles exigences tout en maintenant son efficacité opérationnelle et sa compétitivité.
Réduire les emballages tout en préservant les standards de qualité : L’un des principaux enjeux pour l’industrie agroalimentaire sera de trouver un équilibre entre la réduction des emballages et la garantie de la sécurité alimentaire. Les emballages jouent un rôle essentiel dans la préservation des produits périssables, et tout ajustement devra être réalisé sans compromettre la durée de conservation ou l’hygiène. Les industriels devront ainsi innover pour développer des solutions d’emballage plus légères, optimisées et respectueuses des nouvelles normes tout en maintenant leur rôle protecteur.
Intégrer des matériaux recyclés tout en respectant les contraintes réglementaires : Le règlement impose des taux minimums d’intégration de matières recyclées dans les emballages plastiques. Pour le secteur agroalimentaire, ces contraintes posent des défis spécifiques, notamment pour les emballages en contact avec les aliments. Les industriels devront garantir que les matériaux recyclés répondent aux exigences de sécurité alimentaire, ce qui nécessitera une amélioration des technologies de recyclage et une collaboration accrue avec les fournisseurs de matériaux.
Transition vers des emballages réutilisables et recyclables : L’obligation de proposer des emballages réutilisables ou recyclables d’ici 2030 représente un autre défi de taille. Cela nécessitera une refonte des processus de conception et de production. Par exemple, les fabricants devront développer des systèmes permettant aux consommateurs de réutiliser certains types d’emballages ou encore adopter des matériaux compatibles avec les filières de recyclage disponibles. Cette transition impliquera également des investissements dans la recherche et le développement ainsi que dans la refonte des chaînes logistiques.
Maîtriser les coûts et assurer la compétitivité : La mise en conformité avec le règlement entraînera des coûts supplémentaires pour le secteur agroalimentaire : investissements dans de nouvelles technologies, recherche de matériaux adaptés, adaptation des processus de production et gestion logistique des systèmes de consigne. Les entreprises devront trouver des moyens de maîtriser ces coûts tout en restant compétitives sur un marché où les marges sont souvent étroites.
Éduquer les consommateurs et promouvoir l’économie circulaire : L’introduction de systèmes de consigne et d’emballages réutilisables nécessitera également une forte sensibilisation des consommateurs. Les acteurs du secteur devront jouer un rôle actif pour informer les clients sur les nouvelles pratiques, comme le retour des emballages consignés ou l’utilisation d’emballages conçus pour le réemploi. Le succès de ces initiatives dépendra largement de l’adhésion des consommateurs.
Surmonter les contraintes technologiques et logistiques : L’adoption d’emballages compostables, recyclables ou réutilisables à grande échelle impliquera des adaptations majeures dans les lignes de production. De plus, la gestion logistique des emballages réutilisables et la collecte des matériaux recyclables imposeront des réorganisations importantes, notamment pour les industriels opérant à l’échelle internationale.
Anticiper les interdictions progressives : Les interdictions spécifiques, telles que celles des PFAS (substances perfluoroalkylées) dans les emballages alimentaires dès 2026 ou des emballages excessifs à partir de 2030, obligeront les entreprises à repenser leurs gammes d’emballages. Cette anticipation sera essentielle pour éviter les ruptures dans les chaînes d’approvisionnement et les sanctions réglementaires.
Collaborer pour innover : Pour répondre à ces défis, l’industrie agroalimentaire devra renforcer ses collaborations avec les acteurs de l’emballage, les instituts de recherche, et les startups innovantes. L’objectif sera de développer de nouveaux matériaux, de repenser les designs d’emballages et d’optimiser les procédés de recyclage. Les partenariats avec les collectivités locales pour améliorer les systèmes de collecte et de tri joueront également un rôle clé.
Transformer les contraintes en leviers d’innovation
En dépit des défis qu’il impose, le règlement 2025/40 représente une opportunité unique pour l’industrie agroalimentaire de s’engager pleinement dans la transition écologique. Les entreprises qui sauront transformer ces contraintes en leviers d’innovation pourront non seulement répondre aux attentes réglementaires, mais aussi renforcer leur image auprès des consommateurs, de plus en plus sensibles aux enjeux environnementaux. Ce passage à une économie circulaire marquera ainsi un véritable tournant pour le secteur, ouvrant la voie à une industrie plus durable et résiliente.
Les feuilles de route sectorielles de Pact’Alim pour atteindre les objectifs
La publication du règlement européen sur les emballages et les déchets d’emballages (PPWR) marque une étape cruciale dans la transition vers une économie circulaire en Europe. Pact’Alim, porte-parole des PME & ETI de l’alimentation, « salue l’aboutissement de ce texte ambitieux et salue une première étape importante dans l’harmonisation du cadre réglementaire européen ».
« Les entreprises françaises ont renforcé leurs engagements en faveur de l’économie circulaire et de l’écoconception des emballages depuis la loi française « AGEC », publiée en 2020. Les PME et ETI françaises de l’alimentation ont durablement progressé dans la gestion durable de leurs emballages, au travers d’actions d’éco-conception sur les trois axes de la stratégie nationale dite « 3R » : Réduire les déchets d’emballages, promouvoir le Réemploi et optimiser la Recyclabilité, complétée par des feuilles de routes 3R sectorielles », souligne Pact’Alim, « L’adoption de ce règlement européen vient conforter ces efforts en adressant un signal fort, confirmant l’engagement de l’Europe en faveur de l’économie circulaire et ouvrant la porte à une véritable harmonisation de la réglementation entre États membres. Il est désormais impératif d’aboutir à une stabilisation rapide des actes délégués qui doivent compléter le règlement PPWR. Ces textes doivent permettre de préciser et harmoniser certaines règles importantes comme les consignes de tri ou les définitions de la recyclabilité des matériaux. Il est également nécessaire de permettre la reconnaissance des nouvelles technologies de recyclage des emballages pour atteindre les objectifs d’incorporation de matière recyclée ».
Pour Karima Kaci, directrice générale de Pact’Alim : « Les entreprises françaises ont renforcé leurs engagements en faveur de l’économie circulaire et de l’écoconception des emballages depuis la loi AGEC, publiée en 2020. Le règlement européen va permettre d’embarquer tous les États membres dans cette trajectoire, avec les mêmes règles du jeu. Au regard des enjeux industriels d’adaptation des outils de productions et de conditionnements, des enjeux économiques liés aux coûts de ces transformations, les PME et ETI de l’alimentation ont maintenant besoin de stabilité réglementaire pour poursuivre et accélérer leurs efforts ».
De son côté, Fernando Rodríguez-Mata, Directeur Général de New ERA explique que “La PPWR nous laisse un goût amer. Le réemploi a enfin été reconnu, mais l’ambition du texte ne répond pas aux attentes des entreprises européennes de réemploi ni aux besoins de l’économie européenne pour créer un avantage compétitif grâce aux systèmes de réemploi. Nous continuerons de travailler avec nos partenaires européens et de collaborer avec les autorités nationales pour garantir une bonne application et mise en œuvre du texte». Pour soutenir la mise en œuvre de la PPWR, New ERA encourage les législateurs, les entreprises et la société civile à unir leurs forces pour concevoir et développer des systèmes de réemploi bien conçus, accessibles, pratiques et durables. Pour Célia Rennesson, Directrice Générale de Réseau Vrac et Réemploi : “La conclusion du processus législatif de la PPWR ne marque pas la fin du voyage, mais la clôture d’un chapitre. L’attention se porte désormais sur le droit dérivé, dans le but de clarifier et d’affiner les détails techniques et opérationnels du règlement, tels que le nombre minimum de rotations des emballages réemployables ou les exigences d’étiquetage. Comme le dit le proverbe, « le diable est dans les détails » et nous nous engageons aux côtés de notre association européenne New ERA à participer activement à ces discussions pour garantir que le niveau d’ambition ne soit pas davantage dilué, tout en ouvrant la voie à une mise en œuvre efficace.”
Les fabricants d’emballages plastiques misent sur l’innovation pour une économie circulaire
De leurs côtés, les fabricants français d’emballages plastiques intensifient leurs investissements en faveur d’une production plus durable et circulaire. Selon une récente enquête menée par Elipso, les investissements en R&D et dans l’économie circulaire ont connu une hausse significative en 2023, traduisant la volonté du secteur de s’adapter aux défis environnementaux et réglementaires.
En 2023, les investissements en R&D dans le secteur de l’emballage plastique en France ont atteint 20,8 millions d’euros, enregistrant une progression de 8 % par rapport à 2022. Ce montant est équivalent au soutien de France 2030 aux projets d’innovation et d’investissement dans l’industrie du vélo. Parallèlement, les investissements dédiés à l’économie circulaire et aux nouvelles réglementations ont également progressé de 3 %, atteignant plus de 20 millions d’euros.
Les axes prioritaires de ces investissements portent sur la recyclabilité, l’incorporation de matières recyclées, la réduction des matériaux utilisés, la décarbonation et le réemploi. Cette approche illustre la volonté de l’industrie d’aller au-delà du principe des 3R (Réduire, Recycler, Réutiliser) en intégrant un quatrième “R” : “Réinventer”. Cette ambition vise à maximiser les bénéfices des emballages plastiques tout en minimisant leur impact écologique.
Anticiper les attentes du marché et les contraintes réglementaires
Les fabricants d’emballages plastiques font face à une demande accrue de leurs clients, principalement issus des secteurs de l’agroalimentaire, du Home Care et du Body Care, en matière de réduction de l’empreinte carbone et d’amélioration de la recyclabilité des emballages. Pour répondre à ces attentes, le secteur prévoit de renforcer ses efforts sur la recyclabilité, l’allègement des emballages et l’intégration de matières plastiques recyclées (MPR), en anticipant la future réglementation européenne imposant un taux de 30 à 35 % de MPR dans les emballages plastiques d’ici 2030. Pour certains emballages sensibles, cet objectif est fixé à 10 %.
Cependant, l’incorporation de MPR se heurte encore à plusieurs défis, notamment la disponibilité limitée et la qualité des matières recyclées, ainsi que leur coût, qui demeure environ deux fois plus élevé que celui de la matière vierge. Pour pallier ces difficultés, 29 % des entreprises du secteur ont mis en place des activités de recyclage directement sur leurs sites de production, renforçant ainsi la circularité des matériaux.
Une diversification vers des solutions alternatives et un cadre réglementaire à clarifier
Au-delà du recyclage, le secteur explore également des alternatives aux plastiques traditionnels. Ainsi, 58 % des entreprises déclarent développer ou envisager de développer prochainement des emballages biosourcés, biodégradables et compostables. Toutefois, le développement de ces résines spécifiques rencontre des obstacles : coût élevé, disponibilité limitée des matières premières et absence de filières adaptées pour leur collecte et leur traitement.
Si les industriels du plastique sont engagés dans des démarches de décarbonation et de lutte contre la pollution plastique, ils font face à une réglementation mouvante, souvent en décalage entre les cadres français et européens. Selon Gaël Bouquet, Délégué Général d’Elipso : « Pour que ces investissements aient une portée utile, il est important de leur garantir une meilleure lisibilité et stabilité des cadres réglementaires européens et français. La résolution de la question écologique ne pourra aboutir qu’en mobilisant tout l’écosystème : metteurs en marché, recycleurs, collectivités, éco-organismes et pouvoirs publics».
Dans un contexte de réindustrialisation et face à la montée des importations de plastiques en provenance de Chine, les fabricants français d’emballages plastiques appellent donc à une meilleure coordination réglementaire pour sécuriser et accélérer leur transition vers une économie circulaire performante et durable.